Il n’a pas fallu attendre les résultats de l’enquête de l’UCLouvain pour se rendre compte de l’importance d’agir contre les violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur. Ces chiffres sont choquants, mais confirment une série de données connues depuis plusieurs années déjà.
Et c’est ce qui avait conduit notre parlement à voter, à la quasi-unanimité des membres de ce Parlement, une résolution visant à prévenir et lutter contre le harcèlement des étudiantes et des étudiants dans les établissements d’enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles. C’était le le 13 octobre 2021 – il y a plus de 2 ans donc.
La première mesure de cette résolution, outre la nécessité d’un cadre légal spécifique à l’enseignement supérieur, de points de contact dans chaque établissement, d’une réforme des règlements des études (des mesures que j’entends aujourd’hui évoquées comme si elles étaient neuves…), c’était la réalisation d’une étude scientifique sur le sujet, vu l’absence de données à l’échelle de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Une meilleure connaissance du phénomène doit en effet aider nos établissements à lutter davantage contre toutes les formes de harcèlement et de violences sexuelles.
Même si cela ne doit pas empêcher la prise de mesures fortes et structurelles dès à présent, les résultats de cette étude sont donc très attendus par l’ensemble des acteurs du secteur. Des mesures à la hauteur de l’ampleur du phénomène révélée par les études partielles, statistiques et témoignages déjà disponibles, afin de rendre nos établissements plus respectueux, sereins et inclusifs.
La présentation des résultats de l’étude BEHAVES, réalisée sur 13000 étudiants, était initialement enfin prévue pour le 7 février, soit la semaine passée. Mais le premier février dernier, nous avons appris avec beaucoup de regret, et de surprise, le report de cette présentation. La justification laconique invoquée était que les travaux de recherche n’étaient, à ce stade, pas terminés.
A l’une de mes questions du 18 décembre dernier, la Ministre de l’Enseignement supérieur, Françoise Bertieaux, m’avait pourtant répondu avoir reçu une première version du rapport final en date du 30 novembre et que son équipe, en collaboration avec l’équipe des chercheurs et chercheuses, préparait la synthèse en vue d’une large diffusion.
Dans la presse, j’ai pu lire que la Ministre avait bien reçu la version finale, mais qu’elle estimait que cette étude n’était pas aboutie.
Les auteurs de l’étude, une équipe d’experts indépendants de grande qualité issus de l’ULiège ont fait part dans la presse de leur grande surprise par rapport à cette annonce. Puisque, pour eux, l’étude est bien complète. Ils ont remis un rapport final de 600 pages parfaitement exploitable.
D’où ces questions :
- Qui a décidé du report de cette présentation ? Si je comprends bien, c’est donc à la demande de la Ministre ? Pourquoi cette présentation a-t-elle été annulée ?
- Qu’est-ce qui empêche la présentation des résultats ? Qu’est-ce qui permet à la Ministre de juger que cette étude scientifique réalisée par des experts scientifiques de grande qualité n’est pas aboutie ? Sur quelles bases peut-elle juger qu’ils ont mal fait leur travail ?
- Quand pouvons-nous espérer prendre connaissance de ces résultats ?
Réponse de la Ministre :
“Il ne faut pas confondre prudence et passivité. En effet, dans un dossier aussi sensible, il faut éviter de prendre des décisions sous le coup de l’émotion et se refuser à l’impulsivité maladroite. Il s’agit, au contraire, de gouverner de manière responsable en tenant compte des dispositifs existants et en analysant les éventuels dysfonctionnements. Les données publiées par la presse, issues de l’étude réalisée par l’Université catholique de Louvain (UCLouvain) sous la direction du Pr Benoit Galand et de la doctorante Noémie Brison, sont effectivement très inquiétantes. Cette étude est d’ailleurs parue en ligne alors que nous étions en séance dans ce même Parlement et a interpellé nombre d’entre nous. Le soir même, avec mon cabinet, nous avons organisé au plus vite une rencontre avec les chercheurs et les autorités académiques de l’UCLouvain. Nous avons examiné tous les dispositifs en place pour voir si certains pêchaient par insuffisance et devaient être rappelés ou renforcés. Cela nous a fourni un éclairage plus précis et une mise en perspective des différentes données. Le viol constitue un chapitre particulièrement troublant de cette étude. En effet, 2,1 % des hommes, 7,6 % des femmes et 14 % des personnes non binaires ont déclaré avoir été victimes de viol sur un site de l’université. C’est aussi le cas de 5 % des personnes hétérosexuelles et de 10,7 % des personnes déclarant une autre orientation. Par ailleurs, le fait de loger sur le campus semble faire croître le risque de viol pour les femmes, mais pas pour les hommes. Les victimes de viol sont proportionnellement plus nombreuses parmi les étudiantes et étudiants membres d’un cercle, d’une régionale ou d’un kot à projet, dont 20,1 % des femmes ont déclaré avoir été victimes d’un viol. Les victimes déclarent participer plus souvent à des événements extracurriculaires sur les campus de leur université, comme des soirées ou des sorties en cercle. C’est donc dans des lieux clos ou privatisés que se déroulent les faits les plus inquiétants. Ces chiffres sont malheureusement conformes à la réalité de notre société dans son ensemble. En effet, selon les données récoltées dans le cadre de l’étude menée par le Service public fédéral de programmation de la Politique scientifique fédérale (Belspo), qui concernent l’ensemble de la population belge, 19,6 % des femmes et 5,9 % des hommes entre 16 et 24 ans se déclarent avoir été victimes de viol. Un sondage mené par Amnesty International Belgique francophone (AIBF) et SOS Viol auprès de 450 jeunes âgés de 15 à 24 ans fait grimper cette proportion à 24 %. À propos des cercles universitaires, Monsieur Casier, contrairement à ce que vous avez affirmé, je n’ai fait aucun raccourci simpliste visant leur fermeture. J’ai simplement souligné le fait que les universités, lorsqu’elles permettent à des cercles ou à des kots à projet d’occuper des locaux, devraient inscrire dans les conventions de mise à disposition des sanctions progressives au cas où les responsables de ces associations n’y faisaient pas régner la paix, plus particulièrement en ce qui concerne la notion de consentement. La fermeture constituerait alors la plus grave sanction. D’après mes échanges avec Benoît Galand, rien n’indique une augmentation des faits de violence depuis les années 1970. Bien entendu, ce n’est pas plus tolérable pour autant. La différence, c’est que nous commençons à prendre ce phénomène en considération et à développer des dispositifs pour y remédier. Les établissements d’enseignement supérieur mènent également des actions concrètes. Par exemple, depuis 2022, année durant laquelle cette étude a été réalisée, l’UCLouvain a déployé plusieurs dispositifs tels que l’évaluation et l’actualisation de sa cellule d’accueil des victimes, baptisée «Together». Elle a aussi organisé des sessions de formation en ligne destinées tant aux professionnels qu’aux étudiants, ainsi que des formations obligatoires, adressées aux comitards, sur la notion de consentement. À la demande des étudiants, des groupes de parole ont été institués avec la collaboration du secteur associatif. D’autres établissements d’enseignement supérieur agissent également, chacun en tenant compte des particularités de son public, mais visiblement, cela ne suffit pas. L’UCLouvain nous a confirmé qu’il était compliqué de trouver le bon canal de communication pour atteindre les étudiants, et ce, malgré les divers dispositifs mis à leur disposition. En tant que ministre de l’Enseignement supérieur et des Maisons de justice, j’ai entrepris de nombreuses actions durant cette législature pour lutter contre le harcèlement et les violences sexuelles dans l’enseignement supérieur. Celles-ci ont fait l’objet de nombreux débats au sein de notre commission, comme en témoignent les comptes rendus du 11 janvier 2022, du 29 mars 2022, du 26 septembre 2022, du 25 octobre 2022, du 23 mai 2023, du 4 juillet 2023, du 17 octobre 2023 et du 19 décembre 2023. Une énième question à ce sujet m’a encore été adressée le 30 janvier dernier. Le 24 février 2022, nous avons également organisé un débat thématique consacré à cette problématique. Malgré les actions menées par nos établissements et les efforts de communication déployés, nous sommes confrontés à une méconnaissance persistante de la législation, tant parmi les jeunes que parmi les établissements. Il s’agit notamment du décret du 12 décembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination, de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail, du Code pénal ou encore du rôle disciplinaire des établissements. Les dispositifs existants sont également peu connus, surtout lorsqu’il s’agit de mécanismes externes, et ce, tant au sein des directions que parmi les points de contact pour les cas de harcèlement, ce qui est plus préoccupant. Si certains établissements ne prennent peut-être pas la pleine mesure du phénomène, d’autres sont en plein désarroi devant cette problématique et ne savent plus ce qu’ils peuvent ou doivent faire et peinent donc à combler leurs lacunes en ce qui concerne l’application de la loi du 4 août 1996. Par ailleurs, il convient de prêter une attention particulière aux relations entre doctorant et promoteur et entre stagiaire et maître de stage. Monsieur de Lamotte, pour répondre à votre question concernant la Charte relative aux activités festives et folkloriques estudiantines en Fédération Wallonie-Bruxelles, je vous renvoie à la réponse que je vous ai donnée le 17 octobre 2023, aucun nouvel élément n’étant intervenu depuis lors. Afin de compléter ou redynamiser les dispositifs existants, je souhaite mettre en œuvre plusieurs actions dans les semaines à venir. Premièrement, je souhaite lancer une communication, une formation et une mise en réseau destinées aux points de contact pour le harcèlement en les invitant à une journée de rencontre organisée par l’administration durant le semestre en cours. Cela permettra aussi de vérifier à nouveau que ces points de contact instaurés dans chaque établissement sont toujours effectifs et emploient du personnel formé. Deuxièmement, j’entends créer un groupe de travail chargé de rédiger un cadre commun minimal à intégrer dans le règlement des études des établissements d’enseignement supérieur. Ce cadre devra aborder à la fois les procédures à établir, en ce compris les droits et devoirs de chacun, mais aussi les sanctions, les mesures de protection et le rôle de chaque partie, y compris les directions et les points de contact. Certains établissements ont déjà adopté des dispositions similaires, mais une harmonisation me semble nécessaire. En outre, les bonnes pratiques développées par certains établissements pourront servir à d’autres, plus petits, qui n’ont pas les outils ou le service juridique nécessaire pour se doter de leurs propres mesures. Troisièmement, je souhaite instaurer un groupe de travail pour évaluer l’opportunité de développer un code de déontologie et une convention visant un meilleur encadrement des relations entre doctorants et promoteurs, notamment en ce qui concerne la propriété intellectuelle, ainsi qu’entre stagiaires et maîtres de stage. Quatrièmement, pour la rentrée, mon objectif consiste à ce qu’une journée d’information et de sensibilisation destinée aux étudiants soit organisée dans chaque établissement et sur chaque campus en collaboration avec les assemblées étudiantes légitimement élues au sein des établissements. Il s’agira d’informer les étudiants des dispositifs existants au sein des établissements, mais aussi des services externes, et de leur communiquer des notions telles que le consentement. Cinquièmement, je prévois d’envoyer une circulaire aux établissements, dans le respect de leur autonomie et de leurs spécificités, afin de leur rappeler d’informer les étudiants, dès leur inscription, à propos des dispositifs auxquels ils peuvent avoir recours. Cette circulaire encouragera également l’échange de bonnes pratiques entre établissements. Enfin, je ne peux qu’encourager les établissements à conditionner plus durement la mise à disposition de leurs locaux, par exemple pour les cercles étudiants ou les kots à projet, en les obligeant à respecter un certain code de déontologie lors de leurs activités. Par ailleurs, je rappelle que la sécurité publique relève en premier lieu de la responsabilité des bourgmestres. Les grands établissements qui ont des campus ont, en plus, des services de sécurité. J’ai d’ailleurs récemment échangé avec le dirigeant des services de protection et de sécurité de l’Université libre de Bruxelles (ULB). De manière générale, ces services réalisent un travail important dans les campus où ils sont présents. Si le secteur de l’enseignement supérieur doit indéniablement faire sa part pour lutter contre le harcèlement, les violences et les discriminations, il ne peut apporter à lui seul une réponse structurelle à ces phénomènes qui persistent encore et toujours au sein de notre société. Ce travail éducationnel doit être collectif et doit avoir lieu bien en amont de l’enseignement supérieur, tant dans l’enseignement obligatoire, où la ministre Désir instaure d’ailleurs des dispositifs à cet effet, que dans la famille et dans tout autre lieu de vie des jeunes, qu’il soit culturel, sportif ou autre. En effet, les situations de harcèlement surviennent de plus en plus tôt chez les adolescents et si elles ne sont pas prises en charge, éventuellement en appliquant une sanction, les jeunes harceleurs arriveront dans l’enseignement supérieur avec un sentiment d’impunité qui ne fera que les encourager à recommencer. Notre gouvernement avance en ce sens. Durant cette législature, nous avons en outre abouti à la généralisation de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) dans l’enseignement obligatoire, qui était attendue depuis plus de vingt ans. Nous avons également consolidé des dispositifs spécifiques tels que l’EVRAS au sein du secteur de la jeunesse, lesquels ont récemment été votés. Nous avons mené des actions pérennes pour le secteur de l’aide à la jeunesse auprès des institutions publiques de protection de la jeunesse (IPPJ) et du Centre communautaire pour mineurs dessaisis (CCMD). La majorité actuelle a fait plus dans ce domaine qu’aucun gouvernement avant elle. Cependant, certains parlementaires insistent pour que nous adoptions un cadre légal spécifique à l’enseignement supérieur, ce que je refuse de faire, car cela reviendrait à considérer les campus comme des ghettos. Or, personne n’ignore que la ghettoïsation, qui n’est rien d’autre que du séparatisme social, aggrave les situations difficiles. Les établissements d’enseignement supérieur font partie intégrante de la société. Toutes leurs composantes sont donc soumises aux règles de l’état de droit. En l’état actuel des législations, si un étudiant ou une étudiante est victime de harcèlement ou de violence, il peut se référer aux dispositions et procédures reprises dans les règlements généraux des études des différents établissements de l’enseignement supérieur. En cas de faits avérés, les établissements peuvent lancer une procédure disciplinaire prévue dans la plupart des règlements généraux des études. Je souhaite d’ailleurs les aider à harmoniser ces règlements avec l’aide du groupe de travail consacré à ce sujet. Notre arsenal nous permet aussi d’accompagner les victimes. Il existe notamment des dispositifs d’aide et d’accompagnement au sein des maisons de justice et des centres de prise en charge des violences sexuelles (CPVS), créés par le gouvernement fédéral. Un nouveau CPVS ouvrira d’ailleurs bientôt ses portes à Ottignies-Louvain-la-Neuve. Outre les procédures propres à chaque établissement et à son règlement général des études, d’un point de vue légal, en cas de harcèlement, plusieurs cadres peuvent être mobilisés: le décret du 12 décembre 2008, qui encadre le harcèlement discriminatoire; le Code pénal; les dispositions générales du Code civil concernant la responsabilité extracontractuelle, en particulier l’article 1382. Certains prétendent que tous les étudiants ne sont pas traités de la même manière. Il est vrai que les modalités de protection varient selon les législations; dans le domaine qui nous occupe, c’est la législation anti-discrimination qui offre le plus d’aide et de protection aux victimes. Concrètement, pour les cas de harcèlement et de violence discriminatoire, l’étudiant ou l’étudiante victime peut saisir deux organismes pour bénéficier d’un accompagnement dans le cadre de ses démarches: Unia, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances, ou l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH). Les points de contact organisés par les établissements d’enseignement supérieur doivent d’ailleurs orienter les victimes vers Unia ou vers l’IEFH. Par ailleurs, l’article 44 du décret du 12 décembre 2008 prévoit un mécanisme de protection contre les représailles lorsqu’une plainte a été déposée. Selon les données dont nous disposons, nous pouvons estimer que la grande majorité des faits ont un caractère discriminatoire et relèvent donc de la loi du 4 août 1996. C’est aussi ce qu’indique l’étude de l’UCLouvain. En effet, les résultats montrent une double dynamique de harcèlement parmi les étudiants et étudiantes: le harcèlement sexuel, qui va parfois jusqu’au viol, et la discrimination. Dans toutes ces situations, le texte anti-discrimination s’applique bel et bien. C’est la législation la plus protectrice à l’égard des victimes. Malgré tout, certains diront qu’une législation spécifique est nécessaire parce que les étudiants ne savent pas vers qui se tourner. Or, s’ils ne savent pas qu’il existe des services externes d’accueil et d’accompagnement, s’ils ne savent pas qu’ils peuvent déposer leurs plaintes auprès d’organismes extérieurs à l’établissement, c’est aussi parce que certains leur font croire que leur établissement peut et doit répondre à toutes les situations auxquelles ils peuvent se retrouver confrontés. Cependant, nos établissements ne sont ni des commissariats de police ni des tribunaux. Je refuse donc de ghettoïser notre enseignement supérieur et d’enfermer les étudiants dans des bulles qui ne prendraient pas part à la vie en société. Qui plus est, l’étude de l’UCLouvain montre aussi que la plupart des étudiants n’ont pas confiance en l’action de leur université en cas de harcèlement, ce qui montre bien que c’est vers les services spécialisés qu’ils doivent être orientés. En tant que ministre des Maisons de justice, je rappelle que le Code de la justice communautaire prévoit non seulement le respect de l’état de droit, mais aussi une certaine cohérence avec la philosophie visant à placer la personne au centre de l’intervention. La Fédération Wallonie-Bruxelles exécute ces missions conformément à ses principes de base, en suivant une approche émancipatrice qui vise le développement des compétences de la personne au sein de son environnement. Cela vise à lui permettre de prendre position de manière autonome le plus tôt possible en vue de la résolution des difficultés rencontrées. Cette approche présuppose une action de soutien et une certaine implication de l’intervenant à l’égard de la personne pour l’aider à être proactive. Le développement de ses compétences doit lui permettre de s’exprimer et de poser ses choix librement dans un cadre défini de manière éclairée et consciente. Dès lors, nos établissements ont le devoir d’informer les étudiants des dispositifs existants et de les orienter. C’est notamment le rôle des points de contact. Nos établissements ont aussi le devoir d’instruire les actes et signalements qui relèvent de leur cadre réglement aire. En ce qui concerne l’étude BEHAVES (Bien-être harcèlement et violences en enseignement supérieur), au mois de novembre 2022, le gouvernement a attribué à une équipe de l’ULiège un marché public visant une étude globale sur les situations de harcèlement et de violence dans l’enseignement supérieur de plein exercice, tous publics confondus, c’est-à-dire qu’elle porte aussi bien sur les étudiants que sur les membres du personnel, les chercheurs, les techniciens, etc. En effet, nous ne disposons d’aucun mécanisme de rapportage, ni pour ce type de faits, ni pour évaluer la qualité et l’efficacité des structures installées au sein des établissements d’enseignement supérieur afin de lutter contre le sexisme, le harcèlement et les violences sexuelles. Les travaux de cette étude n’étant pas terminés, il est impossible d’en faire une présentation exhaustive. Étant donné l’importance de la problématique et le caractère particulièrement ambitieux de cette étude, j’ai pris la décision, sur la base des constats de l’administration et en totale concertation avec celle-ci, de reporter la présentation qui était prévue le 7 février. L’administration a bel et bien contacté l’équipe de chercheuses quant à l’envoi d’un avis reprenant l’ensemble des carences liées au cahier des charges. Je rappelle que ce marché public représente un montant de 250 000 euros. Par conséquent, il mérite non pas des approximations reprochables, mais bien un projet de qualité dont nous puissions nous saisir pour faire œuvre utile. À cet effet, mon administration a remis aux chercheuses un avis extrêmement détaillé comptant pas moins de quinze pages et reprenant chaque carence identifiée, ainsi que certaines réflexions concernant les méthodes employées. Bien qu’il ne soit pas d’usage de divulguer le contenu des courriers adressés par l’administration, il me semble que les préoccupations de certains nécessitent des clarifications. Ainsi, dans cet avis, l’administration rappelle que l’objectif figurant au point 4 consistait à formuler des recommandations. Elle ajoute que les recommandations restent insuffisamment étayées et qu’aucune précision n’a été apportée quant à leur opérationnalisation, ce qui est notre principal intérêt. En outre, les avantages et inconvénients des différentes propositions ne sont pas précisés et les missions des pouvoirs organisateurs ne sont prises en compte, ni dans les travaux, ni dans les commentaires. Certaines recommandations émises par les acteurs de terrain, notamment au sein des groupes de discussion, ne sont pas reprises. Les indicateurs proposés ne prennent pas en compte les dispositifs existants et ne proposent aucun processus de récolte des données. Sur le plan des livrables, le cahier des charges souligne que le prestataire veillera à ce que le rapport final et les éventuelles annexes de l’abstract soient présentés de manière didactique et pédagogique afin de permettre une meilleure lisibilité, de faciliter la compréhension des résultats et de constituer une aide à la décision, ce qui est bien ce que nous en attendons. Or, le rapport final et le résumé communiqué nécessitent encore un travail conséquent de réécriture, même en tenant compte des commentaires et propositions apportés par l’administration et les membres du cabinet, afin d’atteindre ces objectifs. Nous avons effectivement reçu une première version au mois de décembre. Depuis, l’administration fait état d’une série de réunions entre l’administration, les chercheurs et les cabinets, lesquelles n’avaient encore produit aucun effet au début du mois de février. Il reste un nombre conséquent de coquilles, de mots manquants et de tournures de phrases alambiquées. Des erreurs persistent également dans les données chiffrées, qui ne correspondent pas toujours aux commentaires qui s’y rapportent. Mesdames et Messieurs les Députés, j’espère que cette lecture vous fera comprendre pourquoi l’administration a renvoyé les chercheuses à leurs recherches. Malgré le retard pris pour aboutir à la communication des résultats de l’étude BEHAVES, qui nécessite des travaux de recherche complémentaires, je souhaite poursuivre rapidement la mise en œuvre de notre politique en instaurant les nouvelles mesures que je viens d’évoquer avant la fin de la législature. J’espère également que les chercheuses nous livreront une recherche finalisée à temps pour que celle-ci contribue à la rédaction de la prochaine Déclaration de politique communautaire (DPC). En conclusion, il importe de poursuivre nos actions dans le secteur de l’enseignement supérieur, mais je ne peux être la seule à agir. Aujourd’hui, les phénomènes de harcèlement, de violence et de discrimination demandent une réponse de chacun des responsables au sein de notre société.”
La résolution a été adoptée en octobre 2021. Les solutions existent et elles ont d’ailleurs été construites avec les acteurs de terrains, Unia et l’ARES. Cela n’a pas été fait sous le coup de l’émotion! Cependant, depuis deux ans, on nous répond qu’on attend les résultats de l’étude BEHAVES pour appliquer ces solutions structurelles. Aujourd’hui, j’entends que la Ministre refuse de mettre en œuvre une partie essentielle de la résolution. J ’en prends acte! J’insiste sur le fait que le cadre légal renforcé pour l’enseignement supérieur est demandé par tous les acteurs. Les résultats de cette étude ont été communiqués le 30 novembre, mais leur publication, prévue pour le 7 février, a été annulée le 1er février. Les autrices de l’étude en sont tout aussi surprises que nous. Ces scientifiques de renom, indépendantes, affirment que l’étude est complète et exploitable. En tant que mandataire politique, j’ai tendance à respecter le travail des scientifiques qui ont produit une publication de 600 pages et qui ont réalisé des abstracts de 45 et 4 pages pour aider à la prise de décision. J’entends les explications basées sur le rapport de l’administration. Je ne sais pas comment celui-ci a été établi, mais j’ai cru comprendre qu’il l’a été après la décision de reporter la présentation. Il est dommage que ce rapport de 15 pages n’ait pas été fourni préalablement. Je demande à la Ministre de le transmettre au Parlement. Cela permettrait de mieux comprendre les raisons qui poussent aujourd’hui au report de la présentation de l’étude. En outre, entendre, au sein de notre commission, les expertes qui ont réalisé cette étude aurait du sens. Il est urgent d’entendre les résultats de cette étude. Ils doivent être publiés rapidement. La Ministre ne peut plus attendre! Elle doit prendre des mesures à la hauteur de la situation. Elle ne peut plus fonctionner par voie de circulaires, en constituant des groupes de travail et en comptant sur la bonne volonté des uns et des autres. Cela ne suffit plus! La fin de la législature approche et il est grand temps d’agir. Nous avons déjà organisé des auditions. Des études complémentaires doivent arriver. Le sujet n’est certainement pas clos. Elle doit agir rapidement! J’espère qu’il sera possible d’aboutir à des solutions structurelles et efficaces.