Maintenir Switch Tihange, maillon essentiel pour redéployer le bassin hutois

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Il y a peu, le Ministre wallon de l’Économie, Willy Borsus, remettait en question l’avenir de la Delivery Unit, rebaptisée Switch Tihange et chargée de la reconversion économique de la région hutoise.

Une convention liant le Gouvernement à la SPI et Noshaq prévoit pourtant un financement sur 4 années, du 1er janvier 2021 au 1er janvier 2025, avec une prolongation possible de 2 ans, en vue de travailler non seulement à la reconversion du site de la Centrale nucléaire de Tihange, mais aussi au redéploiement de l’activité économique et au déploiement de nouvelles filières économiques à l’échelle du bassin hutois.

Ce travail s’inscrit donc bien sûr dans la perspective de la transition énergétique, mais aussi dans le nécessaire redéploiement du bassin mosan particulièrement touché ces dernières années par le phénomène de désindustrialisation.

Pour justifier cette remise en cause, le Ministre évoquait la prolongation d’un réacteur sur les trois que compte Tihange.

Le travail de Switch Tihange s’étend toutefois bien au-delà de la prolongation ou non d’un réacteur. C’est toute l’économie régionale qui est concernée, Switch Tihange s’étant rapidement imposée comme un maillon clé dans le redéploiement socio-économique du bassin hutois.

La cellule travaille aujourd’hui en réseau avec de très nombreux acteurs et constitue une pièce maîtresse dans la stratégie de développement de l’arrondissement de Huy-Waremme.

Pour ne prendre que 2 exemples : la cellule coordonne toute la réflexion sur l’économie circulaire à Huy-Waremme et sur la silver economie.

Mais là, les travailleurs de Switch sont inquiets. Ils ne savent pas de quoi leur avenir sera fait vu les incertitudes qui pèsent sur un financement qui était pourtant garanti jusqu’en 2025.

D’où ces questions au Ministre :

  • Quel est l’état des réflexions quant à l’avenir de Switch Tihange ?
  • En quoi la prolongation d’un réacteur change-t-elle la nécessité de travailler à la transition et à la réindustrialisation ?

Réponse du Ministre :

“Monsieur le Député, la principale raison de la mise en place de la Delivery Unit Tihange, rebaptisée Switch, était la fermeture programmée de la centrale nucléaire de Tihange. Switch et ses missions ont été formalisés dans une convention-cadre signée le 13 janvier 2021 et conclue pour une durée de quatre ans à dater du 1 er janvier 2021. Les missions confiées à Switch et reprises dans la convention-cadre sont les suivantes.

Premièrement, la reconversion du site de la centrale de Tihange en coordination avec Engie, une remobilisation des espaces libérés par le démantèlement ainsi que la mobilisation de ceux à lui réserver seront analysées. En fonction du calendrier de démantèlement, des espaces à libérer et des atouts du site, des infrastructures de distribution d’énergie, de propositions d’activités et de nouvelles filières économiques, notamment en matière de production énergétique, seront établies avec Engie pour le site de Tihange.

Deuxièmement, il y aura également le redéploiement d’activités économiques productives sur des sites alternatifs à la centrale. Cependant, compte tenu de la croissance de ces dernières années, du nombre d’indépendants de l’arrondissement et d’une proportion plus faible des entreprises des secteurs économiques de l’industrie et de la transformation – le secteur de l’économie secondaire –, d’autres sites permettant d’accueillir des activités économiques sont à redévelopper. L’étude de la SPI a déjà identifié des sites qui pourront répondre à cet objectif de création d’emplois à l’échelle du bassin hutois.

Troisièmement, le soutien ou le déploiement de nouvelles filières économiques sur le territoire favorisant des activités de services et des emplois avec un ancrage local seront organisés. Depuis lors, le Gouvernement fédéral a décidé de prolonger la durée de vie des centrales de 10 ans, jusqu’en 2035, en conservant deux des sept réacteurs belges, Doel 4 et Tihange 3. C’est une décision très importante que je soutiens concernant le futur énergétique de notre pays. D’autre part, le secteur nucléaire de la production d’électricité représente plus de 10 000 emplois directs, indirects et induits en Belgique. L’Union européenne compte aujourd’hui une centaine de réacteurs en activité dans les États membres : en Belgique, en Espagne, en Finlande, en France, en Hongrie, aux Pays-Bas – avec des projets tout proches de notre frontière –, en République tchèque, en Roumanie, en Slovaquie, en Slovénie et en Suède pour une puissance totale de près de 100 gigawatts. Des projets de construction sont envisagés aujourd’hui dans plusieurs États membres. Certains sont en cours de construction ou en phase de démarrage en Finlande, en France, en Slovaquie ou encore en Hongrie, tandis que d’autres sont envisagés en Bulgarie, en République tchèque, en Lituanie, en Pologne, en Roumanie ou encore aux Pays-Bas. La Suède a elle-même récemment annoncé investir massivement dans l’atome. De son côté, l’Allemagne a fermé ses trois derniers réacteurs nucléaires en avril 2023. Vous connaissez les récentes difficultés que le gouvernement allemand connaît en la matière. La Pologne vient aussi de relancer un programme afin de construire jusqu’à trois centrales nucléaires.

Le 16 mai 2023, lors d’une réunion des pays membres de l’Alliance du nucléaire, ceux-ci ont estimé que, d’ici 2050, l’énergie nucléaire pourrait fournir jusqu’à 150 gigawatts d’électricité grâce à la poursuite d’exploitation des installations existantes en toute sûreté. La construction de 30 à 45 nouveaux grands réacteurs et le développement de petits réacteurs modulaires – les SMR – sont prévus dans l’Union européenne. Cela représente des investissements considérables.

La centrale et le site de Tihange jouent un rôle crucial dans l’économie locale en générant des revenus pour les travailleurs et les entreprises de la région, ainsi que des recettes fiscales et parafiscales pour les collectivités locales. Sa fermeture différée garantit la pérennité des emplois, en tout cas pendant cette période, dans la région hutoise. Notre pays est aussi engagé en ce qui concerne les SMR, par exemple. Le futur nucléaire sera probablement au cœur du débat politique lors de l’année à venir et dans le contexte des prochaines élections.

Le site de la centrale de Tihange appartient par ailleurs à Engie et ce site ne sera pas disponible avant plusieurs dizaines d’années. L’opportunité de redéployer l’activité non liée au nucléaire sur ce site n’est donc pas envisageable à court ou moyen terme. Les besoins de reconversion économique identifiés sont pour moi une priorité concernant l’arrondissement, comme d’autres espaces en Wallonie. Cependant, l’espace de travail de Switch s’est réduit à la suite de la décision de prolongation de la non-disponibilité des terrains d’Engie. Ceci doit nous conduire à une réflexion concernant le devenir de Switch et concernant l’articulation du travail à mener dans cet arrondissement avec des outils existants comme Wallonie Entreprendre, les pôles de compétitivité et l’AWEx. Cela ne doit pas seulement se faire au départ d’une structure temporaire. Je souligne la qualité du travail de Switch. Je souligne la volonté de continuer à déployer les efforts pour la création d’activité économique, mais avec la prolongation du nucléaire, on doit se questionner concernant la pertinence de la structure.”

Je note le plaidoyer pronucléaire du Ministre, mais je crois que ce n’est pas le débat ici. Pour moi, il n’y a rien de neuf. La prolongation d’un réacteur, c’était déjà une des hypothèses qui était sur la table au moment de la création Switch. L’arrêt de la cellule, avant même la fin de sa mission, serait absolument dramatique pour la région hutoise. Je sais que le Ministre est un homme de bon sens, quelqu’un de pragmatique.

Je crois vraiment que personne aujourd’hui ne peut se remettre à nouveau la tête dans le sable comme on l’a fait depuis 50 ans sans jamais préparer l’avenir. On parle ici d’une équipe de quatre travailleurs qui font un travail incroyable. Ils ont réussi à mettre en réseau de nombreux acteurs socioéconomiques, à créer une véritable dynamique, à créer des projets, à mobiliser tout un arrondissement autour de ce qu’ils mettent en place. Ils ont développé une réelle expertise. Je crois qu’on ne peut pas jeter tout ce travail indispensable à la poubelle.

La prolongation d’un réacteur, alors qu’il y en a quand même deux qui vont fermer (c’est déjà le cas d’un), ne change rien à la nécessité de préparer l’avenir.

La relance de l’économie et la réindustrialisation de l’arrondissement restent absolument nécessaires. On ne peut pas tout miser sur des technologies qui seront peut-être prêtes dans 20 ou 25 ans, qui vont coûter des dizaines de milliards d’euros et qui vont nécessiter de raser la moitié de Tihange. Je crois qu’on doit être réaliste par rapport à ce qu’on a entre les mains et faire confiance à ces acteurs qui travaillent pour développer des projets à Tihange et dans la région hutoise et donc vraiment travailler à ce redéploiement, cette réindustrialisation de la vallée.

On ne doit pas refaire les mêmes erreurs que par le passé. Et j’encourage vraiment le Ministre à maintenir Switch, en réorientant peut-être ses missions, pour redéployer le bassin hutois.