Recours en matière de voirie : des changements sont indispensables !

Le Ministre de l’Aménagement du territoire, Willy Borsus, est informé – et j’imagine préoccupé autant que son administration – par l’arrêt du Conseil d’État n° 255 242 du 9 décembre 2022 qui est venu perturber tout le fonctionnement du service des recours en matière de voirie au sein de la DGO4, puisque le Conseil d’État a invalidé la manière dont la Région interprétait la computation des délais en matière de recours de voirie.

Plusieurs questions se posent suite à cet arrêt.

1° Modifications de l’arrêté du 18.2.2016 et de l’article 19 du décret du 6.2.2014

Monsieur le Ministre a apparemment chargé le SPW de lui présenter un projet de modification de l’arrêté du Gouvernement du 18 février 2016 afin d’y reprendre explicitement les documents à fournir par les communes dans le cadre des recours de voirie afin que le dossier puisse être considéré comme complet. Une modification législative est aussi apparemment envisagée à l’article 19 du décret pour mieux asseoir cette liste de documents sur une base décrétale.

  • Dans quel délai espère-t-il pouvoir concrétiser ces indispensables modifications décrétales et réglementaires ?

2° Gestion des nouveaux dossiers de recours dans l’intervalle

Suite à l’arrêt du Conseil d’État, le temps dont dispose l’administration pour instruire les dossiers se réduit désormais à deux mois à dater de l’envoi du dossier complet par le requérant du recours.

Même si ces documents ne permettent pas à l’administration d’instruire le dossier de manière optimale en l’absence d’autres pièces dont elle disposait jusqu’ici, il n’est pas pensable de se contenter de constater simplement que le délai pour se prononcer sur les recours est dépassé et que la décision dont recours entre en application par forclusion des délais.

Il parait dès lors indispensable que, dans l’intervalle, les dossiers de recours soient traités sur base des éléments qui ont pu être recueillis pour l’instruction de ceux-ci et durant le délai imparti par la jurisprudence du Conseil d’État.

  • Monsieur le Ministre peut-il préciser s’il a donné à l’administration les instructions nécessaires pour que les dossiers de recours lui soient soumis dans les délais imposés par l’arrêt n° 255 242 du Conseil d’État en attendant la modification de l’arrêté du 18 février 2016 et de l’article 19 du décret du 6 février 2014, et ce malgré des pièces manquantes éventuelles ?

3° Utilisation de l’article 8 du décret du 6.2.2014 par le Gouvernement ou le fonctionnaire délégué

  • Enfin, lorsque la Région est confrontée à des décisions communales qui violent les dispositions de l’article 1er du décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale en faisant fi du maintien et de l’amélioration de la mobilité douce imposés par cet article pour supprimer des sentiers ou chemins par pure complaisance à l’égard de certains demandeurs, et que les circonstances administratives font que la Région ne puisse plus veiller à l’intérêt général en accueillant un recours éventuel par expiration des délais, Monsieur le Ministre n’estime-t-il pas souhaitable que le Gouvernement utilise systématiquement les dispositions de l’article 8 du décret du 6 février 2014 pour veiller à l’intérêt général ?

Cet article dispose en effet : « Toute personne physique ou morale justifiant d’un intérêt, le conseil communal, le Gouvernement, le fonctionnaire délégué au sens du CoDT, ou conjointement le fonctionnaire technique au sens du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement et le fonctionnaire délégué, peuvent soumettre par envoi au collège communal une demande de création, de modification ou de suppression d’une voirie communale. »

Si le législateur a prévu que le Gouvernement (ou le fonctionnaire délégué de l’urbanisme) puisse actionner lui-même l’article 8, c’était nécessairement pour pouvoir le faire dans des circonstances exceptionnelles afin de veiller à l’intérêt général, soit au respect de l’article 1er du décret voirie. Ce serait en l’occurrence un moyen de pallier aux difficultés que pose cette nouvelle jurisprudence du Conseil d’État sur la computation des délais. Le Gouvernement pourrait ainsi se donner une seconde chance de statuer sur recours en cas de persistance communale à vouloir bafouer les règles de l’article 1er dudit décret.

Certes ces dispositions de l’article 8 peuvent aussi être actionnées par toute personne physique ou morale, mais l’établissement d’un plan de délimitation (art 11, 3°) par un géomètre rend cette perspective financièrement difficile pour des associations défendant l’intérêt général de la petite voirie et qui ne bénéficie d’aucun soutien financier autre que les cotisations de leurs membres.

  • Le Gouvernement ou le fonctionnaire délégué sur injonction pourraient-ils se saisir des dispositions de l’article 8 pour régler ces cas exceptionnels frappés de forclusion alors que les auteurs des recours ne sont en rien responsables de cette nouvelle lecture de l’article 19 du décret voirie par le Conseil d’État ?

Réponse du Ministre :

« J’ai en effet chargé, en date du 27 octobre 2022, l’administration de procéder à une analyse minutieuse visant à préparer un projet de modification du décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale permettant de répondre adéquatement aux éléments qui avaient alors été soulevés par l’Auditeur du Conseil d’État dans son rapport sur le recours en annulation A.235.042/XIII – 9480.

En date du 28 novembre 2022, l’administration m’a adressé les propositions de modifications dudit décret et de l’AGW du 18 février 2016 déterminant les formes du recours en matière de création, de modification ou de suppression d’une voirie communale.

La procédure visant à adopter une modification de l’arrêté du Gouvernement wallon du 18 février 2016 arrêtant les formes du recours en matière d’ouverture, de modification ou de suppression d’une voirie communale, ainsi qu’une modification de l’article 19 du décret du 6 février 2014, est longue. Compte tenu du fait que ces modifications n’ont pas d’effet sur les dossiers antérieurement délibérés et des chantiers déjà en cours visant l’adoption d’un nouveau Schéma de développement territorial et d’une révision du Code du développement territorial, il ne sera pas immédiatement envisageable en l’état de mettre en chantier l’examen de ces textes.

Rappelons que, pour ce qui relève de l’application du décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale, modifié par le décret-programme du 17 juillet 2018, le Conseil d’État a relevé dans son arrêt 255.242 du 9 décembre 2022 qu’ « en considérant que le « dossier de recours » doit contenir, outre les éléments que l’auteur du recours doit joindre à celui-ci, certaines informations émanant de la commune relatives à la procédure d’instruction de la demande, l’administration régionale procède à une lecture erronée de l’article 19 du décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale ». Dans ce même arrêt, le Conseil d’État indique que « le texte de l’article 19, alinéa 1er, du décret du 6 février 2014 est clair en ce qu’il vise « la réception du recours complet » et non la réception « du recours et du dossier de la commune ».

Quant à la gestion des nouveaux dossiers de recours, faisant suite au rapport de l’Auditeur du Conseil d’État, une instruction a été immédiatement transmise dès le 14 novembre 2022 à l’administration demandant que les dossiers de recours soient instruits en respectant strictement le délai visé à l’article 19, alinéa 1er, du décret du 6 février 2014. En effet, le délai de 60 jours endéans lequel le Gouvernement wallon doit notifier sa décision, doit être considéré comme prenant cours dès la réception, par l’administration, des recours complets au sens de l’article 2, §§ 1er et 2, ou § 3, selon qu’il s’agisse d’un recours introduit par le demandeur ou par un ou plusieurs tiers.

Pour veiller à rendre ces recours utiles, l’administration a mis en place une approche qui consiste à

multiplier les contacts avec les différents protagonistes concernés afin d’être en possession de l’ensemble des pièces utiles et indispensables à l’instruction des recours, et ce, le plus rapidement possible. Outre les courriers officiels prévus par la procédure, de nombreux contacts téléphoniques sont noués et courriers électroniques envoyés. Il a été convenu que les délais qui sont impartis à l’administration pour soumettre à mon cabinet les propositions de décision (soit 40 jours) puissent également être adaptés de manière à lui permettre d’instruire l’un ou l’autre recours pour lequel les pièces nécessaires auraient finalement été obtenues plus tardivement.

Depuis mon instruction du 14 novembre 2022, toutes les décisions qui ont été prises ont été notifiées endéans un délai calculé conformément à cet arrêt du Conseil d’État. Il va sans dire que l’objectif est que les décisions à venir le soient également.

Enfin, concernant sa dernière question, le législateur a en effet prévu que le Gouvernement ou le

Fonctionnaire délégué, en application de l’article 8 du décret du 6 février 2014 puisse soumettre lui-même une demande de création, de modification ou de suppression de la voirie communale.

Néanmoins, l’application de cet article impliquerait des moyens considérables, tant en termes de personnels (introductions et suivis des demandes auprès des communes) que de moyens financiers (frais de dossiers, marchés de service, et cetera) dans la mesure où cela concernerait nombre de procédures sur l’ensemble de la Wallonie.

Les associations défendant l’intérêt général de la petite voirie, qui ne bénéficient d’aucune aide autre que les cotisations de leurs membres, comme l’honorable membre le précise, pourraient être potentiellement soutenues financièrement ponctuellement par les riverains qui s’opposent à une suppression de sentiers ou chemins anciennement vicinaux (éventuellement à l’appréciation et suivant les possibilités de ceux-ci).

J’insiste toutefois sur le fait que tant l’administration, dans le cadre de son travail préparatoire, que

l’ensemble de mes collaborateurs et moi-même mettons tout en œuvre pour que chaque recours aboutisse à la notification d’une décision objective, prise en connaissance de cause, dans le respect des règles fixées et endéans les délais légaux. »