L’actualité nous confronte, aujourd’hui plus que jamais, à l’urgence d’atteindre nos objectifs en matière de développement des énergies renouvelables. A cet égard, l’accélération du déploiement éolien est indispensable.
Suite à la guerre en Ukraine et son impact, la Commission Européenne vient d’ailleurs de présenter REPowerEU, son plan d’action pour une souveraineté énergétique durable, comprenant notamment l’accélération du développement du renouvelable en général et de l’éolien en particulier. Elle vise ainsi le passage de 190 à 480 GW en 2030.
Or, le secteur tire la sonnette d’alarme – on en a déjà parlé à plusieurs reprises – et pointe les nombreux freins qui empêchent son développement optimal en Wallonie. Parmi ceux-ci, le nombre particulièrement élevé de refus de permis, notamment en réponse aux oppositions locales, est souvent mise en avant par le secteur.
Lors d’un échange précédent, le Ministre de l’Économie et de l’Aménagement du territoire, Willy Borsus, m’indiquait ainsi que la proportion entre le nombre de permis octroyés et le nombre de permis refusés avait sensiblement diminué sous cette législature, tant en première qu’en deuxième instance.
Cette situation est évidemment problématique si l’on veut atteindre nos objectifs éoliens.
Le secteur reproche notamment un manque de cohérence entre les trop nombreuses décisions de refus de permis et les objectifs régionaux, notamment climatiques, fixés par la Wallonie.
Il est dès lors essentiel d’identifier quelles sont les causes de ces refus et d’y travailler afin d’inverser la tendance. D’où ces questions adressées au Ministre :
- Quelles mesures avez-vous prises pour analyser les causes de refus des permis éoliens ? Quelles leçons en tirez-vous ?
- Les motifs urbanistiques, paysagers et d’aménagement du territoire semblent constituer les motifs de refus les plus fréquemment soulevés. Quelles initiatives prenez-vous dès lors pour augmenter la proportion de permis acceptés ?
- Dans le cadre de REPowerEU, la Commission veut par ailleurs faire baisser la durée nécessaire pour l’octroi des permis. Elle propose donc aux Etats membres de désigner des « go to zones », des zones où des projets pourraient se développer rapidement, une étude préalable ayant examiné à l’avance le respect des contraintes environnementales et autres. Quelles mesures prenez-vous afin de mettre en œuvre au plus vite les recommandations de la Commission à cet égard et d’atteindre les nouveaux objectifs que s’est fixée cette dernière ?
Réponse du Ministre :
“Monsieur le Député, même si nous sommes le 31mai, RepowerEU a été communiqué le16 mai. Vous conviendrez que, dans l’espace-temps qui nous concerne, il faut pouvoir analyser l’ensemble des décisions européennes, des différents volets et des mesures que la Commission européenne nous invite à prendre en la matière pour soutenir les objectifs auxquels nous souscrivons pleinement.
Concernant la proportion entre le nombre de refus et le nombre de permis octroyés, je vous confirme que les décisions favorables prises en première instance sont en augmentation, que quasiment tous les dossiers font l’objet de recours et de contentieux portés au Conseil d’État et, comme je l’indiquais précédemment, pour certains d’entre eux, à plusieurs reprises au Conseil d’État, avec des durées, en ce qui concerne les allers et retours au Conseil d’État, qui peuvent être très longues.Parmi ces projets, certains peuvent faire l’objet de refus, motivés par toute une série d’éléments. Soit le non-respect des prescrits du cadre de référence, des distances, des Pax Eolienia1 ou 2, mais aussi des éléments liés à l’urbanisme, à l’aménagement du territoire. Mais aussi de nature chiroptérologiques, avifaunistiques ou environnementale, pour ne citer que quelques-uns des éléments parmi d’autres.Globalement, il y a lieu de relativiser les propos du secteur.
En effet, Edora, comme tout lobby, fait du lobby. En même temps, il faut bien mesurer à quel point on a aujourd’hui, je m’en suis entretenu avec vous en toute transparence il y a déjà plusieurs mois de cela, la prolifération de projets déposés alimente aujourd’hui une fronde de beaucoup de communes et villes, mais aussi de citoyens, avec des réactions, enquêtes publiques ou des RIP, qui entrainent très régulièrement des réactions massives des personnes qui, tout en souscrivant à nos objectifs de transition énergétique et d’énergies renouvelables, de préservation face aux dangers climatiques, ne veulent pas voir leur région couverte d’éoliennes.
Nous avons aujourd’hui une vraie difficulté et nous nous en entretenons autour et avec un certain nombre d’interlocuteurs, dans le cadre de ce qu’a prévu la déclaration de politique régionale, c’est-à-dire une actualisation de la pax eolienica, de manière à voir comment nous pouvons en même temps respecter le cadre de vie de nos concitoyens, les objectifs de biodiversité par ailleurs, en même temps permettre de nous adapter aux évolutions technologiques et d’autre part, rencontrer nos ambitions – qu’elles soient fixées au niveau régional ou au niveau européen – en ce qui concerne les énergies renouvelables.
Concernant le temps d’instruction des dossiers, je voudrais signaler qu’il y a une série d’éléments qui sont préalables à l’introduction des dossiers et dont il faut tenir compte aussi dans les difficultés techniques que rencontrent les opérateurs. Je pense notamment au poste de raccordement, aux capacités du réseau et d’autres éléments techniques de cette nature-là.En ce qui concerne le fait d’inciter à diminuer le temps d’instruction des dossiers, il faut tout de même constater que la durée de délivrance des permis en Région wallonne semble être bien moindre, et même parmi les moins longues d’Europe.
En revanche, ce que l’on observe, c’est qu’un grand nombre de dossiers sont portés devant la haute juridiction administrative. C’est un des éléments de travail – même il relève du Fédéral –qui doit retenir notre attention, c’est-à-dire le fait de pouvoir vider complètement le contentieux lors d’un recours au Conseil d’État, et d’avoir des durées de décision du Conseil d’État balisées, avec des ressources complémentaires par rapport aux besoins, en termes de gestion des dossiers.Par ailleurs, je dois rappeler que, tout en souscrivant pleinement à nos objectifs de transition environnementale et de déploiement éolien, nous avons aussi souscrit un certain nombre d’autres instruments de préservation paysagère, de charte de Florence, et cetera.L’ensemble de l’enjeu est de faire un équilibre entre ces préoccupations-là, en même temps de procédure,d’évolutions techniques et technologiques: le repowering d’un certain nombre d’éoliennes, les hauteurs qui sont plus longues, maintenir la distance par rapport aux habitations. Bref, des travaux sont menés.
Ils concernent aussi les zones militaires, le survol pour les zonings industriels, le surplomb de certaines activités dans les zones industrielles. Il y a des pistes intéressantes, mais il faut que le balancier reste acceptable, sans quoi on ne va faire qu’alimenter le contentieux juridictionnel au niveau du Conseil d’État, ce qui n’aide pas à progresser en matière de transition énergétique.”
Il est vrai que le temps pour analyser l’ensemble du plan Repower EU est effectivement assez limité depuis deux semaines. Mais même avant cela, les ambitions de la Wallonie en matière de développement des énergies renouvelables étaient déjà importantes. On doit donc tout faire pour les atteindre, alors que l’on sait qu’elles devront sans doute être encore renforcées dans le cadre de nos objectifs pour atteindre le PACE renouvelé.
C’est clair qu’aujourd’hui, la durée totale pour les projets éoliens est effectivement liée à cette question de l’octroi du permis, mais aussi à toute la question des nombreux recours et du contentieux que cela génère. C’est beaucoup trop long et cela ne va pas. Il y a donc là tout un travail qui doit être mené pour réduire cette durée du contentieux. Le Ministre évoque quelques-unes des pistes nécessaires. Ce seront des sujets qui doivent absolument avancer et être tranchés dans le cadre la pax eolienica.
Le dernier volet qui me semble important, c’est la question de l’objectivation des craintes et des problématiques sur le terrain et de la motivation des permis octroyés. Le secteur soulève à juste titre une série de difficultés. Et je pense qu’il est vraiment nécessaire aujourd’hui d’objectiver la manière dont on octroie ou pas les permis et de trouver des solutions dans le cadre de la pax eolienica pour éviter que des craintes individuelles ne viennent mettre en cause des objectifs climatiques qui sont très importants. Il faut pouvoir faire cette balance entre les différents enjeux.