Cela fait quelques années que nous entendons de plus en plus parler des classements de Shanghai, du Times, de QS (« pour QS World University Rankings ») qui hiérarchisent les universités dans le monde entier. Outre le principe même de ces classements qui posent question car ils participent notamment à mettre les établissements en concurrence (avec un effet pervers sur le bien-être des jeunes chercheurs qui doivent « publier ou périr »), je souhaiterais aborder spécifiquement les rapports de consultance entre les universités francophones et ces sociétés de ranking.
Comme évoqué lors de la dernière séance plénière, des études récentes ont démontré qu’un contrat de consultance avec les sociétés de conseil liées aux rankings a un impact positif sur l’évolution d’un établissement dans le classement. Or, cette consultance a un coût, potentiellement important, qui pourrait donc provenir de l’argent public. Hélas, aucun établissement ne peut se permettre de dire qu’il ne travaille pas avec ces organismes, que ce soit pour leur transmettre les données ou, justement, pour de la consultance. Parce que celui qui ne le fait pas sait qu’il peut y avoir un impact sur son classement.
Il n’en demeure pas moins nécessaire de vérifier et contrôler les relations entre institutions et sociétés de ranking.
D’où ces questions à la Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny :
- Quelles sont les relations de nos universités avec les sociétés de consultance qui établissent les rankings ?
- Disposez-vous d’un état des lieux de la situation ?
- Les commissaires du gouvernement en place dans nos établissements d’enseignement supérieur vous ont-ils rapporté de tels liens voire des contrats de consultance qui pourraient exister entre les sociétés de ranking et les établissements ? Si oui, quelle est leur nature et leur montant ?
- Avez-vous sensibilisé les autorités académiques des universités, ainsi que l’ARES à ce sujet ?
Réponse de la Ministre :
“Monsieur le Député, nous avons déjà évoqué les classements en séance plénière il y a deux semaines à la suite d’une question d’actualité de M.Casier, et il faut sans doute relativiser leur importance, car tous ne sont pas pertinents dans l’espace francophone. Il y a d’ailleurs certainement un travail de communication et de pédagogie à faire à cet égard pour que les classements soient présentés, notamment par les médias, pour ce qu’ils devraient être, c’est-à-dire des outils d’amélioration des institutions dans la mouvance internationale, et non des outils de compétition entre les institutions d’une même région.
Cela étant dit, une bonne évaluation dans les classements contribue à attirer des étudiants internationaux et des chercheurs. Cela permet à la recherche au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles de maintenir son niveau d’excellence et cela facilite la mobilité internationale des étudiants et les partenariats entre universités. Autrement dit, les universités ne peuvent pas ignorer l’influence des classements sur leurs possibilités de coopération internationale et d’accès à certains réseaux.
Dans ce contexte, agir sur les classements en sélectionnant certaines actions ayant un fort impact est le pendant académique des stratégies de référencement sur des outils de recherche comme Google et assimilés pour les entreprises et le marketing. Il n’est dès lors pas anormal de travailler avec des sociétés de consul-tance pour comprendre les résultats et l’impact des données fournies, mais il faut bien sûr le faire en toute transparence.Jusqu’à présent, seule une parmi les six universités a fait appel à de la consultance, selon une procédure d’attribution de marché public approuvée en toute transparence par son conseil d’administration et validée par le commissaire du gouvernement.”
L’objet précis de ma question vise le lien entre les universités et les sociétés de consultance, étant donné que l’ensemble de ce système pose des questions et peut engendrer des effets pervers, tels que la manipulation de données ou des conflits d’intérêts. Nous devons réfléchir aux moyens de sortir de cette logique.
Je note qu’une seule de nos universités travaille avec une société de consultance et que la transparence est garantie par un marché public. Cela me rassure. La prudence demeure toutefois de mise dans la mesure où de l’argent public est utilisé.
J’insiste donc pour que les commissaires de gouvernement soient particulièrement attentifs à ce sujet.