Ces dernières années, nos établissement d’enseignement supérieur comptent de plus en plus d’étudiants non-résidents, en particulier français, suite à l’introduction de filtres toujours plus importants à l’entrée des études, via Parcoursup notamment.
Cette politique de sélection injuste mise en place chez nos voisins français représente donc un enjeu important pour nos établissements également, et en particulier pour certaines filières qui doivent faire face à un afflux massif, avec un financement qui ne suit pas.
Si l’apport d’étudiants étrangers dans notre enseignement supérieur constitue une richesse indéniable, la situation actuelle devient malheureusement parfois difficilement tenable.
Alors qu’un quota de non-résidents existe déjà dans une série de filières, la Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny, annonçait récemment dans la presse son intention d’explorer l’opportunité d’étendre le contingentement des étudiants non-résidents à d’autres cursus, comme ceux de sage-femme, pharmacie et sciences psychologiques et de l’éducation.
D’où ces questions :
- Madame la Ministre, où en est votre réflexion sur le sujet ? A quelle échéance entendez-vous mettre en place de tels filtres ?
- Dans la presse, vous indiquiez que 50% des diplômés de la filière sage-femme étaient français et que cela avait un impact sur la qualité de l’enseignement. Un contingentement des étudiants non-résidents semblait donc plus facilement justifiable au regard des règles européennes. En revanche, pour les filières pharmaceutiques et psychologiques, il semblerait que les chiffres d’étudiants non-résidents (20 et 13%) se situent en dessous des quotas introduits par les dispositions régulant actuellement le nombre d’étudiants dans certains autres cursus de premier cycle de l’enseignement supérieur.
- Dans quelle mesure comptez-vous dès lors étendre le contingentement pour ces trois nouvelles filières ? Sur quelles bases entendez-vous le justifier auprès de la Commission européenne ?
- D’autres filières sont-elles susceptibles de faire partie d’une telle extension du fait d’une augmentation du nombre d’étudiants non-résidents ?
De plus, vous connaissez mon attachement au maintien de l’accessibilité des études supérieures pour tous mais également à l’ouverture d’un dialogue avec les autorités françaises pour trouver un compromis sur le financement des très nombreux étudiants français qui viennent étudier en Fédération Wallonie-Bruxelles.
- Cette occasion me permet de vous interroger à nouveau sur la question. Des pistes d’amélioration ont-elles été abordées avec la nouvelle ministre française de l’enseignement supérieur ? Des progrès ont-ils été réalisés dans ce domaine ?
- En plénière, vous indiquiez que l’idée d’un fond de compensation européen pour rééquilibrer les déséquilibres régionaux en matière d’éducation n’était pas simple dès lors que peu de pays européens étaient concernés. N’est-il toutefois pas possible de mettre ce mécanisme en place avec les pays concernés et volontaires ? Où en sont les discussions ?
- Enfin, vous évoquiez un groupe de travail de l’ARES chargé de plancher sur la problématique du financement des étudiants non-résidents. Où en est la réflexion de ce GT ? Quelles sont les pistes étudiées ? Et dans quels délais un aboutissement est-il attendu ?
Réponse de la Ministre :
“J’ai bien pris connaissance des derniers chiffres des étudiants français inscrits dans nos établissements. Concernant les cursus de sage-femme, de pharmacie et de sciences psychologiques et de l’éducation, je vous ai déjà fait part de l’analyse que j’ai demandée à l’administration portant sur l’opportunité d’étendre le contingentement des étudiants non-résidents à certaines filières. Ce n’est pas que nous aimions envisager une telle mesure, mais le renouvellement de la force de travail pose un problème et la qualité de certaines formations est menacée. En tous cas, il existe des inquiétudes.
On sait que la situation doit s’apprécier au cas par cas, c’est-à-dire filière par filière. Ainsi, les éléments que nous avons reçus concernant les filières de sciences psychologiques et de l’éducation, et de sciences pharmaceutiques, ne nous permettent pas d’avancer vers un contingentement des non-résidents. Comme vous le mentionnez, les chiffres d’étudiants non résidents sont plus réduits. Durant l’année académique 2020-2021, les étudiants non-résidents européens représentaient 13 % des inscriptions en bachelier en sciences psychologiques et de l’éducation, orientation générale, et 20 % en sciences pharmaceutiques.
En revanche, en ce qui concerne la filière des sages-femmes, la situation est différente. En effet, la proportion d’étudiants non résidents représente plus de 40 % de la population étudiante en première année de bachelier et plus de 50 % des diplômés pour l’année académique 2020-2021. Cela a potentiellement une incidence négative sur la qualité de la formation, car, vous en conviendrez, nous ne sommes pas en mesure d’agir sur le nombre d’accouchements nécessaires pour garantir la pratique de nos étudiants en stages, durant lesquels il faut pratiquer un certain nombre d’accouchements. Au vu des engagements pris dans la DPC, j’ai donc demandé à l’administration d’investiguer plus avant la possibilité de prévoir un contingentement des non-résidents dans cette filière, en ayant à l’esprit le maintien de la qualité de la formation des futures sages-femmes et en veillant à ne pas mettre en péril notre système de santé et le renouvellement de la force de travail.
Cette analyse devrait me parvenir d’ici la fin de l’année académique. En fonction des résultats, le gouvernement examinera si la mise en œuvre de ce contingentement peut être envisagée pour l’année académique 2024-2025. Nous n’avons cependant aucun plaisir à recourir à ce genre de mesure. À ce jour, un contingentement des non-résidents n’est envisagé dans aucune autre nouvelle filière.
Monsieur Demeuse, vous mentionnez la situation dans les ESA, dont certaines connaissent un afflux particulièrement important de non-résidents. Je rappelle que c’est la mise en danger de notre système de santé, et donc la formation et la rétention de notre personnel dans ce secteur, qui reste le seul motif recevable pour la Commission européenne. Encore faut-il qu’il soit dûment argumenté et justifié.
Enfin, la création d’un fonds de compensation nécessite une réflexion de longue haleine qui doit faire son chemin auprès de l’Union européenne et des 27 États membres. J’aborderai ce sujet dans le cadre de la présidence belge de l’Union européenne, qui commencera en janvier 2024. J’ai bien formulé la demande à l’ARES concernant le groupe de travail récemment sollicité. L’ARES œuvre à définir sa composition et ses modalités de fonctionnement. La mission de ce groupe de travail est de réfléchir à la faisabilité et à la mise en œuvre d’un modèle fondé sur les réflexions des professeurs Yzerbyt et Vandenberghe, qui vise une refonte du système de financement de l’enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles au moyen de la réorientation partielle de son financement public actuel, sur la base du modèle de l’assurance santé, en vue de promouvoir le développement de l’espace européen de l’enseignement supérieur et la mobilité des étudiants en son sein. Il s’agit d’identifier les conditions d’existence de ce modèle tant au niveau juridique – le droit européen doit être respecté – qu’aux niveaux budgétaire et fonctionnel. Personne ne doit être perdant. Nous recueillerons les fruits de cette réflexion avant la fin de la législature.”
Je salue la décision de la Ministre de ne pas créer de contingentement supplémentaire pour les études de sciences de l’éducation et de pharmacie. J’entends que la réflexion se poursuit en ce qui concerne le cursus de sages-femmes, où se posent des questions de santé publique et de qualité de la formation, vu les taux particulièrement importants de diplômés français. J’y reviendrai, conformément au calendrier mentionné.
Une solution plus large s’impose en termes de financement et de participation, notamment dans le chef des pays qui envoient le plus d’étudiants, du fait de la sélection qu’ils instaurent dans leur propre pays. Il n’est pas normal, parce que nous voulons garder un enseignement accessible et ouvert, que nous devions payer pour les pays qui mettent des filtres à l’entrée. Je suis très attaché à cette accessibilité et je me réjouis que nous puissions porter ce débat à l’échelon européen.
Je serai attentif aux résultats du groupe de travail de l’ARES, qui devra respecter le double enjeu du respect du droit européen et de l’accessibilité, fondamentale pour toutes et tous.