La ville de Charleroi étudie en ce moment le potentiel de l’utilisation de l’intelligence artificielle pour améliorer le service administratif aux citoyens. L’objectif annoncé vise à automatiser les tâches les plus répétitives et à mettre à disposition des personnes qui recherchent des informations une IA conversationnelle en mesure de répondre à leurs questions. On pense par exemple aux informations sur les règlements et les services communaux.
Un groupe de travail devrait se réunir cette année pour étudier les avantages et les inconvénients de la mise en place d’un tel outil au niveau local. D’autres institutions et villes wallonnes seront sans aucun doute très attentives aux conclusions du travail mené.
Nous sommes en effet tous bien conscients de la révolution que constitue l’intelligence artificielle et de son influence dans tous les domaines de la société. Les pouvoirs locaux n’y échapperont pas.
Il convient toutefois de ne pas négliger les défis et problématiques soulevés par l’apparition de ces technologies dans la vie de nos citoyens, et de leur utilisation comme interface avec les pouvoirs publics. Si les opportunités sont réelles, nous ne pouvons pas ignorer la fracture numérique qui laisse en difficulté 46% des adultes et au premier rang de ceux-ci les personnes les plus précaires. Les jeunes, qu’on imagine pourtant facilement comme nés avec un smartphone dans la main, ne sont pas en reste. Pour un tiers des 16-24 ans certaines compétences numériques essentielles leur font cruellement défaut. J’espère donc que le temps et les moyens libérés par la mise en place de ces outils permettra, en contrepartie, d’offrir un meilleur service aux citoyens qui ont besoin d’un contact humain.
Le maintien de l’emploi et de contacts humains représentent ainsi des enjeux fondamentaux dans cette réflexion. La qualité et la crédibilité des données fournies constituent un autre défi.
L’utilisation de l’IA soulève également de nombreuses questions quant à la sécurité des données et à la conformité avec le RGPD. J’ai pu noter que la ville de Charleroi semblait particulièrement attentive à cette question et je m’en réjouis.
D’où ces questions au Ministre des Pouvoirs locaux, Christophe Collignon :
- Monsieur le Ministre, soutenez-vous la mise en place d’outils basés sur l’intelligence artificielle dans nos administrations locales ?
- Le cas échéant, quelle initiatives prenez-vous pour les accompagner dans cette réflexion ?
- Travaillez-vous à la mise en place de balises dans l’usage de telles technologies dans les administrations locales ?
- Quelles initiatives prenez-vous pour renforcer l’accès de tous les citoyens aux services offerts par les administrations communales ?
Réponse du Ministre :
“Monsieur le Député, avec la création de ChatGPT, le recours à l’intelligence artificielle interroge les pratiques de nombreux professionnels. Certains pouvoirs locaux – comme la Ville de Charleroi – ont décidé d’étudier la question de l’introduction de l’intelligence artificielle dans le suivi administratif. Cette réflexion permettra concrètement de mettre en évidence les avantages, mais aussi les risques et inconvénients de cet usage. Il me semble qu’il convient d’observer ces premières communes pilotes avant d’envisager une réflexion de plus grande ampleur.
Néanmoins, certaines réflexions préliminaires peuvent déjà vous être partagées. Tout d’abord, nous devons veiller à façonner la transformation numérique de manière inclusive et surtout progressive. Il faut donner le temps aussi bien aux administrations qu’aux administrés d’appréhender cette nouvelle transformation et de se former à celle-ci. C’est pour cela que concernant les pouvoirs locaux, d’une part, ces derniers sont sensibilisés à cette transformation par différents canaux. Par exemple, ce sujet a été mis au centre de l’évènement organisé par le Conseil régional de la formation sur l’intégration, la mobilisation et l’actualisation des compétences dans les pouvoirs locaux.
À cette occasion, les avantages comme les risques de l’intelligence artificielle ont été développés. De mon côté, lors de mon intervention, j’ai pu mettre en avant la nécessité de former les agents des pouvoirs locaux à ces nouvelles transformations numériques et, plus concrètement, j’ai insisté sur le travail qui sera mené à ce sujet par le groupe de travail sur la réforme de la fonction publique locale. Concernant les citoyens, d’autre part, il y a d’abord la question de la fracture numérique qui se pose. Le Baromètre 2021 de maturité numérique des citoyens wallons, publié par l’Agence du numérique, indique que le pourcentage de citoyens victimes de la fracture numérique varie entre 4 à 32 % selon les cas visés. Il est donc important de ne pas oublier ces chiffres et donc de veiller à :
- maintenir certains services à la population comme les guichets dans les administrations locales ;
- réduire cette fracture numérique via différentes actions comme les actions menées dans le cadre des plans de cohésion sociale que je subventionne, par exemple les cours d’initiation à l’informatique pour les personnes âgées.
Je rappellerai aussi que j’apporte mon appui et participe à cette politique communale d’ouverture de façon indirecte via toutes les mesures prises pour soutenir les pouvoirs locaux aussi bien dans l’acquisition de matériel informatique que dans la formation à ces transformations ou aux risques liés à celles-ci, comme celui de la cybersécurité. Pour le surplus, je vous renvoie vers mon collègue Willy Borsus, ministre compétent en la matière.
Ensuite, vous m’interrogez sur la conformité de l’intelligence artificielle avec le RGPD. La question de la protection des données est cruciale étant donné qu’un système d’intelligence artificielle impose notamment la collecte massive de données à caractère personnel. Pour s’assurer que seules les données pertinentes sont utilisées par le système d’intelligence artificielle et donc que le RGPD est respecté, la finalité de l’utilisation et la durée de conservation de ces données doivent bien être définies. Ce système n’échappe donc pas à l’obligation de respecter le RGPD et il est important de mettre en place une politique et des process appropriés afin de garantir la protection des données des citoyens et d’assurer une utilisation responsable et transparente de l’intelligence artificielle.”
Réplique :
Je note les initiatives déjà prises et je l’en remercie. On suivra de près le travail et la réflexion menés au sein de l’expérience pilote à Charleroi, parce qu’il faudra en tirer les leçons. L’enjeu est de ne pas louper le train et de ne pas être en retard par rapport à cette potentielle révolution numérique qui doit se faire de manière inclusive.
La Wallonie a un rôle à jouer pour poser des balises et accompagner les pouvoirs locaux dans cette transition afin de faire en sorte que l’ensemble de nos citoyens, y compris les plus éloignés des services numériques, puissent garder un accès à nos services communaux. On sera attentif à la suite.