Avec des délais qui étaient déjà forclos au jour de l’arrêt, plusieurs dossiers emblématiques se retrouvent victimes de la nouvelle jurisprudence du Conseil d’État, exprimée dans l’arrêt n° 255 242 du 9 décembre 2022 invalidant la manière dont la Région interprétait la computation des délais en matière de recours de voirie.
Des actions seraient utiles concernant ces dossiers.
Il en va ainsi de l’un de ceux-ci qui avait fait l’objet d’une décision du Ministre des Infrastructures décidant le maintien d’un sentier « 176 » dans une commune du nord du Hainaut. L’arrêté de Monsieur le Ministre a cependant été attaqué au Conseil d’État précisément avec un argumentaire quasi identique à celui ayant forgé la décision du Conseil d’État du 9 décembre 2022. Il ne fait donc malheureusement aucun doute que la décision du Conseil d’État annulera la décision de Monsieur le Ministre sur la même base, à savoir la forclusion des délais au moment où la décision régionale sur recours a été prise.
Cela entraînera la perte d’un patrimoine viaire emblématique en raison d’une problématique de computation des délais non imputable aux auteurs du recours et aux utilisateurs du sentier qui sont impuissants par rapport à ce problème administratif.
D’où ces questions au Ministre wallon des Infrastructures, Willy Borsus :
- Monsieur le Ministre a-t-il pris des initiatives pour éviter ce résultat ?
- La Région a-t-elle contacté l’autorité communale concernée pour lui demander de retirer avant la décision du Conseil d’État sa délibération de suppression du sentier 176 au nom de l’intérêt général gravement menacé ?
- L’attention de l’autorité communale a-t-elle été attirée sur la possibilité pour le Gouvernement d’actionner l’article 8 du décret du 6 février 2014 qui permet au Gouvernement ou au fonctionnaire délégué de demander la création du sentier 176 sur le tracé litigieux et de statuer à cet effet sur recours si l’autorité communale persiste à vouloir supprimer le sentier ?
Deux autres dossiers encore plus emblématiques sont concernés dans la vallée de l’Eau d’Heure. Il s’agit de deux dossiers parallèles où un nouvel acquéreur d’une ancienne ferme veut déplacer loin de chez lui deux chemins utilisés abondamment par le public. Un premier recours contre la décision communale accordant la modification de voirie sollicitée par ce riverain avait été accueilli par ses soins, mais plutôt que de mettre sa décision en œuvre, le riverain a réintroduit le même dossier une seconde fois et la commune a confirmé sa première décision favorable au déplacement du chemin. Les recours contre cette nouvelle décision sont aussi victimes de la nouvelle jurisprudence du Conseil d’État en ce qui concerne la computation des délais et les auteurs des recours viennent de recevoir de son administration ce 31 janvier dernier un recommandé annonçant que le délai pour se prononcer est échu depuis des mois et que la décision communale est applicable.
Dans ce dossier, les utilisateurs s’étaient pourvus parallèlement devant le juge de paix pour défendre le tracé historique des chemins concernés et ce dossier est toujours pendant devant le juge de paix. Celui-ci va évidemment recevoir de l’avocat du riverain la décision de forclusion du délai de recours.
- Quelles actions Monsieur le Ministre a-t-il prises pour éviter une issue défavorable dans ce dossier ?
- La Région pourrait-elle se porter partie intervenante pour y indiquer que, sans la nouvelle jurisprudence du Conseil d’État sur les délais de forclusion des recours, la décision de la Région aurait été d’accueillir le recours comme elle l’a fait la première fois sur un dossier identique ?
- Indépendamment de la procédure judiciaire en cours, Monsieur le Ministre entend-il actionner l’article 8 du décret du 6 février 2014 qui permet au Gouvernement ou au fonctionnaire délégué de demander la création du chemin sur le tracé litigieux et de statuer à cet effet sur recours si l’autorité communale persiste à vouloir supprimer le tracé historique ?
Réponse du Ministre :
“Comme je l’ai précisé en répondant à la précédente question (n°387) de l’honorable membre qui portait sur les impacts induits par l’arrêt du Conseil d’État relevé dans sa question et le traitement des recours en matière de voies communales, il n’entre pas dans mes intentions de faire application de l’article 8 du décret du 6 février 2014.
Ces procédures impliqueraient d’importantes mobilisation de ressources humaines. À cet effet, des agents de l’administration devraient être formés pour introduire et assurer l’instruction de ces demandes, des marchés publics de services devraient être passés pour désigner des auteurs de projet. Des moyens financiers devraient également être engagés pour la constitution des dossiers et les taxes communales liées au dépôt des demandes, etc.
Le contexte budgétaire de la Wallonie ne permet pas à ce stade ce type de dépenses.
Qui plus est, à l’article 8 précité, la mention des différentes autorités instruisant les demandes de permis, tels les fonctionnaires délégués, techniques et des implantations commerciales, voire le Gouvernement statuant sur recours, vise à permettre à ces autorités d’entamer la procédure organisée par le décret, lorsqu’elles constatent la nécessité de mise en œuvre de celle-ci dans le cadre de l’instruction des demandes relevant de leurs compétences respectives.
Cette mention n’a pas pour but de rendre ces différentes autorités compétentes pour solliciter, au nom de la Région wallonne, la création, la modification ou la suppression d’une voirie communale, mais bien de veiller aux respects des procédures induites par les demandes qui leur sont soumises et rendues nécessaires par l’exercice de leurs compétences.
Pour ce qui relève de l’application du décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale, modifié par le décret-programme du 17 juillet 2018, le Conseil d’État a relevé dans son arrêt 255.242 du 9 décembre 2022 qu’ « en considérant que le « dossier de recours » doit contenir, outre les éléments que l’auteur du recours doit joindre à celui-ci, certaines informations émanant de la commune relatives à la procédure d’instruction de la demande, l’administration régionale procède à une lecture erronée de l’article 19 du décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale ». Dans ce même arrêt, le Conseil d’État indique que « le texte de l’article 19, alinéa 1er, du décret du 6 février 2014 est clair en ce qu’il vise « la réception du recours complet » et non la réception « du recours et du dossier de la commune ».
Quant à la gestion des nouveaux dossiers de recours, faisant suite au rapport de l’auditeur du Conseil d’État, une instruction a été transmise dès le 14 novembre 2022 à l’administration demandant que les dossiers de recours soient instruits en respectant strictement le délai visé à l’article 19, alinéa 1er du décret du 6 février 2014.“