Afflux d’étudiants français dans notre enseignement supérieur : trouver des solutions avec la France pour garantir notre ouverture

Un article publié dans Le Monde nous indique que l’agence gouvernementale française Campus France relevait récemment une progression de 40 % du nombre d’étudiants français en Belgique entre 2017 et 2018 (ce qui correspond aux années pour lesquelles les dernières données officielles sont disponibles). Ils étaient alors au nombre de 15.000.

Et cette tendance se poursuit fortement, notamment à l’ULB : à la rentrée académique 2020, pourtant en pleine crise sanitaire, les Français représentaient 12,4 % des étudiants de l’université bruxelloise (soit plus de 4.300), ce qui représente une hausse de 25 % sur cinq ans. Selon les projections de l’institution, les étudiants français devraient être encore plus nombreux en 2021. Et cela ne concerne plus uniquement les filières médicales comme c’était le cas auparavant… En pharmacie à l’ULB, il y a même pour la première fois plus de français en première année que de belges…

Au total, ce ne sont pas moins de 20.000 étudiants français qui sont accueillis au sein des établissements d’enseignement supérieur en FWB, ce qui correspond à « l’effectif d’une université à part entière » selon la rectrice de l’ULB Annemie Schaus (Le Neve et Nguyen Hoang, Le Monde, 20/10/2021).

Les étudiants français arrivent sur nos campus après avoir obtenu l’équivalent de notre diplôme d’études secondaires, le baccalauréat français, mais également, et surtout, après avoir essuyé plusieurs refus de la part de Parcoursup, la plateforme d’affectation dans l’enseignement supérieur français.

C’est le manque de place qui constitue le plus gros du problème chez nos amis français et contribue à cette politique injuste de sélection ; et j’ai bien peur que la hausse démographique qu’ils connaissent et qui pénalise un nombre important de jeunes se fera tout bientôt ressentir chez nous de façon très forte. C’est déjà le cas dans certaines filières et l’on a vu ces images d’étudiants assis sur les marches des auditoires, faute de places.

Mais ce problème n’est pas que l’apanage des années de Bac chez nous. L’ULB accueille aussi des étudiants en Master qui ont également été refusés par le système français, alors qu’ils ont obtenu un diplôme de licence en France. La rectrice de l’ULB met le doigt sur le problème : Parcoursup et la sélection en Master sont deux mesures qui « drainent des étudiants exclus des études en France » (Le Neve et Nguyen Hoang, Le Monde, 20/10/2021).

D’où ces questions adressées à la Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny :

  • Quel est l’état de vos discussions avec votre homologue française afin de trouver des solutions effectives et non-discriminatoires à cet état de fait ?
  • De quelle façon l’État français contribue-t-il au financement des établissements d’enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?
  • Quelles solutions votre homologue française met-elle en place afin de palier à l’augmentation qui semble exponentielle des étudiants français sur notre territoire sans pour autant les priver de la liberté de poursuivre des études ? Et quelle est la place de votre Gouvernement dans cette stratégie ?
  • Est-il possible d’évaluer l’état de la situation pour nos étudiants-résidents et jeunes chercheurs ? De quelles manières précises subissent-ils les conséquences de la politique française ?

Dans sa réponse, la Ministre a notamment tenu à indiquer que “la présence d’étudiants français dans des établissements d’enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles est une richesse, mais aussi un défi qu’il convient de relever en gardant à l’esprit le principe de la libre circulation des personnes. (…)

Les contacts que j’ai eus avec la ministre française Frédérique Vidal ont facilité les collaborations entre nos administrations au sujet du nombre d’étudiants valorisant leur diplôme de sciences vétérinaires en France. Cela permet de justifier l’application du décret «Non-résidents» dans une filière où le quota de non-résidents est régulièrement atteint. Mon homologue française m’a également informée de l’ouverture des nouveaux établissements d’enseignement supérieur en France formant de futurs vétérinaires.”

La Ministre a raison de rappeler à quel point c’est une richesse de compter sur des étudiants étrangers dans notre enseignement. Merci également de souligner ô combien il est important de respecter les règles européennes. Nous y sommes particulièrement attachés.

L’accès le plus large et non discriminatoire à notre enseignement supérieur constitue une valeur cardinale. Dans ce cadre, nous devons porter une attention renforcée à un point précis : le fait de laisser à chaque étudiant la chance d’entrer dans l’enseignement supérieur.

Or, nous sommes un peu les seuls à jouer le jeu au niveau européen, ou du moins dans les relations bilatérales entre la Belgique et la France, et la situation devient de plus en plus intenable.

Les filières médicales ne sont plus les seules concernées par cet afflux d’étudiants français. Le but ne doit pas être de limiter l’accès aux études, mais de trouver des solutions afin de garantir l’accès de tous à l’enseignement supérieur.

Néanmoins, vu l’état de nos finances et la saturation de notre enseignement supérieur, la France doit elle aussi assumer les mesures de sélection qu’elle prend.

De ce fait, elle doit contribuer au financement de ses étudiants dans notre enseignement.

J’invite la Ministre à poursuivre le dialogue avec son homologue française pour négocier ces différents points. La France doit mettre les moyens et contribuer à compenser les mesures de sélection qu’elle prend chez elle afin que nous, en Belgique, puissions garantir l’ouverture de notre enseignement supérieur.