Enseigner requiert en général d’avoir suivi une formation en pédagogie, sanctionnée par un diplôme permettant d’accéder au métier de professeur. C’est l’agrégation pour enseigner dans le secondaire, ou la formation CAPAES pour enseigner dans les Hautes Ecoles et les établissements supérieurs de Promotion sociale.
Rien de tel toutefois pour enseigner à l’université où il faut, certes, avoir réalisé une thèse doctorale, mais aucune certification pédagogique n’est requise.
Dans le monde académique où le mantra est plus que jamais « publier ou périr » (à ce titre, les classements mondiaux des universités n’ont fait qu’accroître une pression et une compétition déjà fort ressentie chez les jeunes chercheurs), ce qui compte avant tout c’est la qualité des recherches d’un enseignant qui, s’il est engagé à temps plein, est supposé dédier la moitié de ce régime à la recherche. La formation pédagogique des profs à l’université passe donc presque complètement à la trappe.
Bien sûr, très nombreux sont les excellents professeurs qui font preuve de pédagogie (j’ai moi-même eu le plaisir de bénéficier de leur enseignement et je les en remercie), mais avouons-le c’est un pari énorme que de penser qu’un bon chercheur fera de facto un bon prof. Il me semble donc essentiel, dans un enseignement supérieur en crise, particulièrement à l’université où se perpétuent des habitudes élitistes en lien avec une compréhension de ses codes spécifiques, que les futurs professeurs puissent à la fois dédier du temps à leur recherche et être performants et accessibles dans leur enseignement.
L’aide à la réussite, à laquelle nous tenons tous ici et dont la Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny, a prévu le refinancement structurel, passe également par là : il ne faut pas forcément rajouter des dispositifs, mais bien repenser une série de paradigmes ancrés dans les habitudes et qu’encore trop peu de personnes osent vraiment interroger.
D’où ces questions adressées à la Ministre :
- La formation des professeurs universitaires est-elle un élément de réflexion au sein de vos équipes ?
- Avez-vous reçu des avis ou des demandes émanant des institutions et des acteurs de terrain en la matière ?
- Pensez-vous aussi qu’il s’agit là d’une belle opportunité de décloisonner les niveaux de nos enseignements supérieur et obligatoire et de permettre davantage de dialogues et de synergies afin que les codes du supérieur soient mieux intégrés en amont ?
Dans sa réponse, la Ministre indique entre autres que “le gouvernement entend soutenir les établissements, comme c’est le cas, par exemple, avec le volet numérique imaginé dans le cadre de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) au niveau européen. Ce plan consacre une part importante du budget à la formation et à l’accompagnement des enseignants dans le développement de leur dispositif pédagogique.”
Si la Ministre fait bien de souligner qu’il y a tout un parcours à accomplir pour devenir enseignant à l’université et qu’un accompagnement est mis en œuvre dans ce cadre, il y a selon moi, à moyen et long termes, une belle réflexion à mener pour donner du sens aux apprentissages en eux-mêmes, mais aussi aux méthodes d’apprentissage, celles-ci s’inscrivant dans le processus d’aide à la réussite. Je me réjouis des initiatives prises notamment dans le cadre du volet numérique. Cependant, de manière générale, nous pouvons aussi réfléchir aux initiatives qu’il conviendrait de prendre dans le cadre du volet pédagogique. J’y serai attentif.