De plus en plus de voix se font entendre dans les universités, hautes écoles et écoles supérieures des arts pour dénoncer la diminution de plus en plus forte de l’encadrement académique et scientifique au sein des établissements d’enseignement supérieur de notre Fédération. Et ce, alors que le nombre d’étudiant ne fait qu’augmenter.
La semaine dernière, c’est la CGSP qui dénonçait la situation à l’ULB. Elle indiquait ainsi qu’entre 2014 et 2021, le nombre d’étudiants inscrits à l’ULB avait augmenté entre 30 et 35%. Or, sur la même période, l’effectif total du personnel académique et scientifique, compté en équivalent temps plein (ETP), a sensiblement diminué. Ceci a engendré une chute dramatique du taux d’encadrement par étudiant : d’après la CGSP, entre 2014 et 2021, ce taux a diminué de plus de 30% pour les corps académique et scientifique et de 20% pour le personnel ATGS (Administratif, Technique, de Gestion et Spécialisé).
Les conséquences quotidiennes de ce sous-encadrement sont, selon l’organisation syndicales, flagrantes : étudiants délaissés et découragés, académiques et scientifiques exténués, secrétariats facultaires et administration centrale au bord de l’asphyxie. Cette baisse continue du cadre serait globale à l’échelle de l’université, au point que le personnel et les étudiants se trouveraient au bord de la rupture dans les facultés les plus sévèrement touchées. Les mobilisations récentes des étudiants et du personnel de la Faculté des Sciences de la Motricité en sont une illustration.
Si la problématique du financement est évidemment un problème général, qui conduit à ce genre de situations, il semblerait que ce ne soit pas la seule explication. En effet, selon la CGSP, même si l’allocation de fonctionnement versée à l’ULB par la Fédération Wallonie-Bruxelles entre 2014 et 2021 n’a pas augmenté autant que le nombre d’étudiants, elle a bien augmenté de 17,6%, en tenant compte de la correction due à l’inflation. Or, cet accroissement substantiel de l’allocation n’a pas engendré d’augmentation équivalente de l’encadrement pédagogique. Ce constat est assez difficile à comprendre au vu de l’explosion des effectifs étudiants.
D’où ces questions à la Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny :
- Quelle est votre analyse de la situation ? Pouvez-vous nous éclairer sur cette absence de recrutement de cadre supplémentaire, à l’ULB, mais également dans de nombreux autres établissements d’enseignement supérieur ? Quel est l’état de la situation ? Et quelles mesures sont prises pour y faire face ?
- Quelles pistes sont à l’étude au sein de votre cabinet, à l’ARES ou ailleurs afin de palier à l’équation difficile du nombre d’étudiants qui augmente plus vite que l’enveloppe fermée ? Et plus concrètement, quelle a été l’affectation des moyens supplémentaires octroyés non affectés au recrutement du personnel ?
Réponse de la Ministre :
“Monsieur le Député, vos questions font référence à l’évolution de deux tendances: l’augmentation de la population étudiante et l’évolution du personnel d’encadrement dans les établissements d’enseignement supérieur.Comme le souligne le professeur Jean-Paul Lambert dans son étude intitulée «L’enseignement supérieur peut-il être à la fois excellent et démocratique?», nous avons assisté au cours de ces cinquante dernières années à une élévation progressive du niveau d’éducation des populations européennes, ce qui induit une massification ou une démocratisation –je préfère cette formulation–de l’enseignement supérieur.
Outre les effets démographiques,une proportion toujours plus importante d’une classe d’âge se tourne vers l’enseignement supérieur afin de bénéficier d’une formation et faciliter son insertion professionnelle. Selon l’Office belge de statistique (Statbel), en 2021, 49,9%des 30-34ans avaient un diplôme de l’enseignement supérieur en Belgique: 56,4%de femmes et 43,3%d’hommes. Cette même année, 36,1%de la population totale belge était titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur contre seulement 13,7%en1991. En trente années, la part de la population belge diplômée de l’enseignement supérieur a donc triplé. Nous observons également que les profils d’étudiants qui se lancent dans les études supérieures sont plus divers qu’auparavant.
C’est une véritable tendance à long terme qui témoigne de l’ouverture de l’enseignement supérieur et de son attractivité. Or la seule matière première dont dis-pose la Fédération Wallonie-Bruxelles est la matière grise, les cerveaux de nos jeunes. Il s’agit donc d’une tendance dont je me réjouis, mais qui est aussi un défi pour les institutions de l’enseignement supérieur, puisque la croissance de la population étudiante s’accompagne de challenges à relever, en termes d’infrastructures, d’aide à la réussite ou d’encadrement.
Vous comparez dans vos questions la croissance de la population étudiante de l’enseignement supérieur à l’évolution du personnel d’encadrement des universités. Au cours de la période 2011-2019, le nombre de membres du personnel des universités a crû très légèrement, d’ailleurs trop légèrement. Il est passé de 14700 ETP à 14912 ETP, avec une augmentation du nombre d’académiques de 265 ETP et du personnel scientifique de 269 ETP. Cette évolution de 1,44% entre 2011 et 2019 est modeste, en comparaison avec la croissance de la population étudiante. C’est pourquoi, depuis le début de mon mandat, j’agis pour accroître les moyens des établissements et ainsi renforcer les moyens dédiés à l’encadrement de l’enseignement supérieur.
Dans cet esprit, et à mon initiative, le gouvernement s’est accordé pour augmenter de manière significative le refinancement de l’enseignement supérieur et de la recherche qui se porte à 50millions d’euros supplémentaires dès cette année, et à 80millions d’euros à partir de2024. Ces moyens doivent prioritairement permettre de faire face au défi de la croissance de la population étudiante en améliorant l’encadrement. J’ai d’ailleurs demandé au Conseil des recteurs des universités francophones (CRef) de travailler sur plusieurs leviers déterminés par le gouvernement dans le cadre de la réforme de financement des universités.
En ce qui concerne la situation spécifique de l’ULB, les universités décident de l’engagement de personnel, mais dans le cadre bien précis des subventions qui leur sont accordées par la Fédération Wallonie-Bruxelles et des règles qui sont fixées par la loi du 27juillet1971 sur le financement et le contrôle des institutions universitaires. Le choix de répartition de l’enveloppe budgétaire fait par l’une ou l’autre des universités s’effectue avec l’ensemble des parties prenantes de chaque institution, dans le respect de ses obligations et des normes en vigueur. Parmi celles-ci figure le fait que les frais de personnel ne dépassent pas 80% du montant de l’allocation annuelle de fonctionnement, du complément d’allocations ou des autres recettes éventuelles du budget de l’institution.”
Je préfère aussi parler de la démocratisation de notre enseignement supérieur ! C’est une chance que plus d’étudiants aient la possibilité de fréquenter l’enseignement supérieur. Nous devons leur en donner les moyens. Un taux d’encadrement élevé est un gage de qualité, au niveau tant de la formation que de la recherche. C’est indispensable pour le fonctionnement correct des universités et pour l’exercice de leurs missions fondamentales.
La Ministre a raison d’insister sur l’importance des moyens complémentaires débloqués par le gouvernement. Elle les a cités : 50 millions d’euros dès cette année, 80 millions d’euros d’ici la fin de la législature. Il convient de s’assurer qu’ils soient bien consacrés à cet encadrement supplémentaire. Nous devons y travailler dans les prochains mois, de sorte que ces moyens encouragent l’aide à la réussite des étudiants. Je suis convaincu qu’augmenter le taux d’encadrement, c’est augmenter celui de réussite de nos étudiants.