Je suis attaché à la question du calendrier et des rythmes académiques.
Une chose me fait toutefois peur dans ce débat tel qu’il est amené par certains : le risque d’envisager la réforme des rythmes académiques par le seul petit bout de la lorgnette des congés de toussaint et de carnaval.
Ce serait une terrible occasion manquée.
Alors qu’une réforme bien pensée, ambitieuse, construite à partir des demandes et des inputs du secteur, représente un potentiel immense aux répercussions positives, à grande échelle et en chaîne, pour tout notre enseignement supérieur.
Une véritable réforme des rythmes académiques serait bénéfique pour tous les acteurs de l’enseignement supérieur :
- pour les étudiants bien sûr, car elle devrait leur permettre d’être moins épuisés,
- pour les enseignants et les assistants aussi car elle leur permettrait d’avoir davantage de temps à consacrer à leur recherche.
Aujourd’hui, les étudiants du supérieur consacrent entre quatre et six mois par an aux blocus et aux examens.
La carte blanche récente d’un professeur de l’ULB expliquait très bien qu’une réforme des rythmes académiques serait le meilleur moyen de lutter contre la précarité étudiante et contre l’échec ! Sans coûter un euro.
Et j’en suis convaincu !
Car aujourd’hui, le constat est terrible : avec seulement 24 semaines de cours, il n’y a pour de nombreux étudiants que 3 semaines sur 52 qui ne sont pas consacrées aux cours, aux blocus, ou aux examens :
- 6 mois à suivre des cours et 6 mois à étudier ou passer des examens ! Unique au monde…
- Pas de temps pour le repos, la recherche, la vie privée…
- Ce qu’on sacrifie, c’est donc souvent la partie où on assiste aux cours !
C’est un rythme difficilement tenable, et on peut vraiment se poser la question de l’intérêt d’un tel rythme sur les apprentissages en eux-mêmes.
Voilà pourquoi je lie également cette réforme essentielle du calendrier académique à une discussion des modes d’évaluation.
Bien entendu, il est primordial que les professeurs et les assistants puissent décider des modalités d’évaluation de leurs cours, mais il est important de nous faire le relais de méthodologies qui sont peut-être moins courantes ou traditionnelles mais qui portent leurs fruits. Je pense à l’évaluation continue et à l’évaluation entre pairs. Il serait intéressant d’impulser une dynamique dans ce sens et d’encourager les établissements à accompagner les professeurs qui désirent se lancer.
Alors, c’est clair que la réforme des rythmes scolaires est une immense opportunité de revoir aujourd’hui les rythmes académiques et qu’elle pose certaines difficultés pour l’année prochaines pour le secteur jeunesse. On les a relayées à plusieurs reprises ici.
Et on peut sans doute regretter que la réflexion ait démarré très tard dans le supérieur.
Mais elle est maintenant en cours au sein de l’ARES, qui a décidé de ne pas modifier le calendrier pour 2022 mais de prévoir une réforme de beaucoup plus grande envergure pour 2023.
Et c’est l’essentiel : on doit absolument profiter du momentum pour revoir en profondeur le calendrier académique.
En gardant en tête que les congés de carnaval et Toussaint ne sont déjà pas des congés dans beaucoup d’établissements.
Et c’est clair que, dans les réflexions actuellement menées, il faut tenir compte des préoccupations extrêmement importantes et légitimes du secteur de la jeunesse et des sports, en les intégrant dans la réforme.
Les acteurs de ces secteurs doivent être pleinement associés aux réflexions. Et une certaine souplesse doit être prévue pour l’année de transition que l’on connaîtra l’an prochain.
D’où ces questions adressées à la Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny :
- Pouvez-nous nous informer de l’état d’avancement de la réflexion actuellement en cours au sein de l’ARES afin de mener une réforme structurelle et ambitieuse ?
Il est très important que l’ensemble des voix des différents types de personnel au sein du monde académique soient bien représentées et entendues.
- Dès lors avez-vous consulté les partenaires sociaux à ce sujet ?
- Qu’en est-il par ailleurs du secteur jeunesse ? Nous confirmez-vous bien qu’il est associé aux réflexions ?
- Quelles mesures de souplesse sont prévues pour l’année prochaine, en attendant cette réforme de plus grande ampleur pour l’année suivante ?
- Enfin, les questions liées aux modèles d’évaluations sont-elles abordées dans les travaux entamés par l’ARES ?
Réponse de la Ministre :
“Cette réforme engendrera des impacts importants pour de nombreux domaines et de nombreux acteurs de la société. Il s’agit donc pour l’enseignement supérieur, d’une véritable opportunité pour mener une réflexion de fond sur un nouveau calendrier académique. (…)
Mon intention est claire: le principal objectif, dans le cadre de cette réflexion en cours, est d’assurer la qualité de l’enseignement supérieur et l’intérêt des étudiants. C’est cet objectif qui a guidé l’élaboration du décret Paysage 2.0, dont l’entrée en vigueur est prévue dès la rentrée académique 2022-2023. Et c’est ce même objectif qui préside aux réflexions en cours sur le calendrier académique. (…)
Pour l’année prochaine, j’ai rappelé aux établissements qu’ils pouvaient faire correspondre certaines dates de congés avec des dates de congés dans l’enseignement obligatoire, afin de répondre aux préoccupations de membres du personnel qui enseignent à la fois dans l’enseignement obligatoire et dans l’enseignement supérieur. (…)
En ce qui concerne la question de la réforme des rythmes académiques au-delà de l’année prochaine, (…) je précise que, dans le cadre de ses travaux autour du calendrier académique, le groupe de travail de l’ARES a établi des principes communs pour guider sa réflexion et qui concernent des aspects généraux, l’évaluation, les aspects organisationnels (dont le lien avec le calendrier de l’enseignement obligatoire) et des aspects légaux. Par exemple et à propos de l’évaluation, il apparaît que le calendrier actuel n’est pas optimal, notamment pour les étudiants de première année qui ont leurs premières évaluations en janvier.
Les membres du GT se montrent donc ouverts à une évolution en matière d’évaluation, et à prendre davantage en compte l’évaluation continue par exemple, tout en étant conscients que cela peut aussi avoir un impact négatif sur les étudiants tel qu’un stress permanent. Il ne s’agit en aucun cas d’imposer maintenant un autre modèle d’évaluation qui serait la panacée, mais d’ouvrir la réflexion de telle manière à permettre le développement d’une variété large de méthodes d’évaluation adaptées à chaque situation et dont le choix revient à l’enseignant.
Pour le reste, il convient de laisser le secteur travailler et déterminer ce qui lui semble la meilleure solution pour lui-même. Je rappelle que l’enseignement obligatoire a mis plus de 20 années à aboutir à une réforme de son calendrier, il convient de laisser quelques mois au secteur de l’enseignement supérieur pour réformer son calendrier académique.
Pour mémoire, le groupe de travail est composé de représentants de l’ARES, des universités, des hautes écoles, des écoles supérieures des arts, de la FEF, des secteurs de la jeunesse (CCMCJ, CCOJ) et des sports (AISF, ADEPS). Les réflexions au sein de ce GT avancent bien et des pistes sont à l’étude. Les différentes parties prenantes retournent maintenant vers leurs mandants pour alimenter la réflexion et valider ou pas les pistes développées.”
La réorganisation des rythmes académiques est importante dans la lutte contre la précarité étudiante, l’aide à la réussite et la lutte contre le mal-être du personnel. Même si cette réflexion a débuté plus tard dans l’enseignement supérieur, il ne faut pas la bâcler. Nous plaidons pour une réforme ambitieuse et comprenons que les acteurs prennent le temps pour aboutir à des propositions qui répondent à toutes ces préoccupations. L’ambition n’est pas de se coller aux rythmes scolaires, mais d’avoir une réforme de plus grande ampleur qui rencontre les intérêts mentionnés. À ce propos, il est heureux d’avoir entendu les réponses de la ministre, notamment sur les méthodes d’évaluation.