Plan social à la Haute Ecole Léonard De Vinci

Le Collège de Direction de la Haute Ecole Léonard de Vinci vient d’annoncer un plan en deux phases dont la première consiste en une réorganisation immédiate du personnel, particulièrement salée. Elle consiste en effet dans le non-renouvellement de contrats à durée déterminée dans les services transversaux (3,2 ETP) et dans les secteurs (secteur de la santé (2 ETP), des sciences humaines et sociales (2 ETP) et des sciences et techniques (0.5 ETP) ; le non-remplacement systématique total ou partiel de 9 membres du personnel partant en pension cette année ; des fins de contrat avec des échéances prévues dans le contrat (0,7 ETP) ; et des licenciements pour motif économique qui concernent des suppressions de fonction (3,9 ETP), touchant 4 membres du personnel.

Autrement dit, 18 membres du personnel de la HE Vinci sont directement et « immédiatement » touchés, pour reprendre les termes employés par la Direction dans son courrier. Celle-ci poursuit en disant que ces mesures doivent permettre de sortir l’école des difficultés auxquelles elle fait face.

La Direction justifie en effet ces mesures par les projections budgétaires déficitaires de la Haute Ecole Léonard de Vinci qui ont conduit son Conseil d’administration et son Assemblée générale à lui demander d’identifier des actions visant à maîtriser les coûts de la masse salariale. La Direction de l’école, dans le courrier envoyé à la communauté de Vinci, évoque « l’accroissement considérable du nombre d’élèves », « les contraintes qu’induit un financement basé sur un mécanisme d’enveloppe fermée », ainsi que « l’explosion du nombre d’étudiants inscrits et la hausse importante des coûts due à l’inflation ».

Cette situation appelle donc de nombreuses questions, adressées à la Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny :

  • Madame la Ministre, êtes-vous informée de la situation ? Quelle est votre analyse et votre marge de manœuvre éventuelle ? N’y a-t-il vraiment aucune alternative à cette restructuration ? Toutes les options ont-elles été envisagées ?
  • Des démarches ont-elles été entreprises auprès du gouvernement à ce sujet ?
  • La Direction de l’école affirme que le refinancement du secteur de l’Enseignement supérieur décidé il y a peu n’y change rien : comment cela s’explique-t-il ? Dans quelle mesure les discussions liées aux mécanismes de financement de l’école peuvent-elles permettre d’apporter une solution ? Y êtes-vous associée ?
  • Des besoins spécifiques ont-ils été identifiés ?
  • Quel accompagnement sera réservé aux travailleurs impactés par cette mesures particulièrement difficile ?
  • Quels impacts cela aura-t-il sur les étudiants et sur l’organisation des cours ?
  • La deuxième phase du plan de la Direction consistera en des mesures plus structurelles et transversales qui feront l’objet d’une réflexion avec toutes les parties prenantes au sein de l’organisation à partir de l’année académique prochaine. Madame la Ministre, êtes-vous associée à ces discussions ?
  • Et enfin, quels enseignements tirez-vous de ce malheureux exemple en termes de réforme du modèle de financement de l’enseignement supérieur en FWB ?

Réponse de la Ministre :

“Permettez-moi tout d’abord de rappeler que, dans ce domaine, les hautes écoles disposent d’une large autonomie sous réserve du contrôle des commissaires du gouvernement quant au respect de la législation applicable. Il ne m’appartient dès lors pas de m’immiscer dans la gestion d’une haute école,quelle qu’elle soit. Je n’ai donc pas à être associée ou consultée préalablement à la prise de telles décisions.

Néanmoins, peu de temps avant la parution de l’article de presse, j’ai été informée à titre confidentiel par la directrice-présidente des décisions qui ont été prises. Je ne commente donc pas les choix stratégiques posés spécifiquement par la haute école qui fait l’objet de votre question,mais je vais plutôt vous informer des éléments de contexte qui m’ont été transmis et les compléter de réflexions sur le financement de l’enseignement supérieur.

Selon les informations qui ont été communiquées par le commissaire du gouvernement, il apparaît que le plan d’économie que la Haute École Léonard de Vinci a élaboré a été élaboré en dialogue avec les représentants du personnel et le conseil d’administration de l’établissement dans lequel les membres du personnel et les étudiants sont également représentés. Ce plan est motivé par une prudence financière justifiée par la volonté de permettre à la haute école d’assurer ses missions d’enseignement avec la qualité requise. La haute école explique que, sans un plan d’économie de 800 000 euros, sa situation budgétaire serait déficitaire et ne permettrait pas un développement de l’institution qui répondrait aux besoins futurs relatifs à l’accueil des étudiants et à la pédagogie.

La haute école souligne avoir connu une augmentation du nombre d’étudiants impliquant des coûts supplémentaires liés aux infrastructures et à l’encadrement pédagogique. On peut trouver paradoxal qu’une augmentation du nombre d’étudiants nécessitant des besoins d’encadrement supplémentaires se traduise par une suppression de postes. Dans certains cas, cela peut s’expliquer par une croissance plus faible que dans les autres établissements. Cependant, d’autres éléments entrent bien entendu en ligne de compte. Concrètement, pour pouvoir réagir à l’augmentation du nombre d’étudiants, particulièrement en première année de bachelier dans certains départements, la haute école a procédé à l’engagement de nouveaux membres du personnel, soit 19équivalents temps plein. La haute école a par ailleurs dû faire face au rem-placement de certaines catégories de personnels dont le coût reste à sa charge. La masse salariale des membres du personnel est un élément non négligeable à prendre en considération dans les contraintes budgétaires des hautes écoles, comme du reste de tous les établissements d’enseignement supérieur. En l’espèce, l’augmentation durant l’année 2021-2022, qui était consécutive à quatre indexations successives de près de 2%, soit un montant augmenté de 8%, se chiffre à 889376euros. S’y ajoutent les coûts moyens bruts pondérés des salaires qui sont fixés par la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui doivent être rigoureusement appliqués et qui augmentent chaque année –plus 4% en 2022–dans toutes les catégories de personnel, sans compter les franchissements successifs de l’indice pivot non anticipés au cours de l’année 2022.

Il est prématuré d’identifier la nature des nouvelles mesures structurelles que la Haute École Léonard de Vinci envisage, sachant qu’un travail en concertation avec les équipes sera entamé à partir de la rentrée prochaine.

À propos du suivi du personnel touché et singulièrement des licenciements pour motifs économiques qui concernent 4personnes sur les 850membres du personnel, le service des ressources humaines a garanti un accompagnement personnalisé. Il a pris le temps d’expliquer le contexte et les décisions en détaillant le suivi des documents sociaux, les indemnités compensatoires de préavis et les propositions de reclassement, comme l’exige la loi.

Deux conseils d’entreprise ont eu lieu préalablement aux annonces de licenciement: l’un le 10 juin 2022, durant lequel les comptes de la haute école ainsi que la commande du conseil d’administration sur la gestion des coûts de personnel ont été présentés ; l’autre, plus spécifique, le 20juin2022, pour annoncer l’imminence des licenciements.

L’ensemble des chefs de département, ainsi que les directeurs ou responsables de service, ont également été avertis des mouvements de personnel à venir. Les chefs de département avaient par ailleurs été associés à des glissements d’attribution au sein de leur secteur respectif, permettant de rationaliser certains dispositifs.

Deux moments de rencontre, à savoir les assemblées générales avec les membres du personnel, ont été organisés: le 29juin2022 à Woluwe et le 30juinà Louvain-la-Neuve, lors desquels les membres du personnel ont pu adresser aux membres du collège de direction leurs questions ou inquiétudes pour l’avenir.

De manière générale, l’augmentation continue du nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur constitue une tendance de long terme qui témoigne de l’ouverture de l’enseignement supérieur et de son attractivité. Cela résulte à la fois de l’évolution démographique et de la démocratisation de l’enseignement supérieur. Il s’agit d’une tendance dont nous pouvons tous nous réjouir,mais qui représente un énorme défi pour l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur. En effet, la croissance de la population étudiante s’accompagne de défis à relever en termes d’infrastructures, d’aide à la réussite et de taux d’encadrement.

C’est pourquoi, depuis le début de mon mandat, j’agis pour accroître les moyens des établissements et renforcer ainsi ceux dédiés à l’encadrement de l’enseignement supérieur. Dans cet esprit et à mon initiative, le gouvernement s’est accordé pour augmenter de manière significative le refinancement de l’enseignement supérieur et de la recherche qui, pour rappel, se porte à 50millions d’euros supplémentaires dès cette année, et à 80 millions d’euros à partir de 2024.

Ces moyens doivent prioritairement permettre de faire face au défi de la croissance de la population étudiante en améliorant l’encadrement. Quant aux difficultés liées à l’indexation des salaires, elles sont dues à la situation tout à fait inédite de cette année, qui touche d’ailleurs aussi de nombreux autres secteurs. Le refinancement de l’enseignement supérieur et l’indexation des allocations globales dès l’année prochaine permettront d’améliorer sensiblement la situation dès l’année civile 2023.

Quant aux infrastructures, pour ce qui concerne les hautes écoles et les écoles supérieures des arts, je ne doute pas que le futur plan des bâtiments scolaires de mon collègue Frédéric Daerden prendra en compte leurs besoins spécifiques liés à l’augmentation de la population étudiante. Dans tous les cas, j’y serai moi-même très attentive.

De manière générale, concernant les difficultés rencontrées par les hautes écoles, je resterai attentive à la situation, notamment à travers les retours que me feront les commissaires et délégués du gouvernement, et les contacts réguliers que mon cabinet entretient avec les représentants des fédérations de pouvoirs organisateurs des hautes écoles, tout en veillant au respect du principe d’égalité entre les établissements d’enseignement supérieur et les limites budgétaires de la Fédération.”

Si la Ministre a raison de rappeler que les hautes écoles sont autonomes dans ce domaine, cela soulève clairement la question de la situation dans laquelle les établissements d’enseignement supérieur se trouvent à la suite du définancement global qui a eu lieu pendant des années et dont nous avons inversé la logique. La Ministre a rappelé les efforts faits à ce sujet. En outre, cette situation est liée à l’enveloppe fermée et à la «course à l’étudiant» qui engendre de l’insécurité et une concurrence exacerbée entre les institutions, en particulier dans le chef des hautes écoles.

Concernant la Haute École Léonard de Vinci, je suis inquiet de l’impact que cette situation pourra avoir sur les étudiants et sur la qualité de l’enseignement qui sera fourni. Je pense notamment aux regroupements dans les auditoires, alors que la formation au sein de petits groupes faisait la spécificité de certaines formations proposées. Nous devons réellement être attentifs à ce sujet.

Par ailleurs, pour ce qui est du plan à moyen terme qui doit être développé, il convient là aussi d’être particulièrement attentif pour protéger toute une série d’options, notamment celles qui répondent à de réels besoins sociaux. Il est essentiel de ne pas simplement avoir une vision purement économique des choses.

De manière plus générale, nous devons faire en sorte que les moyens affectés au refinancement des établissements d’enseignement supérieur servent réellement à l’encadrement des étudiants. C’est fondamental. Le fléchage des moyens est pour moi une priorité sur laquelle nous devons travailler, comme l’illustre encore une fois l’exemple de la Haute École Léonard de Vinci.