Report de charges sur les communes : trouver des solutions à tous les niveaux

L’UVCW vient de publier sa dernière veille financière évaluant les reports de charges des différents niveaux de pouvoirs sur les communes. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils explosent littéralement, pour s’élever à 360,8 millions € en 2023, soit une augmentation de 33 millions en 1 an.

La principale cause de ces reports de charges se trouve toujours dans le tax-shift du Gouvernement Michel (plus de 100 millions sans effet retour identifié) et dans la charge des pensions. De quoi quasiment effacer la bonne nouvelle que constitue la reprise du financement des zones de secours par les Provinces (87,4 millions en 2022).

On a déjà salué les autres mesures positives et nécessaires prises par la Région, dont l’indexation majorée d’1% du fonds des communes ou encore le Plan Oxygène.

Mais il apparaît de plus en plus clairement indispensable d’entamer des réformes courageuses de plus grande ampleur pour sauver le soldat communal.

Ainsi, au niveau fédéral, la prise en charge intégrale du RIS est une mesure d’équité et de solidarité indispensable. Il faut ajouter le financement des zones de secours, dont l’Etat fédéral ne prend en charge qu’une partie très éloignée de son engagement de 50%. Il en va de même de la sortie du système de pension des agents locaux évoluant actuellement dans une enveloppe fermée et dont on vient d’apprendre qu’elle était désormais vide. Il est urgent de sortir de ce régime unique qui court à sa faillite.

D’où ces questions au Ministre des Pouvoirs locaux, Christophe Collignon :

Monsieur le Ministre, où en sont vos discussions avec le gouvernement fédéral sur ces différents enjeux ? Quelles nouvelles initiatives avez-vous prises pour faire avancer ces dossiers ?

Nous disposons également de leviers au niveau régional, en termes de rationalisation institutionnelle, de simplification administrative, de réforme du précompte immobilier ou encore de statut des agents locaux. Vu l’urgence de la situation, quelles initiatives complémentaires, de nature à apporter des réponses structurelles aux difficultés financières des communes, prenez-vous en la matière ?

Réponse du Ministre :

“Comme vous, j’ai conscience des difficultés rencontrées par les communes. Je pense sincèrement que malgré les différentes crises successives que vous connaissez – dont ont souffert et souffrent encore les finances locales, mais également les finances régionales –, le Gouvernement wallon a répondu présent. Comme M. Demeuse le souligne, il y a des points positifs, qui ont d’ailleurs été soulignés par l’Union des villes et communes. J’entends souvent des remarques relatives à des politiques, mais elles sont en général plutôt du fait de la sphère fédérale que de la sphère régionale.

Je vais quand même vous rappeler que nous avons fait des choses :
– l’indexation des points APE obtenue par ma collègue bénéficie à 65 % aux pouvoirs locaux ;
– la reprise partielle du financement communal des zones de secours par les provinces. On en a débattu à de nombreuses reprises au début de ma prise en charge de cette matière. Reconnaissons que sur les différentes externalités que les villes et communes doivent payer, c’est le seul voyant qui s’est amélioré, même si je sais que l’inflation faisant, ce n’est pas la manne escomptée qui est arrivée. C’est néanmoins un élément positif pour les communes. À titre personnel, je suis favorable pour que, pour la prochaine mandature, on avance vers 100 % de reprise des dotations communales, comme c’était prévu à l’entame de la législature ;
– on a maintenu l’inflation majorée de 1 % du Fonds des communes. On a pu récupérer des arriérés Marshall, ce qui n’était pas évident, à concurrence de 90 millions d’euros.

Je vais passer au prochain Gouvernement, si je reçois l’avis de l’Inspection des finances, une aide ponctuelle aux communes liée aux crises énergétiques qui devrait apporter un complément aux différentes communes afin de les aider à payer les factures énergétiques. Dès lors, convenons que nous avons agi. Je vous ai dit à l’entame que la plupart des difficultés émanent des différentes politiques fédérales puisqu’elles ne prévoient pas ce que la Région wallonne essaye de faire – à savoir une politique de neutralité budgétaire – lorsqu’il demande que les communes exercent une politique.

À cette fin, j’ai saisi le Comité de concertation. En effet, les surcoûts importants qui impactent et vont impacter les finances locales relèvent de matières fédérales : l’épineux dossier des pensions, les revenus d’intégration, les zones de secours, le tax shift qui a été imposé par le Gouvernement Michel. Nous avons été rejoints par les autres Régions lors de ce Comité de concertation. Nous allons, avec mon collègue M. Dolimont, impulser une CIM budgétaire. Le processus est enclenché.

Si une réforme est nécessaire au niveau fédéral quant au mécanisme de financement des pensions locales – à titre personnel, je suis convaincu que lors de la prochaine négociation, il faut que les différents partis puissent mettre à l’agenda la reprise des pensions locales dans l’ensemble de la sécurité sociale –, je pense qu’elle doit s’accompagner d’une réflexion régionale et locale sur la question de la statutarisation ou de la contractualisation ainsi que des avantages et désavantages qui y sont associés.

Ce n’est qu’en adoptant une position à ce niveau sur cette question que l’on pourra réellement avancer, sans être par ailleurs mis à mal par le Fédéral via des dispositifs de pénalisation. Je pense ici aux effets sur les communes sans second pilier de pension. Cette question est forcément sujette à des avis nettement contrastés.

Par ailleurs, la Région wallonne a mis sur pied un plan Oxygène pour aider les communes le plus en difficulté sur différents critères, dont celui de la cotisation de responsabilisation. Elle soutient également massivement l’emploi contractuel via les APE. En l’état, il ne semble pas y avoir de solution idéale, l’une impactant l’autre et vice versa.

(…) Compte tenu des recettes exceptionnelles des additionnels à l’impôt des personnes physiques en 2023 – puisque, pour une raison d’adaptation comptable et de versement de ceux-ci, il y aura 14 mensualités en 2023 au lieu de 12 –, je vais proposer de prolonger encore en 2024 la possibilité de rapatrier les fonds de réserve ordinaires à l’exercice propre. De plus, je tiens à vous dire, quant à l’appel lancé par les communes pour un changement de la comptabilité communale, que des discussions ont lieu à ce sujet au sein de mon cabinet et en collaboration avec l’administration, dans le cadre de modifications un peu plus profondes par rapport aux mécanismes budgétaires actuels.

Néanmoins, il ne faudrait pas que les crises que nous avons connues et que nous subissons encore influencent une réforme qui mènerait à terme à des dérives budgétaires au niveau communal, et ce, parce que les finances communales sont en difficulté aujourd’hui. Je pense qu’il est nécessaire de prendre du recul de ce point de vue et de réfléchir, certes, à une comptabilité plus souple, mais également correctement balisée pour garantir des finances locales saines dans le temps.”

C’est vrai qu’il y a beaucoup d’enjeux pour les prochains mois et les prochaines années et que tout ne pourra probablement pas être fait dans l’année et demie qui nous sépare des prochaines élections. J’espère cependant qu’une série de choses pourront être faites d’ici là.

Je note par exemple avec satisfaction les quelques éléments relatifs aux dispositions comptables. Il me semble aussi que l’on pourrait avancer sur certains éléments, notamment – c’est un appel vers le Fédéral – la prise en
charge complète de la participation à hauteur des 50 % par rapport aux zones de secours. Cela doit pouvoir avancer avant les prochaines élections. Même chose pour la prise en charge en matière de revenus d’intégration. Ce sont pour moi des dossiers qui doivent avancer avant les prochaines élections.

J’entends que le débat est plus compliqué en matière de pensions, mais on ne doit pas baisser les bras à ce niveau. En ce qui concerne la Région, je plaide aussi pour que l’on puisse soulager les communes complètement du poids du financement des zones de secours. J’espère que l’on pourra aboutir sur ce dossier le plus tôt possible et réfléchir par ailleurs à la question d’une réforme du statut ; là aussi, le plus tôt possible sera le mieux.