L’UVCW vient de communiquer les résultats de l’enquête inédite qu’elle a menée auprès de plus de 483 mandataires locaux (bourgmestres, échevins et présidents de CPAS). Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils confirment et objectivent ce que l’on ressentait depuis un certain temps déjà : de plus en plus d’élu.e.s tombent dans l’épuisement physique et moral, au point parfois de remettre en question leur engagement politique.
Ainsi, 5 mandataires sur 10 disent avoir déjà songé à arrêter leur mandat avant son terme. S’ils sont encore 52% à faire preuve d’un état d’esprit positif, celui-ci s’est clairement dégradé au cours des dernières années. 86% des bourgmestres et 63% des élus disent qu’il est plus difficile d’exercer un mandat aujourd’hui que lors des précédentes législatures. C’est énorme !
Et cette dégradation de la relation, ils l’imputent en priorité (à 92%) au rôle des réseaux sociaux, mais aussi aux citoyens qui placent leur intérêt personnel en priorité et qui deviennent de plus en plus exigeants.
Parmi les autres difficultés épinglées, relevons aussi les rapports avec les autorités supérieurs, desquelles les élus locaux attendent une meilleure information, un soutien financier, du respect et de la considération.
Et cela conduirait 4 élus sur 10 à hésiter à se représenter aux prochaines élections, alors que ¾ d’entre eux estiment que le mandat d’élu local ne suscitera plus de vocation durable à l’avenir. Tout cela est particulièrement inquiétant pour l’avenir de notre démocratie.
L’UVCW cite encore la charge de travail trop importante et l’équilibre vie privée/vie professionnelle comme raisons principales à cette démobilisation, et c’est particulièrement marqué dans le chef des femmes, traduisant les nécessaires évolutions à encore obtenir en termes d’égalité homme/femme en politique.
Dès lors, Monsieur le Ministre, quelles initiatives prenez-vous pour donner suite à cette enquête et aux constats qu’elle pose ? Que mettez-vous en place pour mieux soutenir et protéger les élus locaux, en particulier sur les réseaux sociaux ? Comment améliorer les rapports avec les autorités supérieures ?
Prenez-vous des mesures spécifiques pour éviter la défection des engagements ? Y a-t-il par exemple des mesures à l’étude pour faciliter la combinaison vie privée/vie professionnelle ?
Enfin, des pistes de solutions sont également évoquées par les élus eux-mêmes, comme le recentrage de leurs responsabilités, en se délestant des zones de secours, de police et de la gestion de crise. Avez-vous abordé ce sujet avec vos collègues fédéraux ? Est-ce une piste concrète sur laquelle vous travaillez ?
Réponse du Ministre :
“Monsieur le Député, comme vous, je suis évidemment très soucieux des difficulté que les élus locaux rencontrent. Aussi, depuis avril 2022, divers décrets, initiatives et opérations concourent à apporter des réponses à ces difficultés. Nous avons, qui plus est, ici même, en mai 2022, procédé à diverses auditions. Pour ma part, j’ai décidé de mettre en œuvre un plan d’action en plusieurs axes.
Premièrement, une offre de formation de qualité est, et sera, proposée aux agents locaux et aux élus : l’administration locale est évidemment au cœur des politiques locales. La complexification des matières et des législations, ainsi que l’extension des compétences des services publics, nécessitent des agents locaux formés et informés tout au long de leur carrière. En partenariat avec le Conseil régional de la formation et le SPW IAS, agents et élus sont et seront mieux formés et informés. En effet, il faut aussi informer les élus sur leurs droits et devoirs. Mes services travaillent d’ailleurs d’ores et déjà sur des modules d’information à destination de nouveaux élus locaux de 2024.
Deuxièmement, la législation organique wallonne s’est déjà vue simplifiée en 2022 par décret en termes de marchés publics. Un second projet de décret modificatif du CDLD et de la loi organique a été soumis en première lecture ce 26 mai au Gouvernement et traite quant à lui de la simplification des procédures, de l’exercice de la tutelle, du fonctionnement des instances.
Troisièmement, la logique des appels à projets doit être revue. À cet égard, au niveau régional, un accompagnement adéquat est proposé aux pouvoirs locaux pour la constitution des dossiers administratifs. Ainsi, différentes administrations fonctionnelles, dont le SPW IAS, ont d’ores et déjà intégré, dans leurs processus internes, le rôle de conseil et d’accompagnement, par exemple dans le cadre de l’exercice de la tutelle et des appels à projets. À titre d’exemple, vous le savez, je suis un partisan du mécanisme de droit de tirage afin d’assurer une prévisibilité budgétaire et une simplification administrative à travers des process comme le Fonds régional des investissements communaux ou la politique intégrée de la ville. J’ai par ailleurs invité chaque membre du Gouvernement à prendre connaissance du rapport de l’opération #AmbitionsCommunes, initiée en avril 2022, et à mener dans sa sphère de compétence une réflexion quant à son intégration.
Quatrièmement, une fonction publique locale modernisée, offrant plus de souplesse, de réactivité, d’attractivité. Un projet de décret consacrera la mise en place de réserves de recrutement et de mutualisation des plans de formation plus solides, ou plus de souplesse en matière de mobilité et de développement de la carrière. Mi-juin, le Gouvernement sera saisi d’un avant-projet de décret relatif à la matière, fruit d’une concertation avec les praticiens et les organisations syndicales.
Un cinquième axe consiste à mieux protéger les élus. Ainsi, des formations destinées aux nouveaux élus seront préparées pour les aider à l’usage des réseaux sociaux.
Par ailleurs, j’ai interpellé en février dernier le ministre de la Justice afin que soit apportée une réponse pénale aux expressions délictueuses à l’égard des élus et qu’il sollicite le Collège des procureurs généraux afin que, dans l’attente d’une réforme de l’article 150 de la Constitution, les parquets poursuivent les expressions et sollicitent le renvoi de leurs auteurs en cour d’assises.
Enfin, il convient d’enrichir la participation citoyenne. À cet égard, la démocratie participative fait partie de la solution pour renouer le dialogue et dynamiser la fonction institutionnelle. Il faut donc redonner confiance aux citoyens, plus particulièrement aux jeunes. À cet égard, des projets sont sur la table afin de moderniser la législation, maintenir une dynamique participative et toucher le plus large public. J’insiste sur le fait qu’aux élus dévoués, ceux qui veulent bien faire et ceux qui sacrifient parfois du temps en famille pour leur entité, il faut pouvoir garantir l’équilibre entre l’engagement et un exercice serein du mandat. Il y va de la pérennité de notre système démocratique, qui doit pouvoir compter sur les élus locaux et attirer des candidats aux élections afin que les citoyens puissent encore avoir le choix de leurs représentants.”
Je pense qu’il y a une responsabilité de l’ensemble des niveaux de pouvoir pour apporter des réponses concrètes à ces difficultés bien concrètes vécues par les différents mandataires au quotidien. On voit évidemment la responsabilité de la Région wallonne en tant qu’autorité de tutelle. Le Ministre a cité les initiatives qu’il prenait.
On voit aussi, dans ce qui est mis en avant par les mandataires locaux, la question de la relation entre mandataires et autorités supérieures, qui est un travail qu’il faut évidemment poursuivre pour l’améliorer. Des mesures seront aussi nécessaires en complément pour faciliter cet équilibre entre vie privée et vie professionnelle, en particulier avec cette attention pour les femmes, qui connaissent manifestement plus de difficultés, pour leur permettre réellement de s’engager.
Cependant, il est clair que les autres niveaux de pouvoir ont aussi leurs responsabilités. Il y a toute cette question de la responsabilité dans la poursuite des infractions ou des insultes sur les réseaux sociaux. Au niveau du Sénat, je travaille pour l’instant sur une proposition de modification de la Constitution pour permettre une meilleure poursuite des abus sur les réseaux sociaux.
Je crois aussi que toute la question du recentrage des missions des bourgmestres doit être creusée, notamment concernant les zones de secours et sur la gestion de crise. Cela me semble l’une des pistes intéressantes qui ressortaient de l’enquête.
Je termine sur la démocratie participative, parce que c’est l’un des points de la réponse du Ministre qui me semblaient particulièrement intéressants. Je crois aussi que c’est l’une des clés pour rapprocher les citoyens et le monde politique. Je me réjouis donc que l’on puisse avancer sur cette question.