Ce que nous apprend l’évaluation des cursus de médecine des universités de la FWB

Le mercredi 23 novembre dernier, l’AEQES a présenté son rapport d’évaluation des études de médecine en FWB. Cette analyse transversale est l’aboutissement d’un long travail d’évaluation réalisé sur plusieurs années depuis 2020 par un comité d’experts indépendants au sein des universités de la FWB organisant les bacheliers et les masters en médecine. En adoptant la posture d’« ami critique » (je cite la présentation), le comité a identifié un certain nombre de points qui nécessitent des améliorations et des innovations, sur la base des développements internationaux récents dans l’enseignement de la médecine. Ils ont, au total, formulé 36 recommandations, adressées aux établissements, mais aussi à l’ARES et au Gouvernement. La question principale sous-tendant leur démarche était : « Quel médecin voulons-nous former pour l’avenir ? ». Les enjeux sont donc importants puisqu’ils touchent directement à la santé publique.

Le rapport souligne que l’évolution et l’innovation dans la qualité des programmes passe par la représentation des étudiants dans les différents organes de gouvernance. Le comité a constaté que, dans plusieurs institutions, la participation des étudiants au sein des conseils n’était pas optimale et que la participation des étudiants aux évaluations des unités d’enseignement était faible.

Le rapport dit aussi que des efforts sont encore à faire en matière de coordination de la commission de programme pour définir les choix pédagogiques au niveau des programmes. Les experts recommandent, entre autres, d’étendre les initiatives d’aide à la réussite à tout le bachelier, que les compétences à acquérir en fin de parcours soient mieux prises en compte dans le contenu de la formation (notamment le développement des compétences de communication).

L’analyse souligne aussi la charge de travail excessive imposée aux étudiants, notamment en bachelier. En master, une grande attention est accordée à toutes les spécialités/hyperspécialités dans les cours théoriques, ce qui conduit à une surcharge de connaissances à acquérir par les étudiants et que de nombreux étudiants s’orientent vers une spécialisation au détriment de la médecine générale ou médecine sociale.

Le rapport de l’Aeqes recommande donc, et cela se lit de façon générale et transversale, de mettre en œuvre des mesures de valorisation de la médecine générale, de la médecine sociale et de la médecine en santé publique afin que cela puisse couvrir les besoins de la société. Il s’agirait de systématiquement interroger la pertinence des contenus de la formation. Mes collègues Margaux De Ré et Hélène Ryckmans sont déjà intervenues plusieurs fois à ce sujet, notamment dans l’approche des soins et de la santé des personnes LGBTQIA+ et/ou racisées, dans la prise en compte des violences gynécologiques et obstétricales, ou encore dans la formation à la pratique de l’IVG et de l’euthanasie dès le début des études.

Le comité recommande également de développer et d’accompagner l’accès aux études médicales des étudiants à besoins spécifiques.

Enfin, le modèle financier des universités fait de l’enseignement le parent pauvre du système où la recherche et les soins aux patients sont au premier plan, au détriment notamment des étudiants en master et de leur travail de fin d’études (manque d’encadrement). Cela conduit à une diminution de la qualité et à un manque de pertinence des aspects pédagogiques de l’enseignement. Le comité considère que la valorisation de l’enseignement doit transparaître dans une politique de carrière, d’appréciation des opportunités et de professionnalisation.

D’où ces questions à la Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny :

  • Vous avez récemment répondu en séance plénière que vous aviez bien pris connaissance de ce rapport et vous avez souligné que celui-ci pointe très justement la qualité de notre enseignement en médecine. Quels leviers avez-vous activés auprès des recteurs et des doyens, ainsi qu’auprès de l’ARES, afin de les encourager à adopter les recommandations du rapport de l’AEQES pour encore améliorer cette qualité, afin que nous répondions aux critères internationaux et européens de l’enseignement en médecine ?

Réponse de la Ministre :

“J’ai pu prendre connaissance du rapport d’évaluation de nos facultés de médecine. Comme vous le soulignez, ce rapport met en évidence la qualité de notre enseignement en médecine.

Permettez-moi de détailler les grands principes qui prévalent, tant au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles qu’au niveau international, pour l’évaluation de l’enseignement supérieur.

– D’abord, l’évaluation doit être conduite d’une manière indépendante du pouvoir de tutelle. Ainsi, en Fédération Wallonie-Bruxelles, le pilotage des évaluations est confié à l’AEQES – l’Agence pour l’Evaluation de la Qualité de l’Enseignement Supérieur – L’AEQES est une agence publique indépendante accréditée au niveau international.

– Ensuite, l’objectif de l’évaluation de l’enseignement supérieur tel qu’il est défini dans les directives internationales de bonnes pratiques est d’encourager la culture « qualité » dans les établissements dans un processus d’amélioration permanente. L’évaluation est donc formative – et non punitive – elle aboutit à des recommandations aux établissements, lesquelles constituent pour ceux-ci un outil évolutif d’amélioration continue de la qualité.

– Le processus part initialement d’une « auto-évaluation ». Celle-ci doit être volontariste, critique et sincère. Sans cette coopération honnête des institutions le processus est stérile.

– Par ailleurs, l’évaluation doit être validée par les pairs, c’est qui est le cas des experts extérieurs.

– Enfin, l’évaluation doit être transparente et publique, ce qui justifie la publication du rapport.

Si je reprends les traits essentiels de la méthodologie – indépendance, autoévaluation, coopération sincère, volonté d’amélioration continue, expertise extérieure, transparence et publicité – il m’apparaît qu’une intervention du pouvoir de tutelle à n’importe quel moment du processus et en particulier dans l’application des recommandations pédagogiques, pourrait être considérée comme intempestive, voire même contreproductive.

Je compte sur les doyens de nos facultés et les recteurs de nos universités pour mettre en application les recommandations qui leur sont faites.”