Verviers et le contournement des règles pour désigner le bourgmestre souhaité

Un article du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (CDLD) impose que le bourgmestre d’une commune soit obligatoirement l’élu.e qui a obtenu le plus de voix sur la liste la plus importante constituant la majorité. Si l’élu.e refuse de devenir bourgmestre alors qu’il ou elle occupait une des 3 premières places de la liste, il ou elle doit alors renoncer à siéger au sein du Collège communal.

Certains avaient déjà plus ou moins contourné la règle pour permettre à des candidats ayant réalisé le meilleur score de devenir président de CPAS et pas bourgmestre, mais en démissionnant alors du conseil communal.

Or, à Verviers, on vient d’aller un énorme pas plus loin lors du dernier conseil communal de ce mois de septembre. Pour permettre au 7è élu en termes de voix de préférence d’une liste de devenir bourgmestre, tout en permettant aux 3è et 4è scores de rester membres du Collège communal, il a été imaginé de voter une motion de méfiance individuelle à l’encontre de ces élus ayant réalisé le plus de voix après la bourgmestre sortante – qui auraient donc dû devenir bourgmestre – avant de les réinstaller à nouveau au sein du Collège. Que je sache, les motions de méfiance individuelle ont pour fonction d’exclure un membre du Collège, pas de le réhabiliter dans une même fonction !

Si elle s’explique pour des raisons politiques, cette pratique n’en reste pas moins très interpellante sur le plan juridique. En effet, à quoi sert encore l’obligation du CDLD imposant le nombre de voix comme critère obligatoire dans le choix du bourgmestre, avec des sanctions à la clé lorsque l’on s’en écarte, si c’est pour permettre aussi facilement de ne pas respecter la règle sans s’exposer auxdites sanctions ?

C’est pourquoi j’ai interpellé le Ministre wallon des Pouvoirs locaux, Pierre-Yves Dermagne, sur une série de questions à ce sujet :

  • Quelle est votre analyse de ce type de procédé ?
  • Jugez-vous conforme au Code de la démocratie locale, tant au texte qu’à son esprit, le recours à une motion de méfiance individuelle pour permettre à un candidat ayant récolté moins de voix de devenir bourgmestre tout en permettant aux élus ayant fait plus de voix de siéger au sein du collège communal ?
  • N’y a-t-il pas là un véritable risque de dévoiement des principes du CDLD ?
  • D’autres exemples identiques vous sont-ils connus ? Si oui, lesquels ?
  • Dans le cas particuliers de Verviers, avez-vous été saisi d’un recours sur cette question ? Quelles suites y apporterez-vous le cas échéant ?

Pour le Ministre Dermagne, il est “impossible de se prononcer dès lors que, d’abord je n’ai pas été saisi formellement du dossier, donc je n’ai pas les éléments sous les yeux et que par ailleurs, il a été annoncé que je serais saisi d’un recours et donc je ne manquerai pas de revenir vers vous dans les prochaines semaines sur la base de l’analyse du dossier qui aura été réalisée de manière complète par mon administration et par mes services.”

Si je peux comprendre sa prudence, je reste sur ma faim car je lui demandais aussi une interprétation générale du code par rapport à ce type de pratique au-delà finalement du cas particulier de Verviers.

Je pense que cela mérite en tout cas d’avoir une réponse claire sur le sujet. Je suis bien conscient, évidemment, de l’enjeu de stabilité pour la Ville de Verviers et donc ma crainte est qu’au lieu d’apporter de la stabilité, finalement, ce type de processus et de procédé juridique ne fasse que déstabiliser encore un peu plus la situation sur place.

Je suis vraiment inquiet de l’usage qui est fait ici du Code de la démocratie locale parce que je reste convaincu que cela risque de faire jurisprudence. En effet, le problème ici n’est pas tellement la question de la motion mixte en tant que telle qui, effectivement, était validée par le Conseil d’État, c’est en fait l’utilisation d’une motion mixte pour contourner des sanctions qui sont prévues par le Code de la démocratie locale.

Je trouve que c’est particulièrement problématique et sur ce point en particulier, le Conseil d’État ne s’est jamais prononcé. Pour moi, c’est vraiment contraire, si pas au texte, en tout cas à la ratio legis du texte et j’ai vraiment peur qu’avec une telle interprétation, en fait, il y ait un risque que dorénavant toutes les communes fassent pareil lors des prochaines élections et qu’en fait on puisse de nouveau désigner qui on veut comme bourgmestre simplement en faisant voter des motions mixtes en permanence. Je pense que là, cela n’aurait plus aucun sens.