L’Université de Liège a récemment porté plainte contre cinq personnes ayant produit des faux documents permettant l’inscription à l’université à des étudiants camerounais. Plus d’une quarantaine de dossiers auraient été impactés.
Il s’agit d’un système de fraude bien rodé touchant majoritairement des étudiants du Cameroun, pays le plus représenté dans les demandes de visas d’études.
Pour obtenir ce précieux document, tous les étudiants internationaux doivent présenter un plan financier, comprenant le soutien d’un garant. Le montant pour l’année académique 2023-2024 a été relevé à hauteur de 2758 euros nets par mois, correspondant ainsi à 120% du Revenu d’intégration sociale contre 100% les autres années. A cela s’ajoute un montant de 789 euros que chaque étudiant non-belge doit pouvoir présenter pour étudier sur le territoire.
Ce durcissement des critères impacte fortement une bonne majorité des étudiants, souvent en situation de précarité. Ces montants sont élevés et difficilement atteignables.
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant de voir que certains d’entre eux aient recours à des méthodes peu fiables, à caractère frauduleux, afin d’éviter ce cadre légal, au risque de ne plus pouvoir s’inscrire dans une université de la FWB pendant plusieurs années. Mais sans garant, ces étudiants peuvent perdre leur titre de séjour entraînant une obligation de quitter la Belgique.
La gestion d’une telle situation, pour des étudiants, qui ne devraient se soucier que de leur scolarité, est à déplorer. Pourtant, ce système frauduleux ne date pas d’aujourd’hui, déjà relevé en 2018, une mission de sensibilisation avait été entreprise au Cameroun.
Je viens donc à m’interroger sur l’apport de nouvelles mesures pour éviter que les étudiants se retrouvent victimes de ces abus.
D’où ces questions à la Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny :
- Depuis 2018, quels outils ont été mis en place pour faire face à ce système de fraude ? Quels en sont les résultats ? Envisagez-vous d’en prendre de nouveaux ?
- Savez-vous si l’université de Liège est la seule université touchée ? Cette dernière a annoncé renforcer ses mesures de contrôle pour lutter plus efficacement contre ce système. La généralisation de ces méthodes de contrôle à l’ensemble des universités est-elle à l’ordre du jour ?
- Mais l’enjeu principal réside surtout dans la prévention. Il n’est pas acceptable que des personnes puissent profiter de la situation précaire des étudiants internationaux, un dispositif de signalement de ce type d’escroquerie a-t-il été mis en place ? Si oui, quels en sont les résultats? Si non, est-il envisagé ? Quels autres moyens peuvent-être mis en place ?
- Les conditions d’accès et de séjour dépendant du niveau fédéral, où en sont les discussions avec le gouvernement fédéral pour faciliter l’accès à notre enseignement supérieur aux étudiants hors UE ?
- Le mois dernier, vous avez reçu une délégation de la P.L.A.D.E. (Plateforme de Lutte pour l’Amélioration des Droits des Etudiants étrangers) soutenue par la FEF, à la suite d’une manifestation protestant contre la précarisation et les expulsions d’étudiants étrangers mais aussi contre l’augmentation des exigences de revenus pour les garants.
- A ce titre, quelles ont été les suites de cet échange ? Quelles mesures ont été prises pour donner suite à leurs revendications ?
Réponse de la Ministre :
“J’ai bien pris connaissance des cas de fraude rapportés par l’ULiège. La lutte contre la fraude à l’inscription, y compris le mécanisme des faux garants, est du ressort du gouvernement fédéral, de même que l’instauration d’un éventuel dispositif de signalements.
Pour ce qui est de l’ULiège, son dossier a été soumis à l’instruction du Parquet de Liège. Il ne m’appartient pas de commenter le dossier ou la bonne foi éventuelle des étudiants. Je peux toutefois confirmer qu’une fraude avérée dans un dossier d’inscription peut mener à l’exclusion d’un étudiant. D’autres types de fraudes sont régulièrement décelés par les établissements eux-mêmes ou par l’Office des étrangers. Ces cas ne sont pas toujours rapportés dans la presse.
Pour ma part, j’ai rencontré la secrétaire d’État Nicole de Moor dans la foulée de ma réunion avec les étudiants de la Plateforme de lutte pour l’amélioration des droits des étudiants étrangers (PLADE) et de la Fédération des étudiant(e)s francophones (FEF). Mme de Moor et moi avons discuté de différents sujets, dont la problématique que vous soulevez. Nous sommes conscientes que la coordination entre l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur (ARES) et l’Office des étrangers peut faire défaut. Nous avons donc convenu de continuer à œuvrer vers la meilleure intégration possible des étudiants et la bonne coordination entre les services des admissions et des inscriptions des établissements et les services de l’Office des étrangers, dans le respect de leurs missions. Il convient d’expliquer les réalités spécifiques de nos établissements d’enseignement supérieur et de travailler ensemble.
Par ailleurs, le 7 mars dernier, la Conférence interministérielle politique étrangère (CIPE) a décidé de mettre sur pied un groupe de travail ayant pour mission de continuer à discuter des questions propres à la mobilité des stagiaires, chercheurs, étudiants et boursiers non ressortissants de l’Union européenne. Dans la foulée, le Ministre-Président Pierre-Yves Jeholet et moi-même avons adressé un courrier commun à la secrétaire d’État, Nicole de Moor, pour que ce groupe de travail soit constitué et commence ses travaux.”