Je ne vais pas à nouveau dresser le tableau particulièrement noir des finances communales. On sait tous à quel point la situation est terriblement difficile. Et elle l’est plus que jamais avec l’inflation exceptionnelle et l’explosion des coûts de l’énergie qui exercent une pression considérable sur nos communes, en plus des difficultés structurelles qui préexistaient déjà, en particulier en matière de pensions et de reports de charges en tous genres.
On sait aussi que le Gouvernement a pris des mesures importantes dans le cadre du conclave, via l’indexation des APE, l’indexation + 1% du fonds des communes, l’apurement lié aux compensations du Plan Marshall, ou encore les 50 millions d’euros exceptionnels pour faire face à la crise énergétique. Ce sont des moyens très conséquents qui viennent directement en aide aux pouvoirs locaux.
L’UVCW tire toutefois une nouvelle fois la sonnette d’alarme concernant les finances locales, sans se contenter de constats, mais en proposant de réelles pistes de réformes et solutions structurelles.
Parmi celles-ci, retenons l’enjeu des droits de tirage, l’amélioration de la concertation entre les pouvoirs locaux et l’Etat fédéral, des synergies renforcées communes/CPAS, développement de l’e-gouvernement, mais surtout l’évolution du statut des agents locaux pour faire face à l’enjeu des pensions, l’optimisation du précompte immobilier via un changement de base taxable, le développement d’une fiscalité routière et de voirie intégrée.
Et puis, plus fondamentalement, l’UVCW estime nécessaire d’aller plus loin dans le changement de nos vieilles habitudes institutionnelles et plaide pour le développement de la supracommunalité, tout en arrêtant la démultiplication des couches de la lasagne institutionnelle, en avançant vers une rationalisation de celles-ci. « Il faut oser simplifier, dépoussiérer, s’affranchir des vieilles habitudes », disait aisni le président de l’UVCW.
Lors de la dernière séance plénière, le Ministre des Pouvoirs locaux, Christophe Collignon, n’avait pas eu le temps de prendre connaissance dans le détail des propositions et demandes de l’UVCW, ce qui est bien normal vu le délai.
Trois semaines plus tard, je suis revenu vers lui à ce sujet :
- Avez-vous analysé ces demandes ? Quelles suites y avez-vous réservées ?
- Quelles réponses y apportez-vous, en particulier aux demandes de simplification de la lasagne institutionnelle wallonne ?
- Où en est le travail en matière de modernisation du statut des agents locaux ? Dans quelle mesure le travail entamé permettra de répondre à l’enjeu des pensions ?
- Enfin, avez-vous présenté au Gouvernement l’analyse de l’utilisation par les communes du Plan Oxygène ? Des moyens complémentaires sont-ils disponibles et quelle sera leur affectation ?
Réponse du Ministre :
“Les éléments de réflexion de l’Union des villes et communes de Wallonie ont retenu mon attention. Ce qui me semble émerger de cette réflexion, c’est avant tout l’enjeu collectif des finances des pouvoirs locaux et la façon dont on conçoit nos villes et communes, pour faire en sorte qu’elles rendent les services à la collectivité qu’elles sont amenées à rendre aujourd’hui, et, si faire se peut, les rendre plus performantes.
Les différentes crises ont, par la force des choses,polarisé nos efforts sur le court terme et le conjoncturel,en vue de pouvoir les traverser au mieux, mais le long terme a toujours été présent dans mes réflexions.
J’en veux pour preuve la saisine du Comité de concertation sur la problématique essentielle du respect de la neutralité budgétaire pour tous les niveaux de pouvoir, car, je crois que chacun l’admettra, deux éléments émergent de ce débat :
– les demandes de financement et de réforme sont essentiellement adressées au niveau du Fédéral ;
– même si la Région wallonne est soutenante, elle n’a pas vocation à suppléer toutes les politiques du Fédéral.
Relativement au souhait de simplification et la lasagne institutionnelle, c’est un vaste débat. Je suis aussi favorable à plus de lisibilité de notre système, à plus de simplification, mais je pense que c’est un débat qui nous anime et qui anime les travées des différents parlements depuis un certain nombre d’années. Je ne vais sans doute pas, à la suite d’une réponse à une question parlementaire, définir la géographie institutionnelle de la Belgique. Des réformes doivent être réalisées.
Il faut de temps en temps aussi que l’on prenne ses responsabilités. Vous connaissez aussi mes positions sur le paysage intrafrancophone, des rapports avec la Fédération. Il y a aussi un équilibre à trouver. Toujours est-il que les années passent, mais que le service doit être rendu. Sans doute que des réflexions devront être menées, mais vous savez comme moi qu’il faudra un accord, à tout le moins des partis francophones, pour aller plus avant dans ce dossier.
Cette législation nous a quand même permis d’avancer sur plusieurs éléments. On vient de l’évoquer,il y a ce débat sur fusion ou pas fusion, supracommunalité, venir en support, quel est le rôle des provinces; certains veulent les supprimer, d’autres se disent qu’en matière de sécurité elles ont un rôle à jouer.Même si l’on n’a pas été à 100% de la reprise des dotations communales dans les zones de secours,convenons que c’est une des seules réformes qui a apporté un peu de disponible au niveau des différentes villes et communes, même s’il faudra sans doute aller plus loin.
Cette réforme était importante et elle se poursuivra dans les prochaines législatures.
J’entends également que l’Union des villes et communes plaide, tout comme moi, pour plus de supracommunalité. Vous connaissez mes positions. Le Gouvernement a d’ailleurs dégagé 2,3millions d’euros en 2021, où j’ai pu sélectionner différents projets, qui sont de différentes natures sur le territoire. Certains fonctionnent depuis longtemps de manière optimale,d’autres doivent se construire. En tout cas, je sens qu’ily a plus d’approche dans la volonté des communes de travailler de manière cohérente, mais il faut aussi pouvoir, à un moment donné, arrêter de travailler sous forme informelle.
C’est pour cela que je veux qu’il y ait une base légale. Nous traitons de choses publiques et nous prenons des responsabilités. Il faut, à mon avis, des bases légales pour sans doute à inciter à plus de supracommunalité. On est quelque part dans une supracommunalité de gouvernance, de projet et peut-être demain institutionnalisée. On parlait des fusions de communes, sans doute qu’il est plus facile pour une commune de travailler en supracommunalité par chapeau et en délégant des compétences que, à un moment donné, de passer à une fusion pure et simple,même si ce débat devra également avoir lieu.
En ce qui concerne l’avenir de la fonction publique locale, je rappelle que, dans le cadre d’un groupe de travail que j’ai mis en place et en exécution relativement à la convention sectorielle 2015-2020 au sein du Comité C, nous travaillons à une réforme de cette fonction publique locale, avec différents intérêts :
– Quelle est l’évolution du statut ;
– Comment peut-on faire en sorte que, dans la fonction publique locale, 80% de ceux qui y travaillent ne sont pas des statutaires ;
– Comment peut-on reconnaître leurs mérites et faire en sorte qu’ils puissent évoluer dans cette fonction publique locale ;
– Envisager les fonctions d’attractivité, d’accès à l’emploi, de valorisation des compétences et de l’évolution de carrière et de motivation du personnel. Là, je crois que l’on touche au cœur du métier.
Ces questions sont fondamentales aussi, même si j’ai toujours été passionné des questions institutionnelles,ces questions concrètes doivent trouver réponse pour nous permettre de mieux travailler.
Le groupe de travail continue et il a commencé à la fin du mois de mai. Notre système est tel que l’on doit procéder par concertation. Je souhaiterais aboutir d’ici la fin de la législature, à un résultat prégnant.
Dans un premier temps, il s’agit de dresser une série de constats en matière de fonction publique locale,d’identifier les freins et les difficultés vécues sur le terrain. Même si j’en ressens quelques-unes, je n’ai pas la vérité révélée.
Pour ce faire, nous avons donné la parole :
– Aux Fédérations des grades légaux qui, en tant que chefs du personnel, sont les mieux placés pour identifier les problèmes concrets ;
– Au SPW IAS qui, dans le cadre de l’exercice de la tutelle ou de son rôle de conseil, a, depuis plusieurs années, dressé toute une série de difficultés en matière de fonction publique locale;
– Aux organisations syndicales, qui sont des partenaires essentiels dans ces matières.
Je compte présenter dans les meilleurs délais un plan d’action au Gouvernement sur base de tous ces travaux. Ici aussi, il s’agira d’être plus efficace dans la gestion des ressources humaines.
En ce qui concerne le plan Oxygène, je présenterai sous peu au Gouvernement le niveau d’activation sollicité par 34 communes wallonnes, étant précisé que,pour la majorité d’entre elles, il s’agit également d’approuver à cette occasion leur nouveau plan de gestion.
En synthèse, l’Union des villes et communes présente effectivement des pistes de solutions à étudier.Ces propositions enrichissent et confortent les chemins déjà parcourus depuis le début de cette législature ainsi que les débats que nous avons et allons nouer avec le Fédéral.
Je suis intimement convaincu que le prochain accord de Gouvernement fédéral devra apporter ces différentes solutions, et c’est l’ensemble des partis francophones qui devra porter ces différentes revendications.
J’ai la conviction que nous sommes à l’aube de réformes importantes sur le modèle institutionnel, et qui doivent faire en sorte que les institutions sont les vecteurs présents pour rendre le meilleur service possible à la population.
À titre personnel, j’ai toujours eu un esprit ouvert etje suis donc ouvert à ce type de débat, mais je pense qu’au bout d’un moment, il faut être réaliste. Il faut des compromis qui doivent pouvoir atterrir sur des réformes réelles qui amènent une plus-value pour la population.”
Je comprends que l’on ne puisse pas entrer dans l’ensemble du détail de chacune de ces mesures. Il est vrai que l’appel de l’Union des villes et communes brasse extrêmement large. Ce que je trouve intéressant dans cet appel, c’est que ce n’est pas juste une liste de plaintes ; c’est une série de propositions concrètes, constructives et qui sont aussi l’occasion d’avancer, de faire tomber un certain nombre de tabous, de faire preuve d’originalité et de courage politique.
Je pense à la question du statut. Une autre mesure intéressante est celle de la redevance sur les impétrants pour les télécoms, par exemple. Puis, il y a cette question du modèle institutionnel et de cette couche de lasagne. On est tous convaincus de l’utilité de la supracommunalité, et cela plus que jamais, mais il est clair que cela ne peut pas fonctionner si cela conduit à ajouter plus d’étages à la lasagne. À un moment, la supracommunalité ne fonctionnera que si c’est pour aller vers plus d’efficacité et vers moins d’étages à cette lasagne. C’est dans ce sens que va l’appel de l’Union des villes et communes et c’est aussi dans ce sens que l’on doit l’entendre.
Un dernier élément d’actualité sur lequel je voulais insister dans cette réplique : les communes, en 2023, vont toucher 14 mois d’IPP, grâce à un changement comptable. Cela peut paraître comme une bouffée d’oxygène bienvenue pour les finances communales en 2023, mais cela reste un one-shot, avec des risques de dégrèvement qui seront plus importants. Je voulais donc en profiter pour insister sur le fait que le Ministre pourrait demander au CRAC et au SPW d’attirer l’attention des communes sur ces risques supplémentaires de dégrèvement et sur le caractère non structurel de ces moyens qui vont leur être attribués. Cela pourrait conduire à une série de difficultés par la suite, dans les années suivantes.
Réponse du Ministre : “Si je peux me permettre une incise, vous avez tout à fait raison. Force est de reconnaître que le courrier du SPF Finance est assez clair. J’ai chargé mon cabinet d’envoyer une circulaire ou un courrier qui invite les communes à la prudence,dans le sens que vous indiquez.“
Cela va dans le bon sens !