Ce lundi 16 décembre 2019, le Conseil communal examinait le budget 2020 présenté par la majorité PS-MR-CDH.
Voici l’intervention que j’ai eu l’occasion de faire :
“L’analyse du budget, c’est un exercice parfois amusant pour certains, parfois fastidieux pour d’autres, mais toujours intéressant, puisqu’on y découvre l’ensemble des politiques qui seront menées l’année prochaine…
Nous avons donc analysé ce budget en profondeur, certes avec un regard critique (notre rôle est évidemment de contrôler et de suggérer des améliorations), mais aussi avec la volonté de souligner les éléments plus positifs.
- Un contexte difficile…
Tout d’abord, je l’ai dit le mois dernier et je le répète, nous sommes plus que jamais conscients de la difficulté de boucler les budgets communaux à l’heure actuelle.
Tout pèse de plus en plus : pompiers, police, cpas (= près de 12 millions pour les 3), mais aussi les cotisations de responsabilisation pour les pensions, la diminution du Fonds des communes et des dividendes, les reports de charges du fédéral, notamment suite au tax-shift ou aux exclusions du chômage…
A titre personnel, j’y consacre beaucoup d’énergie au Parlement wallon, dans la commission des pouvoirs locaux, où le Ministre et l’ensemble des députés sont conscients de l’urgence d’apporter des réponses concrètes pour sauver les finances communales.
Mais en attendant, la situation est difficile et, dans ce contexte, je tiens sincèrement, au nom du groupe Ecolo, à remercier le service des finances pour le gros travail de préparation de ce budget et pour sa gestion rigoureuse des finances de la Ville, tout en saluant également l’équilibre budgétaire présenté ce soir, sans augmentation des taxes. Espérons que cela continue tout au long de la législature…
Et ce, malgré des perspectives inquiétantes : avec les cotisations de responsabilisation qui risquent d’exploser et l’enjeu de la sortie du nucléaire. A cet égard, j’espère qu’il est bien clair que le boni prévu sera affecté au fond nucléaire, car pour l’instant aucune provision supplémentaire n’est prévue…
- Bis repetita
Au-delà des efforts tout à fait louables dans un contexte budgétaire difficile, il me revient aussi de relativiser certaines expressions d’autosatisfaction que j’ai pu lire dans la presse la semaine dernière. Vous sembliez être très fiers de votre budget en parlant d’un « budget du redéploiement », en disant que vous « passiez à la vitesse supérieure » et de nombreux autres superlatifs.
Bizarrement, ces expressions me disaient vaguement quelque chose…
Alors, je suis retourné voir ce que vous disiez des budgets des quelques dernières années. Et ce sont des expressions que vous affectionnez visiblement…
En 2015, vous annonciez « un budget ambitieux de relance » en annonçant, pour 2016, la revitalisation du quartier nord, ainsi que la création du parking au pont de l’Europe, ou encore la revitalisation du quartier du Quadrilatère…
En 2016, vous disiez déjà : « le budget 2017 est celui du redéploiement, une nouvelle ville sort de terre, il n’y a jamais eu autant de projets ». Et à nouveau, vous aviez 2 grands projets « de relance » : la revitalisation du quartier nord et… la revitalisation du quartier du Quadrilatère…
En 2017, pour 2018, vous évoquiez un « nouveau départ pour la Ville de Huy », « une vraie relance » et mettiez en avant 2 projets. Devinez lesquels : le quartier nord et le quartier du Quadrilatère…
Et enfin l’an dernier, pour 2019, vous parliez de « projets de grande ampleur et ambitieux pour donner un nouvel avenirà la Ville » et citiez 2 projets prioritaires en plus du téléphérique et de l’esplanade Batta : le quartier nord et… le quartier du Quadrilatère…
Bref, quand j’entends que cette année est celle de la concrétisation et du redéploiement, vous comprendrez qu’il y a comme un goût de déjà-vu. Ce n’est jamais que la 4è ou 5è année consécutive qu’on annonce dans la presse que c’est l’heure du redéploiement et que, notamment, le quartier nord et le quartier du Quadrilatère seront rénovés cette année.
Alors, on espère que cette fois-ci sera la bonne, mais vous comprendrez que nous attendrons l’autopsie en fin d’année avant de nous réjouir autant que vous…
- Des investissements mammouths et puis ?
Pour le reste de l’extraordinaire, il faut bien admettre que 33 millions d’investissements, c’est énorme ! C’est sans doute du jamais vu.
Mais c’est en réalité essentiellement lié aux 2 projets mammouths que sont la piscine et le téléphérique.
Et cela signifie surtout que la balise maximale d’investissements est déjà quasiment atteinte… Il reste désormais un peu plus de 4 millions pour tous les investissements des 4 prochaines années, ce qui est extrêmement peu.
D’une certaine manière, le budget extraordinaire 2020 est donc en fait un peu le budget extraordinaire de l’ensemble de cette législature. Et ce qui ne s’y trouve pas pourra difficilement être ajouté d’ici 2024.
On risque de se retrouver comme dans la fable où le Collège, ayant chanté en 2020, se trouvera fort dépourvu quand la bise sera venue. C’est un choix politique, un pari sur l’avenir.
Mais je vous avoue que ça m’inquiète un peu, notamment quand je pense à la mise en œuvre bien nécessaire des actions de revitalisation de Statte, à la revitalisation du site Thiry, à l’inévitable expropriation de la Rue Neuve, à la rénovation du patrimoine hutois et des espaces verts, ou encore au redéploiement du quartier Axhelières.
Où trouvera-t-on l’argent pour cela ?
Enfin, pour finir sur l’extraordinaire : une satisfaction et une déception. La satisfaction : nous saluons le projet d’installer des panneaux solaires sur les toits de deux bâtiments communaux. La déception : je relève que le skate-park a cette fois-ci complètement disparu, ce qui est terrible comme signal pour les jeunes qui s’étaient mobilisés et pour tous les autres qui voudraient le faire à l’avenir…
- Où sont les politiques innovantes au quotidien ?
Passons au budget ordinaire maintenant… Car si les gros investissements sont importants, il faut surtout mener des politiques au quotidien, dans ce qui touche directement les Hutois, sans se limiter au centre wellness ou au téléphérique.
Or, lorsque je regarde l’ordinaire 2020, c’est-à-dire, les nouvelles dynamiques, les nouveaux projets récurrents et de long terme, je ne trouve pratiquement aucune nouvelle politique.
J’ai ainsi fait l’exercice de regarder quels sont les nouveaux articles budgétaires créés pour 2020. Quelles sont les nouvelles impulsions politiques données ?
Et le résultat est interpellant. Tenez-vous bien, il y a en tout et pour tout… 4 nouveaux crédits, pour un total de 23.340 € :
- un pour des panneaux d’informationdevant les écoles (3000€).
- un pour la gratuité de l’école maternelle(8340 €), qu’on salue évidemment, mais compensé par un subside qui correspond donc à un projet qui vient d’en haut et n’est pas propre au collège !
- un pour les chèques cultures(10.000€) (mais compensé par la diminution de moitié de la prime aux familles monoparentales, preuve que la publicité n’est pas suffisante quant à cette prime).
- et enfin un pour les frais d’organisation de budgets participatifs(2000€).
Où est l’impulsion au quotidien ? Il n’y a pas que les gros investissements qui comptent. Pour faire vivre et bouger la Ville, il faut lancer de nouvelles politiques à l’ordinaire… Et là, il n’y a pas grand-chose…
Derrière les 2-3 gros investissements, vous nous servez donc un budget de gestionnaires… On continue la même chose, en n’innovant pas, alors que c’est de ça aussi qu’on a besoin pour relever les défis qui attendent la Ville.
Et c’est malheureusement notamment encore une fois le cas en termes de mobilité, de climat, de justice sociale et de participation citoyenne. Vous savez que ce sont les 4 critères que nous nous sommes fixés.
En matière de mobilité, on ne trouve toujours rien de neuf. Toujours pas de voiture partagée, de grands aménagements de mobilité douce en centre-ville, de moyens de financement pour développer les plans de mobilité par quartier…
En matière de climat, j’ai souligné l’aspect positif de l’installation des panneaux solaires sur les toits de 2 bâtiments communaux. C’est bien, mais attention : les émissions des bâtiments communaux ne représentent que 2% de l’ensemble des émissions sur le territoire de la Ville. Or, le plan climat n’est toujours pas financé. L’étude relative aux émissions de CO2 et aux audits énergétiques – qui était la seule chose prévue en la matière l’an dernier et qui n’est qu’une première étape – a visiblement été reportée à 2020. Avec pour conséquence, si j’ai bien compris, de perdre le subside de 9000 € auquel on avait droit !
Sur le plan social, on attend toujours en vain le plan annoncé depuis maintenant 4 ans. Et pendant ce temps, le CPAS reste bien seul face à la pauvreté, avec de plus en plus de difficultés pour faire face aux missions qui sont les siennes.
Enfin, au niveau de la participation citoyenne, j’étais extrêmement heureux de voir un article budgétaire enfin consacré aux budgets participatifs. Et puis, je vous avoue mon énorme déception lorsque j’ai vu que vous entendiez y consacrer seulement 2000€. Vous me direz que c’est uniquement les frais d’organisation d’une consultation. Ok, c’est un bon début. Mais une fois la consultation organisée, aucun budget n’est prévu pour réaliser les projets. En 2020, si je comprends bien, on fera donc juste une consultation et c’est tout !
Là encore, c’est de la com pure et simple. C’est extrêmement peu ambitieux ! Et pendant ce temps, Gand et Anvers consacrent chacune 1 million d’euros aux budgets participatifs ; Namur prévoit 1,5 millions sur 5 ans ; ou une commune de la même taille que Huy comme Watermael Boisfort a prévu 110.000€ à son budget 2020…
Même Wanze vient de décider de consacrer 30.000€ par an aux budgets participatifs, avec une procédure déjà bien définie, et avance donc beaucoup plus vite que Huy.
J’espère donc juste que ce n’est pas encore une énième annonce et que vous concrétiserez réellement cet engagement, en y mettant les moyens nécessaires et conséquents dès la prochaine modification budgétaire.
Finir sur une note positive…
Enfin, pour finir sur une note positive, nous tenons à saluer le soutien budgétaire enfin digne de ce nom à Dora Dores, dont le subside est gonflé de 20.000€. On connait le travail extraordinaire réalisé, mais aussi les difficultés que rencontre cette ASBL.
Et ce, alors que Huy s’est engagée à être une Commune hospitalière et que, comme nous l’avons soulevé lors du dernier conseil, la plupart des engagements pris, comme l’organisation d’une rencontre bi-annuelle, sont restés lettre morte.
Il faut donc maintenant que ce soutien plus élevé à Dora Dores devienne structurel, soit via un maintien de ce subside majoré, soit une vraie rénovation du bâtiment qui permettrait d’obtenir des subsides régionaux plus conséquents.
C’est pourquoi, malgré les quelques points positifs que j’ai pu évoquer, vous comprendrez donc que nous ne pourrons pas soutenir ce budget, qui n’apporte toujours pas les réponses qui nous semblent pourtant essentielles pour le quotidien des Hutois !”