Depuis fin décembre 2023, la confusion et l’inquiétude règnent parmi les étudiants finissant leurs études de psychologie. Et pour cause, ils ont appris la mise en place effective de l’obligation de réaliser un stage professionnel supervisé de 1680 heures nécessaire pour l’obtention de l’agrément leur permettant d’exercer leur métier. Un stage qui s’applique dès à présent pour les étudiants diplômés en 2024, en ce compris ceux qui finissent en janvier.
Il n’est pas question ici de remettre en cause l’intérêt, pour les futurs professionnels et leurs patients, d’une expérience pratique qu’offre un tel stage.
Nous partageons néanmoins les questionnements et inquiétudes qui nous sont parvenus ces dernières semaines de la part des étudiants concernés et avec des situations bien particulières.
Plusieurs étudiants en fin de parcours, soit ici en janvier, soit en juin ou septembre se retrouvent à devoir réaliser ce stage pour avoir accès à la profession alors que, vous vous en doutez, leurs plans pour la suite sont déjà sur les rails. Ils ont même souvent déjà reçu des perspectives d’embauche en tant que psychologue une fois leur diplôme en poche. Une perceptive qui avec la réalisation de ce stage obligatoire s’éloigne.
D’où ces questions à la Ministre de l’Enseignement supérieur, Françoise Bertieaux :
- Combien d’étudiants sont concernés cette année, en janvier et en juin ?
- Parmi les inquiétudes, relayées également par les représentants étudiants, la première question qui se pose est celle de la disponibilité des maîtres de stage en suffisance. Qu’est-ce qui est mis en place à ce niveau ? Existe-t-il suffisamment de maîtres de stage ? On me faisait part par exemple de seulement 2 maîtres de stage pour tout le Hainaut… Une liste exhaustive est-elle disponible dès maintenant pour les étudiants diplômés en janvier 2024 ? La Ministre peut-elle rassurer les étudiants sur cet aspect fondamental ? Une communication spécifique est-elle prévue ou a-t-elle déjà eu lieu ?
- Par ailleurs, on sait que la décision de mise en place du stage dépend du Ministre fédéral de la Santé, mais vous avez le pouvoir de relayer les craintes des étudiants. Quels contacts pris avec le Ministre de la Santé à ce sujet ?
- L’obligation pour les étudiants diplômés en janvier 2024 de commencer un stage d’une année dès février s’annonce pratiquement impossible. Est-ce que des exceptions peuvent être prévues pour les étudiants finissant leurs études en 2024 et qui ont déjà des perspectives professionnelles ?
- Dans le cadre de ses compétences, est-ce que des recommandations ont été données à la commission d’agrément concernant des possibles exceptions pour ces étudiants ? Des aménagements sont-ils possibles ?
- Ensuite, concernant les aspects plus pratiques de ce stages, une rémunération correcte est-elle bien garantie, à l’instar de ce qui se fait pour d’autres stages professionnalisant comme chez les avocats ? Et qu’en est-il du régime de protection sociale qui s’appliquera aux étudiants ?
- Enfin, une question se pose aussi chez de nombreux étudiants : celle de la valorisation des nombreuses heures de pratique supervisée déjà prestées par ces étudiants sur le terrain. Qu’est-il prévu concernant la valorisation des acquis d’expérience ?
- Les étudiants diplômés en 2024 et ayant eu des emplois rémunérés à coté de leurs études dans le secteur pourront-ils faire valoir cette expérience ?
Une étudiante m’écrivait ainsi pas plus tard que la semaine passée, qu’elle était coincée entre deux situations : soit elle devrait arrêter l’emploi qu’elle occupe déjà dans le secteur pour réaliser ce stage, en prenant donc une pause carrière d’un an avec une rémunération sans doute moins importante, soit d’étaler le stage sur une période de 5 ans, ce qui reviendrait pour elle à prester plus qu’un temps plein durant toute cette période. Une situation qui n’est pas souhaitable pour le bien des professionnels et des patients.
Réponse de la Ministre :
“L’obligation d’un stage professionnel concerne tous les étudiants qui ont entamé leurs études à partir de l’année académique 2017-2018. Elle a cependant été reportée à deux reprises à janvier 2023 puis à janvier 2024, à la suite de la demande de la ministre Glatigny au ministre fédéral de la Santé publique en raison du fait que son attention avait été attirée par les doyens des facultés de psychologie et qu’elle avait entendu les délégués des étudiants. Certaines dispositions pratiques restaient effectivement à finaliser. Ces dispositions sont à présent finalisées par les arrêtés royaux du 14 décembre 2023. L’obligation s’applique comme prévu aux diplômés de 2023-2024, pour autant qu’ils aient entamé leurs études à partir de 2017-2018. Il me semble important de rappeler les compétences respectives dans ce domaine de l’autorité fédérale et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les normes fixant les compétences requises pour l’agrément des professionnels de la santé et celles fixant les conditions d’agrément des maîtres et services de stage, la nomination des maîtres de stage et la désignation des services de stage, les indemnités pédagogiques des maîtres de stage, le nombre de maîtres de stage, la rémunération des stagiaires, les conventions de stage entre stagiaires et maîtres de stage sont autant de compétences relevant de l’autorité fédérale. Pour toutes les questions portant sur ces matières, vous comprendrez qu’en raison de la répartition des compétences, je ne peux que vous renvoyer au ministre fédéral des Affaires sociales et de la Santé publique. Toutefois, la Fédération Wallonie-Bruxelles étant chargée de l’agrément des professionnels de santé dans le respect des normes fixées par l’autorité fédérale, notre administration est en contact régulier avec le ministère de la Santé publique. Le site internet informatif de la Direction de l’agrément des prestataires de soins de santé (DAPSS) est régulièrement mis à jour et les procédures ont déjà été définies par l’arrêté de la Communauté française du 22 décembre 2021 fixant la procédure relative à l’agrément des professionnels de soins de santé mentale. Nos commissions d’agrément ont notamment pour mission d’approuver les plans de stage, d’en vérifier l’exécution et de remettre un avis sur la délivrance ou le retrait de l’agrément. J’ai donc attiré l’attention de notre administration pour qu’elle soit prête à accueillir les premières demandes d’approbation des plans de stage professionnalisant de psychologie clinique et d’orthopédagogie dès la fin de ce mois de janvier.”
Certes, la décision a été prise par le gouvernement fédéral. Toutefois, la Fédération Wallonie-Bruxelles doit aussi activer des leviers pour lui transmettre les informations liées aux difficultés que rencontrent les étudiants dans le but d’y remédier. J’avoue que je ne comprends pas qu’il n’y ait pas eu de communication aux étudiants ni de transition organisée. Les plans d’avenir et les perspectives d’embauche de ces étudiants sont aujourd’hui bouleversés. Une maman en reprise d’études m’a ainsi contacté. Elle est désormais obligée d’étudier une année supplémentaire, ce qui modifie complètement son programme. Elle ne parvient pas à concevoir comment elle va gérer cette situation. Il me semble donc primordial de rassembler tous les acteurs pour trouver des solutions, prévoir des exceptions et valoriser l’expérience de terrain acquise par beaucoup de personnes aux parcours spécifiques. Pour ce faire, nous devons agir, faire part de ces inquiétudes au gouvernement fédéral et discuter avec les doyens et la commission d’agrément. J’espère dès lors que la Ministre discutera avec le ministre fédéral de la Santé sur les besoins des étudiants francophones.
Réplique de la Ministre :
“Une fois n’est pas coutume. La réplique des députés étant bien entendu sacrée, je vais quand même intervenir parce que je commence à être légèrement fatiguée de servir de punching-ball, en ce compris aux députés de la majorité, en ce qui concerne les compétences de ministres d’autres entités, qu’il s’agisse du ministre fédéral de la Santé, ou de ministres d’entités fédérées, notamment de l’Intégration sociale ou encore de la Santé. Je vous invite à vous adresser à la bonne personne. Quant à moi, j’ai pris mes responsabilités, puisque même si un arrêté fédéral est tombé en décembre, au moment où tout le monde est distrait, ce n’était pas mon cas. J’ai attiré l’attention de mon administration pour qu’elle soit prête à accueillir les premières demandes d’approbation des plans du stage dès la fin janvier.”
Nous allons aussi interroger le ministre fédéral de la Santé, car, c’est lui qui endosse cette responsabilité. Je remercie la Ministre d’avoir prévenu l’administration. Notre devoir est de relayer, ici, au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les profondes inquiétudes sur le terrain et d’attirer l’attention sur des difficultés très spécifiques d’étudiants, dont ceux en reprise d’études ou les jeunes mamans. Nous devons nous concerter pour trouver des solutions et informer le ministre de ces problématiques. En effet, parfois, j’ai l’impression que M. Vandenbroucke n’est pas réellement conscient de la situation des étudiants francophones. J’estime que la Ministre a un rôle clé dans cette conscientisation.