Le Gouvernement vient d’aboutir sur le dossier de la nouvelle Pax Eolienica, particulièrement attendu par tous les acteurs du secteur des énergies renouvelables.
Face au réchauffement climatique, à la flambée des prix, à notre dépendance absolue aux énergies fossiles, il est en effet plus urgent que jamais de donner un coup d’accélérateur au développement de l’ensemble des sources d’énergies renouvelables, parmi lesquelles l’éolien jour un rôle essentiel. Or, à l’heure actuelle, les freins sont très nombreux dans le développement des projets qui se retrouvent bloqués pendant des années devant le Conseil d’Etat alors que, dans le même temps, l’ensemble du potentiel n’est pas exploité de manière optimale au coût le moins cher en Wallonie.
Avec cet accord, le Gouvernement parle d’une étape décisive pour le développement éolien, répondant à la fois aux besoins du secteur tout en tenant compte des communes et des riverains et en préservant la biodiversité.
Trois mesures principales sont annoncées :
- La révision du cadre de référence (datant de 2013) pour correspondre aux nouvelles technologies plus performantes, et donc moins chères, avec notamment un rehaussement des objectifs éoliens de l’ordre de 6200 GWh, contre 4600 à l’heure actuelle, mais surtout une adaptation de la distance des mats à l’habitat pour établir une distance fixe de 500 mètres, auxquels est ajouté la moitié de la hauteur de l’éolienne. C’est une avancée importante qui répond à une demande forte du secteur et qui permettra le développement d’éoliennes de nouvelles générations, dans le respect des normes de bruit.
- L’accélération des procédures d’octroi de permis, via une anticipation de la mise en œuvre de Repower EU en chargeant une task-force de transposer dès à présent la directive européenne.
- L’obligation d’ouvrir la participation au capital aux communes et citoyens à hauteur de 24,99% chacuns.
D’où ces questions au Ministre de l’Énergie, Philppe Henry :
- Pouvez-vous détailler dans quelle mesure ces avancées répondent aux souhaits du secteur et permettront d’enfin débloquer le développement éolien en Wallonie ?
- En quoi vont-elles permettre d’enfin exploiter au mieux le potentiel éolien, tout en garantissant le respect des intérêts des citoyens, des communes et de la biodiversité ?
- Cette nouvelle Pax Eolienica permettra-t-elle de réduire les difficultés liées aux procédures d’obtention des permis ? Quelle feuille de route avez-vous donnée à la task-force pour anticiper la mise en œuvre de Repower EU ? Quel calendrier lui avez-vous fixé ? Qu’en est-il de la motivation des permis ? Le repowering et l’amélioration des meilleures technologies disponibles en cours de procédure sont-ils visés ?
- Avez-vous par ailleurs pris des contacts avec le fédéral pour travailler sur la question des zones militaires et des procédures au Conseil d’Etat ?
- Enfin, avez-vous prévu un suivi de cette nouvelle Pax Eolienica pour assurer sa mise en œuvre ?
Réponse du Ministre :
“Ce 25 octobre, le Gouvernement s’est accordé sur la nouvelle pax eolienica. C’est une étape décisive pour construire une Wallonie bas carbone, tout en s’assurant que les Wallons aient accès à l’énergie à un prix abordable.
En effet, sous mon impulsion, ce Gouvernement se donne l’objectif de produire, en 2030, de l’ordre de 6 200 gigawattheures par an avec de l’énergie éolienne sur notre territoire. C’est augmenter l’objectif de 2019 de plus d’un quart; c’est donner un signal de soutien au secteur qui l’a largement sollicité depuis un certain temps; c’est surtout œuvrer vers une transition énergétique verte.
Pour mettre en œuvre cet objectif fort, j’ai convaincu mes partenaires de l’importance d’une réforme du cadre de référence éolien, l’outil qui guide le développement des projets éoliens en Wallonie. Cette réforme permettra notamment le repowering, c’est-à-dire le remplacement des mâts existants arrivés en fin de vie par des mâts à la pointe de la technologie: plus performants, moins bruyants, plus espacés, plus hauts, plus productifs et produisant de l’énergie moins chère, ce qui rejoint les demandes du secteur. C’était aussi une nécessité, car cela permet aussi d’augmenter le productible global dès lors que les technologies actuelles sont beaucoup plus efficaces en production par mât.
Le nouveau cadre de référence protégera la zone d’habitat au-delà de ses frontières: il imposera une distance minimale entre le mât d’une éolienne et le périmètre de cette zone de 500mètres, auxquels est ajoutée la moitié de la hauteur totale de l’éolienne. En dehors de la zone d’habitat, le Gouvernement a choisi de protéger les habitations dites «isolées» par une distance minimale de 400 mètres.
Je coordonnerai aussi une équipe de travail multicompétences pour anticiper la transposition du corpus REPowerEU en droit wallon.
Ce que l’on vise, c’est évidemment d’accélérer le déploiement et le redéploiement éolien dans des zones identifiées comme étant «propices» au sens auquel l’entendent le Parlement et le Conseil européen,notamment en réduisant, dans ces zones, le temps que prend un octroi définitif de permis. Nous allons anticiper au mieux cette directive, même si nous ne pourrons complètement l’appliquer que lorsqu’elle sera définitive, c’est-à-dire l’année prochaine.
Simultanément, il s’agit d’apaiser les communes en permettant le regroupement des demandes de permis dans une même zone. Monsieur Douette, on va un peu dans le sens de ce que vous dites. Il est vrai que l’on n’a pas réitéré l’expérience d’il y a deux législatures avec un décret avec des zones et une ouverture à la concurrence. J’ai cru comprendre que cela n’avait pas l’agrément de plusieurs autres groupes politiques à l’époque.Aujourd’hui, ce n’est pas non plus l’accord du Gouvernement. Par contre, on a cette volonté d’approche des différents permis et demandes par zone donnée. Ce travail va être mené dans le cadre de la task force pour voir de quelle façon la procédure de permis pourrait, au moment où il faut juger d’une demande de permis spécifiquement, prendre en compte les autres demandes dans la même zone géographique donnée. Ce serait une évolution très intéressante, mais cela nécessite évidemment un certain travail et ensuite une traduction décrétale le cas échéant. De plus, des contacts sont encours avec le cabinet de la ministre Dedonder à propos des zones militaires, et avec le cabinet de la ministre Verlinden pour le suivi du travail relatif à l’accélération des recours au Conseil d’État.
En ce qui concerne la collaboration transfrontalière évoquée par Mme Goffinet, des possibilités sont mises en avant dans le cadre de la directive renouvelable, mais nous privilégions à ce stade le déploiement intrawallon de la production éolienne. Les projets transfrontaliers sont juridiquement et économiquement complexes à mettre en place, car ils nécessitent de concilier plusieurs législations. Pour que les profits de cette réforme soient réellement partagés et bénéficient aux ménages, aux collectivités et aux entreprises wallonnes, le nouveau cadre imposera aux promoteurs d’ouvrir leurs projets pour permettre une participation jusqu’à 25%, à la fois pour les communes et pour les citoyens, pour un total pouvant atteindre quasiment 50%. C’est juste en dessous de 25% chaque fois, répartis également entre les groupes de citoyens et les communes. L’objectif est donc que les participants au projet éolien deviennent des exploitants et puissent ainsi maîtriser ou fixer les prix de leur énergie – c’est-à-dire être indépendants –, spécialement dans la conjoncture que nous connaissons. C’est certainement un facteur très important de mobilisation et d’acceptation des projets.
Permettre aux riverains de participer à un projet éolien, c’est les impliquer dès l’ébauche du projet et imposer aussi un label de qualité. Je pense notamment au principe directeur de REScoop Wallonie, la fédération wallonne des coopératives citoyennes d’énergies renouvelables. Je soutiens qu’une telle participation renforcera l’acceptabilité sociale de ces projets.
Enfin, je suis évidemment attentif aux critiques portées contre le développement éolien. Même si les choses évoluent aussi dans le contexte que nous connaissons, je veux rassurer. En Wallonie, l’impact de l’éolien pour les riverains, sur leur santé et sur la biodiversité, est pris très au sérieux. Je m’appuie notamment sur le nouveau cadre des conditions sectorielles éoliennes mis en place par la ministre de l’Environnement, qui limite strictement la délivrance des permis et annihile les nuisances sonores et visuelles que pourrait provoquer un projet. Je m’appuie également sur le code du développement territorial en ce qu’il protège les paysages wallons. Tous ces éléments sont bien pris en considération dans les différentes procédures d’octroi de permis
L’accord du Gouvernement wallon du 25octobre sur cette nouvelle pax eolienica est donc un accomplissement important qui inscrit la Wallonie dans la durabilité et l’indépendance énergétique, tout en faisant œuvre de pacification des acteurs. Bien sûr, elle devra être suivie d’un certain nombre de travaux complémentaires, notamment de révision du cadre de référence, et ensuite de préparation de la transposition de la directive Repower EU.”
e suis heureux d’avoir pu entendre M. le Ministre et ces compléments d’information. Je me réjouis de cette avancée importante. C’est une étape indispensable et ce dossier important progresse en Wallonie. Les demandes principales du secteur ont été entendues, notamment la question indispensable de la distance par rapport à l’habitat avec le maintien nécessaire des conditions de bruit. Cela va permettre un développement optimal de l’éolien.
S’agissant de la simplification des permis, nous serons également attentifs à l’aboutissement du travail. Il reste encore du travail, mais un pas important est franchi. Je veux aussi insister sur un point qui est pour moi une avancée essentielle, à savoir l’ouverture à la participation citoyenne qui devient obligatoire. Certains collègues y ont fait référence parce que, contrairement à ce que j’ai entendu, cela change fondamentalement l’approche.Ce levier va réellement réellement faciliter l’acceptation, mais aussi permettre une véritable réappropriation des moyens de production avec non seulement des revenus pour les citoyens, mais aussi de l’électricité qui pourra être, à un moment donné, vendue moins chère. On voit aujourd’hui que COCITER, pour citer l’exemple de ce fournisseur citoyen, est le seul à pouvoir bloquer les prix et à le faire, et ce parce qu’il peut bénéficier de la production issue d’énergie renouvelable citoyenne, notamment d’éoliennes citoyennes. Cependant, il ne peut plus prendre de nouveaux clients parce qu’il n’y a pas assez de coopératives citoyennes en Wallonie. Par conséquent, le fait de pouvoir obliger les producteurs d’éoliennes à ouvrir leur capital, c’est véritablement la possibilité d’avancer vers un développement plus important de ces capacités et de maîtriser à la fois la production verte et la réduction des prix de l’électricité. Je crois que c’est un point sur lequel on doit absolument insister aujourd’hui dans le contexte énergétique que l’on connaît.