Sortir les étudiants libanais du royaume de la débrouille

Je tenais à interpeller une nouvelle fois la Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny, au sujet de la situation des étudiants libanais. Il y a peu je me suis rendu à la rencontre de certains d’entre eux, engagés dans des études de médecine et de dentisterie à l’UCL.

Leurs parcours et leurs témoignages sont renversants. Ils ont quitté leur pays suite à l’explosion du port de Beyrouth, à la crise économique profonde et à l’absence de perspectives réjouissantes.

Si certains ont pu bénéficier d’un minerval réduit l’année de leur arrivée, cela n’a duré qu’un an. Aujourd’hui, ils doivent payer plus de 4000 € : 4175€ précisément. Ce qui représente pour eux, en raison de la dévaluation de la livre libanaise, l’équivalent d’un minerval de… 100.000 € pour nous !

Des frais colossaux auxquels s’ajoutent d’autres obstacles :

  • L’accès aux supports et matériels de cours, dont les coûts sont là aussi particulièrement élevés. Les étudiants en dentisterie doivent par exemple acheter des mallettes, dont les montants vont jusqu’à 3000€.
  • L’installation d’un véritable cercle vicieux. Ainsi, vu le coût du minerval et de l’ensemble des autres frais, ces étudiants sont contraints de travailler en plus de leurs études. La seule solution pour obtenir une réduction du minerval à 835 € consiste à réussir plus de 75% de ses crédits. Mais avec un travail sur le côté, c’est souvent mission impossible et le minerval reste donc fixé à plus de 4000 €, ce qui impose de travailler à nouveau et rend la réussite plus difficile.
  • Sans oublier les équivalences de diplômes : le temps pour les obtenir est souvent très long. Qui plus est, il arrive que ces équivalences soient envoyées au Liban, ce qui étire encore davantage la période d’attente. Or, s’ils n’obtiennent pas leur équivalence dans un certain délai, les étudiants concernés ne peuvent pas s’inscrire à l’université. Inscription dont dépend également les démarches pour la carte de séjour, l’accès à une assurance maladie, comme à un travail, etc. Bref, tout un engrenage qui plonge ces étudiants dans un véritable royaume de la débrouille.

D’où ces questions adressées à la Ministre :

  • Concernant le non-renouvellement de la diminution du minerval à ces étudiants, vous m’aviez déjà indiqué que l’intervention des universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles en la matière avait été réalisée sans qu’un cadre spécifique existe pour une situation de ce type. Il est pourtant indispensable de faire preuve de solidarité et d’accueillir, de façon structurelle, ces étudiants qui fuient la misère ou la guerre. Quelles initiatives, actions, prenez-vous en ce sens ? Que cela soit dans le cadre de la réduction du minerval comme de l’accès aux supports et matériels de cours ? Vu la situation économique terrible et la dévaluation catastrophique que connaît le pays, travaillez-vous par exemple à l’intégration du Liban à la Liste des « pays moins avancés » permettant l’accès automatique à un minerval réduit ?
  • Heureusement certains soutiens existent déjà, comme l’offre de tickets pour le restaurant universitaire. Ces soutiens restent toutefois limités et varient d’une université à l’autre : comment à la fois les renforcer et veiller à leur équité ?
  • On le constate, un autre enjeu vital a trait au délai d’obtention des équivalences de diplômes. Mon collègue, Kalvin Soiresse intervient régulièrement à ce sujet. Pouvez-vous faire le point sur l’accélération des procédures, en particulier pour les étudiants libanais ?

Réponse de la Ministre :

“Lors de sa réunion du 15 décembre 2021, le conseil d’administration de l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur (ARES) a choisi de ne pas ajouter le Liban sur la liste des pays dont les étudiants peuvent profiter d’un minerval non majoré. Une réflexion à propos de la circulaire concernant les droits majorés des étudiants non finançables pour les universités est en cours à la chambre des universités, y compris la liste des pays repris sur l’annexe de la circulaire relative aux montants des droits d’inscription majorés des étudiants non finançables.

Il convient toutefois de rappeler que, selon le principe d’autonomie institutionnelle, les établissements d’enseignement supérieur peuvent accorder à des étudiants à titre individuel des réductions des droits d’inscription à charge de leurs allocations ou subsides sociaux. Les établissements examinent les situations et les spécificités individuelles de ces étudiants dans l’intérêt de ceux-ci. De plus, outre les ressortissants des pays les moins avancés selon l’Organisation des Nations unies (ONU), la circulaire actuelle prévoit, en référence à l’article3 du décret du 11 avril 2014 adaptant le financement des établissements d’enseignement supérieur à la nouvelle organisation des études, que les personnes assimilées aux étudiants belges soient exemptées de droits majorés, c’est-à-dire notamment les personnes bénéficiant du statut de résident de longue durée sur le territoire belge ou les personnes possédant le statut de réfugié, apatride ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire ou ayant introduit une demande d’asile.

Enfin, je vous suggère d’adresser votre question sur l’équivalence des diplômes à Caroline Désir, ministre de l’Éducation. Je la sais très attentive à ce sujet. En effet, les étudiants ont besoin d’une équivalence de leur diplôme d’enseignement secondaire pour accéder aux études supérieures.”

Cette situation est particulièrement difficile. Je suis bien conscient des discussions qui se sont tenues au sein de l’ARES et j’espère que les autres réflexions en cours aboutiront. Je pense toutefois que celles-ci doivent aussi se poursuivre en fonction de l’évolution de la situation et de l’inflation dans le pays et en fonction de la dévaluation de la livre libanaise.

La situation économique au Liban est terrible. J’ai rencontré des étudiants libanais en Belgique qui vivent au royaume de la débrouille. Ils n’ont rien. Ils ne comptent que sur eux-mêmes et sur le travail qu’ils essaient de mener à bien en Belgique.

Ils sont sous pression du fait de devoir réussir à tout prix. Une réussite rendue compliquée à cause du travail qu’ils doivent fournir parallèlement à leurs études. Toute aide supplémentaire serait la bienvenue, c’est pourquoi je fais appel à la Fédération Wallonie-Bruxelles aujourd’hui.