Le nombre d’étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur est en augmentation constante ces dernières décennies. Ainsi, leur nombre est passé de 151.112 pour l’année académique 2006-2007 à 238.012 pour l’année académique 2019-2020 selon des chiffres de l’ARES.
Le nombre de diplômés quant à lui est passé de 22.813 bacheliers, 15.916 masters et 625 doctorants en 2006-2007 à 28.018 bacheliers, 18.882 masters et 891 doctorants en 2019-2020.
La mise en perspective de ces chiffres nous permet notamment de nous rendre compte que si le nombre d’étudiants inscrits en bachelier a augmenté de 57,5%, le nombre d’étudiants diplômés n’a augmenté que de 22,81% sur la même période.
Le décrochage entre ces deux chiffres est particulièrement interpelant.
D’où ces questions à la Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny :
- Confirmez-vous ces chiffres ? Disposez-vous de données plus récentes à nous fournir ? Comment expliquez-vous le décalage croissant entre l’augmentation importante du nombre d’étudiants et le nombre de diplômés ?
- Quelles initiatives prenez-vous pour améliorer le taux de diplômés ?
Récemment, on apprenait que les résultats de la session de janvier s’étaient soldé par moins d’un examen réussi sur deux (47%), ce qui constitue un recul significatif par rapport aux années antérieures.
Or, l’un des objectifs annoncés de la réforme du décret paysage, entrée en vigueur en septembre dernier, visait à améliorer le taux de réussite.
J’avoue être donc assez inquiet, dès lors que les conditions de finançabilité ont été resserrées.
- Dans quelle mesure cette réforme a-t-elle eu un impact sur le taux de présence et de réussite des examens de la session de janvier dans l’ensemble de l’enseignement supérieur (en ce compris non-universitaire) ?
- Quelles initiatives complémentaires mettez-vous en œuvre ?
Réponse de la Ministre :
“Monsieur Demeuse, la comparaison temporelle de quelques statistiques relatives aux inscriptions et aux diplomations afin de présenter l’évolution des parcours étudiants requiert la prise en compte de plusieurs variables importantes. Si ces dernières ne sont pas prises en compte, les interprétations risquent d’être erronées.
Premièrement, le nombre d’étudiants que vous avez cité comprend l’ensemble des étudiants, du bachelier au doctorat, en passant par les masters ou bacheliers de spécialisation et les agrégations de l’enseignement secondaire supérieur (AESS). Par contre, vos statistiques ne reprennent que le nombre de diplômés finaux, c’est-à-dire les bacheliers pour le type court et les diplômés de master ou les docteurs pour le type long, y compris les universités.
Deuxièmement, l’augmentation théorique de la durée de certains cursus, comme le passage de trois à quatre ans d’études pour le bachelier en soins infirmiers en 2016-2017, et le passage, pour un grand nombre de cursus, d’un système 2+2 à 3+2, c’est-à-dire trois années de bachelier suivies de deux années de master, ont un impact direct sur le nombre d’étudiants, mais pas sur le nombre de diplômés.
Troisièmement, il faudrait également prendre en compte les transferts de certains cursus d’un type d’établissement à un autre. Je pense, par exemple, aux traducteurs-interprètes et aux architectes. Enfin, certains effets du précédent décret «Paysage», tels que l’allongement significatif des études ou les réorientations et abandons plus tardifs en cours de cycle, ont eu un impact su l’augmentation du nombre d’étudiants inscrits dans le système au même moment.
En tenant compte de l’ensemble des facteurs cités ci-dessus, si nous voulions avoir une idée de la tendance au cours des dernières années, nous pourrions, par exemple, comparer l’évolution du nombre d’étudiants inscrits en type long, ainsi que le nombre de diplômés. Si nous comparons la période 2004-2005 à celle de 2020-2021, nous constatons une augmentation de 60 % du nombre d’étudiants inscrits et une augmentation de 52 % du nombre de diplômés. Nous voyons bien qu’avant la réforme du décret, plus d’étudiants s’inscrivent, mais qu’il n’y a pas davantage de diplômés. En réalité, de nouveaux publics s’inscrivent. C’est une bonne chose, mais ces jeunes ne sont pas forcément bien préparés.
C’est la raison pour laquelle nous avons augmenté le montant des aides à la réussite, afin, par exemple, de remédier très rapidement à une absence de prérequis. Je vous rejoins sur la nécessité de permettre à un plus grand nombre d’étudiants d’obtenir un diplôme. C’est même tout le sens de la réforme du décret «Paysage», dont l’un des grands axes consiste à baliser davantage le début du parcours de l’étudiant et à clarifier la notion de réussite, sans supprimer pour autant la philosophie du décret précédent. Cette philosophie, basée sur un système d’accumulation de crédits, est très intéressante puisqu’elle nous permet d’établir une correspondance avec les cursus dans les pays voisins. L’objectif est d’aider les étudiants à mieux organiser leur parcours d’études et à se concentrer sur l’acquisition des crédits indispensables à la poursuite de leurs études, mais aussi à se réorienter le plus rapidement possible en vue de décrocher un diplôme. C’est tout le sens de l’année joker en cas de réorientation.”
Un reportage de la RTBF a montré que les étudiants n’étaient pas encore suffisamment au fait d’une série d’éléments relatifs au décret «Paysage» et à cette période transitoire. Malgré les efforts déjà consentis, il reste donc un travail important de communication et d’information. Nous devons retaper sur le clou à l’aube de cette session d’examens.
Le monitoring et l’évaluation du décret sont fondamentaux. La Ministre a rappelé le manque de statistiques. Espérons que la plateforme e-paysage améliorera rapidement la situation. Nous devons également permettre à tous les étudiants d’avoir les mêmes chances de réussir. Pour ce faire, nous devons travailler sur les causes profondes de l’échec, notamment la précarité étudiante.
Enfin, une réforme en profondeur des rythmes académiques reste, à mes yeux, la meilleure réforme possible du décret «Paysage» pour aider les étudiants à réussir. J’espère que nous y parviendrons un jour ou l’autre.