En janvier dernier, j’avais déjà interpellé la Ministre de l’Enseignement supérieur au sujet des difficultés d’obtention de l’agrément pour exercer la psychologie clinique et l’orthopédagogie clinique, et en particulier sur la difficulté de trouver des maîtres de stage disponibles en Belgique.
Une autre difficulté relative à l’obtention de l’agrément est à soulever.
En effet, depuis le 1er septembre 2016, du fait de la loi coordonnée du 10 mai 2015, les psychologues cliniciens doivent répondre à un certain nombre d’exigences légales en tant que professionnels de soins de santé, dont l’obtention d’un visa octroyé par le SPF santé depuis mai 2019 et un agrément octroyé par les Communautés depuis le 1er janvier 2020. Or, si dans un premier temps une synergie entre le SPF santé publique et la Fédération Wallonie-Bruxelles permettait un octroi automatique de l’agrément sur base du visa, depuis 2020, la Fédération Wallonie-Bruxelles ne pratique plus cet octroi automatique. La Flandre quant à elle poursuit l’octroi.
La Ministre avait annoncé un soutien administratif afin d’accélérer les choses et de permettre aux 3000 psychologues en attente d’agrément d’obtenir une réponse. Or, il ne s’agit pas seulement d’un problème administratif ici. Le problème se situe davantage dans les dispositions transitoires prévues par la loi de 2015, qui prévoit une exemption du stage professionnel pour les psychologues cliniciens qui peuvent prouver qu’ils ont déjà exercé la psychologie clinique avant 2016.
Cependant, dans la pratique, cette exemption est difficilement applicable. Par exemple, certains psychologues cliniciens qui ont eu leur diplôme en 2016, mais qui n’ont pas exercé tout de suite pour diverses raisons inhérentes à la profession, ne peuvent obtenir leur agrément aujourd’hui. Il est en effet parfois difficile de prouver en pratique une année d’expérience complète, car les gens continuent de se former, effectuent un stage complémentaire, etc.
Nous sommes bien d’accord, ceci ne relève pas directement de la compétence de la Ministre Glatigny, mais bien du Ministre fédéral de la santé. Ceci dit, une bonne coordination est essentielle en la matière car le fédéral ne peut décemment continuer à post-poser l’obligation de stage pour les psychologues cliniciens.
La commission d’agrément s’est elle-même positionnée sur le sujet, estimant que le nombre de demandes s’accumulent et fait concurrence aux jeunes diplômés de ces deux dernières années. La commission estime par ailleurs que d’un point de vue déontologique, ces psychologues cliniciens sont parfaitement compétents.
Le constat est donc sans appel : 3000 psychologues cliniciens sont encore dans l’attente de leur agrément et ne peuvent donc pas exercer malgré la pénurie et le besoins criant de professionnels de la santé mentale; et la demande ne fait que gonfler. On irait jusqu’à envoyer les professionnels concernés demander leur agrément en Flandre, puisque celle-ci conserve l’octroi automatique de l’agrément sur base du visa.
D’où ces nouvelles questions à la Ministre :
- Au-delà du soutien administratif déjà fourni, des solutions sont-elles envisagées afin de permettre à ces 3000 professionnels d’exercer leur métier?
- Pourquoi la Fédération Wallonie-Bruxelles n’adopte-t-elle pas la même approche pragmatique que la Flandre en matière d’octroi d’agrément, et ce malgré la position de la commission d’agrément elle-même?
- Il en va de la santé mentale dans notre pays : 3000 professionnels sont contraints d’exercer dans l’illégalité et chacun, à son niveau, doit prendre ses responsabilités.
Réponse de la Ministre :
“Vos chiffres doivent sans doute être actualisés au regard du travail de la Direction de l’agrément des prestataires de soins de santé (DAPSS). Pour les psychologues cliniciens, 920 demandes d’agrément ont été examinées par l’administration sur un total de 2 170 demandes encore pendantes. Elles sont en attente de documents complémentaires à fournir par les demandeurs ou, pour celles administrativement complètes, d’un passage en commission d’agrément pour avis. Les 1 250 dossiers restants seront examinés par l’administration dans les prochaines semaines et d’ici la fin du premier semestre 2023. La DAPSS a engagé un agent supplémentaire pour les demandes d’agrément en tant que psychologue clinicien et orthopédagogue clinicien, ce qui augmente la capacité de traitement des dossiers.
Les dispositions transitoires relatives à l’exemption du stage professionnel relèvent en effet de la compétence du ministre fédéral de la Santé publique, Frank Vandenbroucke, tout comme l’agrément des maîtres de stage et des lieux de stage. En raison du manque de maîtres de stage, le ministre fédéral a décidé que les étudiants diplômés en 2022-2023 ne devraient pas en suivre. Les étudiants diplômés en 2023-2024 devraient en principe suivre un stage, sauf si le ministre décide d’un nouveau report. Le ministre fédéral examine, en outre, la possibilité d’un assouplissement des modalités de stage afin de permettre un déploiement plus stable et durable du stage professionnel. Il a demandé l’avis du Conseil fédéral des professions de soins de santé mentale et a communiqué cette décision aux recteurs des universités en novembre 2022.
La problématique du stage fait l’objet d’un suivi par mon homologue fédéral et par les services de la Fédération Wallonie-Bruxelles, bien que nous soyons tributaires des décisions du gouvernement fédéral. Pour toute question sur les conditions d’exemption du stage professionnel basées sur l’expérience professionnelle, je vous invite à interpeller le ministre fédéral de la Santé publique.
Des réunions ont lieu régulièrement entre les administrations des entités fédérées et le SPF Santé publique pour se concerter sur les questions relatives à l’agrément des professionnels de soins de santé et notamment l’interprétation et l’application des critères d’agrément.
En vertu de l’article 4, § 3, de l’arrêté royal du gouvernement de la Communauté française du 22 décembre 2021 fixant la procédure relative à l’agrément des professionnels de soins de santé mentale, la commission d’agrément a pour mission de rendre au ministre un avis sur toute demande d’agrément en qualité de psychologue clinicien. Une procédure d’octroi automatique ne peut pas être mise sur pied dans le cadre des mesures transitoires qui nécessitent une analyse de l’expérience professionnelle en tant que psychologie clinicien par les membres de la commission d’agrément qui agissent en tant qu’experts. Cette analyse ne peut donc pas uniquement reposer sur une vérification administrative de documents effectuée par mon administration. Il en va de la qualité de la procédure.“
Les chiffres dont je dispose m’ont été communiqués par les professionnels. Je suis ravi d’apprendre que des moyens supplémentaires ont pu être trouvés et que la situation s’améliore. En revanche, le problème des dispositions transitoires subsiste, car la question du stage ne peut pas être indéfiniment reportée. La Fédération Wallonie-Bruxelles semble avoir des difficultés à octroyer automatiquement l’agrément sur la base d’un visa, mais la Flandre procède de cette manière. En attendant une modification de la législation au Parlement fédéral qui doit avoir lieu au plus vite, je comprends difficilement que la Fédération Wallonie-Bruxelles ne soit pas plus pragmatique. Ce problème doit rapidement trouver une solution pour permettre à ces praticiens de renforcer sur le terrain nos équipes qui en ont besoin.