Au-delà de la hausse du quota d’heures pour le travail étudiant, apporter des réponses structurelles pour l’accès aux études

L’accord sur le budget fédéral stipule que le quota annuel de 475 heures de travail étudiant sera porté à 600 heures en 2023 et 2024. Alors que de trop nombreux étudiants sont ainsi contraints aujourd’hui de travailler pour payer leur kot et/ou leurs frais d’études, il faut reconnaître que cette augmentation de 125 heures permettra probablement d’en aider certains d’entre eux à court terme dans ces moments particulièrement difficiles pour leur portefeuille et celui de leurs parents.

Il faut toutefois garder à l’esprit que le fait de jober pour payer ses études a un impact négatif sur la réussite de celles-ci. Ainsi, un étudiant qui jobe a 43 % moins de chance de réussir, et on le constate, le nombre d’étudiants qui jobent tout au long de l’année a considérablement augmenté : en 2021 ils étaient 565.248 jobistes sur l’ensemble du territoire belge, selon les chiffres de l’ONSS ; et plus d’1/5 d’entre eux travaillent toute l’année, pas juste l’été.

L’augmentation du plafond d’heures de travail ne peut donc constituer une réponse structurelle face à la précarité étudiante. Il est ainsi essentiel que celle-ci ne pénalise pas les étudiants sur le plan de la réussite.

L’accessibilité de notre enseignement supérieur est, pour le groupe Ecolo, la clé de voûte qui maintient l’ensemble de nos actions à destination de tous les étudiants, en priorité les étudiants les plus vulnérables et les plus précaires en ces temps de hausse du coût de la vie. La Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny, a pris différentes mesures depuis le début de son mandat afin de diminuer le coût des études, notamment via une première réforme des allocations d’études qui doit se poursuivre, et vous avez augmenté les montants alloués à l’aide à la réussite.

Nous sommes quand même d’accord que le boulot premier d’un étudiant c’est d’étudier.

D’où ces questions à la Ministre Glatigny :

  • Quelle est votre réaction face à cette hausse du quotas des heures de travail pour les étudiants ? En tenez-vous compte dans vos politiques d’accessibilité et d’aides à la réussite ?
  • Qu’en est-il de vos contacts avec la FEF afin d’évaluer le caractère suffisant des premières mesures prises face à la précarité grandissante, comme vous me l’indiquiez suite au dernier conclave ?
  • Quelles sont les mesures immédiates décidées qui pourront venir en aide aux étudiants dès aujourd’hui pour faire face à la crise ?
  • Vous soutenez qu’un problème majeur est le manque d’information à destination des étudiants qui ne font pas appel à l’aide qui serait bien disponible et en suffisance au sein des établissements (une campagne a d’ailleurs été lancée). Cette notion de ne pas faire appel à l’aide et du manque d’information est très difficilement audible et compréhensible dans le chef des étudiants qui maintiennent, via les associations qui les défendent et les représentent, qu’il faut augmenter les montants des aides et élargir le public visé. Je me pose surtout la question de la façon plus ou moins efficace dont les établissements accordent leurs aides, leurs politiques en la matières, leur rôle dans ces problèmes de précarité. Tous les montants accordés sont-ils alloués ? Une certaine autonomie des établissements est évidemment accordée dans la façon dont ils décident d’allouer leur aides sociales, dispose-t-on d’un examen exhaustif de ces politiques d’aides ?

Réponse de la Ministre :

“J’ai pris connaissance de la décision du gouvernement fédéral d’augmenter dès 2023 le nombre d’heures durant lesquelles les étudiants pourront travailler sans être taxés. J’ai moi-même été directement interpellée par des étudiants à ce su-jet. Une enquête menée en 2020 par Randstad Research auprès de 1500 étudiants âgés d’au moins 15ans et inscrits dans l’enseignement secondaire ou supérieur a montré que près de deux étudiants sur trois souhaitaient que la législation soit modifiée pour leur permettre de travailler plus de 475 heures par an.

Selon la même enquête menée cette fois en 2022 par Randstad Research, «le schéma de dépense des étudiants est d’une grande constance. Les différences sont minimes d’une année à l’autre. Même à plus long terme, l’évolution est à peine perceptible. En Belgique, les étudiants travaillent surtout pour leurs loi-sirs, leurs achats et leur épargne». Ils consacrent en effet 33% de leur revenu aux loisirs –sorties, musique, cinéma, jeux vidéo, etc.–, 12% à l’épargne et au placement, 9% aux vacances et aux voyages. Parmi les étudiants qui travail-lent, 29% utilisent ce revenu pour financer partiellement leurs études, à con-currence de 4% du montant gagné en travaillant.

La réforme du décret «Paysage»a été adoptée l’année dernière et sa mise en œuvre vient tout juste de débuter. Dans le cadre de cette réforme, nous avons pris en compte la situation des étudiants jobistes en permettant des allègements pour raisons sociales également en cours d’année, ce qui n’existait pas jusqu’à présent. Nous avons également tenu compte des allègements dans le calcul de la finançabilité afin de ne surtout pas pénaliser les étudiants.

Pour l’instant, je n’ai pas été interpellée par les établissements au sujet d’une augmentation des besoins en matière de colis alimentaire. Si les services sociaux des établissements ont bien relevé une hausse des demandes d’aide financière et d’aide alimentaire, les commissaires et délégués du gouvernement auprès des établissements d’enseignement supérieur, que j’ai interrogés récemment, affirment que les subsides sociaux sont actuellement suffisants pour répondre aux demandes. Pour rappel, ceux-ci s’élèvent à 70 millions d’euros en 2022 et atteindront plus de 79 millions d’euros en 2023.

En ce qui concerne l’aide de première ligne, la ministre fédérale chargée de la Lutte contre la pauvreté et de l’Intégration sociale, Mme Karine Lalieux, a encore rappelé récemment que toutes les personnes qui se trouvent en difficulté face à l’augmentation des coûts de l’énergie sont invitées à pousser la porte des CPAS. Cette aide sociale adaptée est dûment renseignée sur le site www.aide-etudes.cfwb.be, qui a été créé par mon initiative et qui rencontre un franc succès.

Les étudiants ne sont pas suffisamment informés et ne font pas suffisamment appel aux différents dispositifs d’aide. C’est ce qui a motivé le lancement, à mon initiative, de la campagne «Aide-etudes.be». Je vous invite tous à la relayer amplement. Il est dommage que les étudiants ne bénéficient pas de toutes les aides qui sont mises à leur disposition à tous les niveaux de pouvoir. J’en profite pour vous informer que les subsides sociaux, en tant que politique d’aide à l’intention des étudiants, feront l’objet d’une revue des dépenses en vue d’améliorer leur efficience.

Quant à l’extension du gel du minerval, la DPC dispose que le gel du minerval doit s’appliquer de manière absolue à toutes les filières des établissements d’enseignement supérieur, y compris les hautes écoles. Jusqu’à présent, deux hautes écoles dérogeaient à la règle, et la FEF nous a adressé une demande à ce sujet. Comme nous l’avons indiqué à l’IHECS et à la Haute École libre de Bruxelles Ilya Prigogine, une compensation sera opérée. Le montant est basé sur l’estimation des pertes pour l’établissement, qui s’élèveraient à 644 000 euros. Nous couvrons donc les pertes grâce à cette mesure. Une rencontre avec la FEF aura lieu cette semaine, à mon initiative.”

Il est indéniable que les subsides sociaux jouent un rôle important, tout comme les CPAS. Les besoins de collaboration entre les services et les établissements et d’uniformisation des aides fournies par les uns et les autres sont patents. Nous l’avions déjà clairement identifié lors de nos travaux relatifs à la résolution interparlementaire.

Par ailleurs, je suis ravi d’entendre que la Ministre va rencontrer la FEF cette semaine. Cette rencontre permettra peut-être d’identifier d’autres mesures urgentes.

Concernant l’extension du gel du minerval, je suis convaincu qu’il s’agit d’une réelle mesure de soutien structurel. Elle est indispensable pour lutter contre la précarité étudiante et répondre à l’augmentation des prix de l’énergie, des loyers des kots et du coût de la vie en général. Pour un étudiant, il n’est pas tenable de cumuler deux jobs pour payer ses études. Un étudiant ne devrait pas non plus renoncer à entamer des études, car il n’est pas capable de les financer ou de payer un minerval trois fois supérieur à la moyenne. Toutefois, le gel du minerval ne doit pas avoir une incidence négative sur la qualité de l’enseignement. Des compensations suffisantes doivent être prévues. La Ministre nous assure que c’est le cas, et cela rassurera tout le monde.

J’en viens à ma conclusion. Lorsque j’entends certains dire que la collectivité – c’est-à-dire la Fédération Wallonie-Bruxelles – ne devrait pas être celle qui finance l’accessibilité de l’enseignement supérieur, j’en tombe de ma chaise. Bien au contraire, il appartient bien à notre Fédération de faire en sorte que les jeunes puissent accéder à toutes les études. Investir dans l’enseignement supérieur, c’est investir dans l’avenir. Ce choix en vaut la peine !