On l’a régulièrement rappelé ces derniers mois : la Région wallonne doit multiplier par trois le taux annuel de rénovation énergétique des bâtiments actuels (qui est actuellement de 0.8%), afin d’atteindre les objectifs ambitieux de neutralité carbone qu’elle s’est fixés pour 2050.
À cette fin, vous venez d’annoncer la mise en place du consortium Reno+ dont l’ambition est de permettre la massification de la rénovation des logements privés au niveau régional. Ce consortium regroupe le Centre scientifique et technique de la construction, la Confédération de la construction wallonne et le pôle de compétitivité Greenwin et a annoncé se lancer dans cet ambitieux projet de recherche pour les 18 prochains mois.
L’objectif annoncé consiste à proposer des solutions clé sur porte aux ménages les encourageant à rénover leur logement à moindre coût, grâce à des économies d’échelles et à une simplification maximale des démarches.
On ne peut que se réjouir qu’une telle dynamique se mette en place vu l’importance et l’urgence du dossier énergétique, où l’on sait à quel point le soutien est essentiel à la fois aux citoyens pour qui les démarches relatives aux travaux d’isolation sont les plus compliquées et pour le secteur de la construction qui doit pouvoir répondre à la demande amenée à augmenter fortement à l’avenir. Les réponses qui seront apportées par Reno+ seront donc particulièrement utiles.
Cela m’amène à poser quelques questions au Ministre de l’Énergie, Philippe Henry :
- Monsieur le Ministre, comment ce programme s’intègre-t-il à la stratégie wallonne de rénovation ? Dans quelle mesure Reno+ participera-t-il à l’accélération de la rénovation énergétique des logements wallons ?
- Il y a quelques mois, je vous interrogeais sur votre programme de rénovation par quartier dans les principales villes wallonnes. Dans quelle mesure ce plan Reno+ s’inscrit-il en complémentarité avec votre stratégie de rénovation par quartier ? Où en est la mise en œuvre de ce programme et comment Reno+ va-t-il favoriser sa réalisation ? Une attention particulière sera-t-elle consacrée aux publics précarisés ?
- Concernant la pénurie de main d’œuvre qualifiée dans le secteur, vous nous indiquiez en janvier être en discussion avec votre collègue ministre de l’Emploi. Quelles initiatives avez-vous prises depuis lors ?
Réponse du Ministre :
“Monsieur le Député, je considère qu’accélérer le rythme de la rénovation énergétique est indispensable pour le portefeuille de chacun – au niveau de la facture énergétique –, pour diminuer notre dépendance énergétique – il suffit d’évoquer la guerre en Ukraine –, pour le confort et la santé de chacun et de chacune et, également, pour le climat puisque les bâtiments représentent 16% des émissions de gaz à effet de serre de la Wallonie en 2020. Notons que, parmi tous les bâtiments, les logements représentent 70% des émissions du secteur, donc, la toute grande majorité. Gagnante sur tous ces fronts, cette nécessité stratégique l’est tout autant sur le front de l’emploi et de l’économie puisque le secteur de la construction est un secteur important de l’économie wallonne –3,9milliards d’euros de valeur ajoutée; 9000entreprises, plus de 80000emplois – et que le Bureau fédéral du Plan estime que chaque million d’euros investi dans les travaux de construction en Wallonie génère de l’ordre de 12emplois en Belgique, dont près de 10 emplois directs et indirects en Wallonie.
Ce programme Reno+ s’insère parfaitement dans ma stratégie de rénovation puisqu’il vise à compléter le paysage des one stop shops ou plateformes de rénovation par une ou des futures plateformes additionnelles visant spécifiquement la massification de la rénovation. Cette massification se fait en regroupant une demande de nature similaire par zone, rue ou quartier,selon les cas. Elle peut aussi se faire par nature de travaux, notamment la rénovation de toitures par rues entières. De plus, par rapport aux six plateformes locales de rénovation déjà soutenues par le Gouvernement fin 2021, Reno+ vise à faire évoluer le secteur de la construction lui-même en stimulant des approches plus innovantes, voire industrielles, de la rénovation, ce qui est particulièrement intéressant. Les travaux concrets ont démarré puisque Reno+organise, les 5 et 6mai prochains, un hackaton au cours duquel une trentaine de participants, répartis en quatre tables thématiques, tenteront de faire émerger des pistes créatives en ce qui concerne le financement, le démarrage des trains de rénovation, le modèle d’affaires ou encore le rôle des entreprises générales. Le but est d’activer des solutions pour accélérer la rénovation par une approche interdisciplinaire.
J’assisterai personnellement à la restitution des travaux. Reno+, comme les six plateformes locales, est invité à avoir une attention importante aux publics précarisés.En effet, de manière simplifiée, 50% du bâti wallon est de classe F ou G et est donc une passoire énergétique, et au moins 30% de la population se trouve dans une situation de précarité énergétique, logée, de plus,vraisemblablement dans ces passoires. Il s’agit donc d’une part très importante du bâti et d’une part très importante de notre population.
À ce propos, mon cabinet est actuellement en étroite discussion avec la SWCS, qui, en tant qu’organisme prêteur social, offre des prêts à taux zéro dont je compte doubler le volume. Ces prêts à taux zéro permettent à des ménages à revenus faibles et moyens de rénover immédiatement leur logement et de rembourser le crédit contracté grâce à la diminution de leur facture énergétique. Pour les ménages à très faibles revenus,nous sommes en réflexion pour identifier une nouvelle formule de financement spécifiquement adaptée à ce public et qui ne dispose quasiment pas de capacités de remboursement. Je n’ai pas encore toutes les solutions à ce problème complexe sur lequel nous travaillons. Quant à la question de l’emploi et de la formation dans le secteur de la construction, avec ma collègue, la ministre de l’Emploi, nous travaillons actuellement à la définition d’une stratégie qui devrait être prête pour l’été et qui sera mise en œuvre ensuite grâce à des fonds du Plan de relance de la Wallonie.”
Les réponses particulièrement complètes du Ministre permettent d’envisager des perspectives intéressantes, notamment la logique de massification réellement intéressante parce qu’elle permet, d’une part, de faire tomber une série de barrières pour des publics plus éloignés de ces logiques de rénovation et, d’autre part, de réaliser des économies d’échelle. C’est donc une logique particulièrement win-win. Je note l’attention particulière apportée à ces publics plus précarisés, qui sont ceux qui vivent dans les passoires énergétiques les plus importantes. Je relève par ailleurs, et je m’en réjouis, qu’il y a une nouvelle réflexion entamée par rapport à ceux qui n’ont pas nécessairement les capacités d’emprunt. On suivra cela de près.
Par rapport à Reno+, je me réjouis que les travaux concrets démarrent dès à présent. On espère qu’ils pourront aboutir le plus rapidement possible et l’on sera heureux de découvrir le résultat.
Par rapport à l’enjeu de l’emploi, on reviendra d’ici quelques mois pour connaître le résultat des réflexions. C’est un bel enjeu quand on lit les chiffres cités.