Ils étaient 3325 en 2014, ils n’étaient plus que 2556 en 2021. Ce sont les chiffres d’inscription dans les bacheliers d’« infirmier responsable de soins généraux ». Cela représente une baisse d’un peu plus de 23 %. En moins de 10 ans c’est donc près d’un quart d’inscrit en moins dans une filière essentielle à notre système de soins de santé. Une légère remontée a certes eu lieu après le covid mais nous restons toujours bien loin du taux d’inscription de 2014.
Bien que cette baisse d’inscription n’explique qu’en partie la pénurie que nous connaissons à l’heure actuelle, il n’y a aucun doute qu’elle aura des effets néfastes sur le long terme ainsi que sur les conditions de travail de ces futurs professionnels.
Cette situation pose de nombreuses questions quant à la formation elle-même, son attractivité, mais aussi quant aux conditions de travail des futurs infirmiers.
Le directeur de l’EPHEC santé Bruxelles pointait ainsi récemment comme cause la réputation de la profession qui ne met en avant qu’une partie de la réalité du métier. Pour lui, la profession est mal connue et certains aspects comme la coordination des soins d’une personne et la défense de celle-ci dans le système ne sont pas suffisamment mis en avant. C’est un point important à prendre en compte dans nos réflexions.
Certes, les conditions de travail et la revalorisation de la fonction relèvent du Fédéral, mais la Fédération Wallonie-Bruxelles a un rôle à jouer dans la qualité des études et dans l’information des futurs étudiants sur la réalité du métier pour en éviter une vision tronquée et incomplète.
D’où ces questions à la Ministre de l’Enseignement supérieur, Françoise Bertieaux :
- Quelles causes expliquent cette baisse d’inscription ? Dans quelle proportion les chiffres réaugmentent-ils ces dernières années ?
- A-t-elle rencontré des doyens ou doyennes de faculté pour évoquer la question ?
- Quelles sont les pistes envisagées, en collaboration avec les établissements, pour répondre à cette baisse ?
- Des échanges ont-ils lieu avec le Ministre fédéral de la santé dans l’optique d’adopter une approche transversale de la question ? Où en sont les discussions relatives au plan d’attractivité du métier ?
Réponse de la Ministre :
“Monsieur Demeuse, je ne vais pas me livrer à une guerre des chiffres avec vous. Mes informations diffèrent des vôtres et attestent précisément ce que j’ai voulu démontrer: le nombre d’inscriptions reste en baisse et nous sommes pour le moment dans l’incapacité de le faire remonter. Je rappelle que ces chiffres ne tiennent pas compte des inscriptions dans l’enseignement obligatoire ou dans l’enseignement de promotion sociale, qui offrent également des programmes de formation en soins infirmiers. La baisse du nombre d’inscriptions demeure préoccupante et le phénomène doit absolument être analysé. C’est pourquoi j’ai décidé de rencontrer tous les établissements d’enseignement supérieur qui organisent cette formation pour essayer de comprendre les facteurs qui expliquent cette baisse continue et, surtout, pour réfléchir aux solutions potentielles. Je vais également constituer un groupe d’experts, par le biais de l’ARES et de sa commission paramédicale, afin de travailler sur les mesures qui devraient être envisagées. La pénurie dans ce métier n’est pas liée à un manque d’offre de formations. Celles-ci existent bel et bien, elles ne sont pas contingentées et ne connaissent pas de limitation d’accès. D’après deux études récentes, depuis la crise sanitaire, on observe une spirale de plus en plus rapide de désertion chez les soignants qui ne trouvent plus de sens aux tâches qui leur sont demandées. Cette pénurie a un impact direct sur les étudiants en soins infirmiers. Lorsqu’il effectue son stage, l’étudiant doit bénéficier d’un accompagnement minimal de la part du personnel soignant en place. Or, de nombreux étudiants se plaignent du fait qu’ils ne reçoivent pas cet accompagnement. D’autres facteurs expliquent le manque d’attractivité de la filière, tels que la lourdeur de la profession ou l’image de celle-ci rapportée par les médias. Ces éléments freinent l’engagement des jeunes dans cette formation. Sur ce dernier point, je rappelle que la directive européenne 2013/55/UE modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur («règlement IMI») prévoit une formation de 4 600 heures, dont 2 300 heures de pratique en contact direct avec la personne soignée. Concernant les conditions des stages, nous avons instauré une convention-cadre qui permettra un meilleur accompagnement des étudiants grâce à des modalités d’encadrement pédagogique renforcées. Je ne suis pas naïve pour autant. Je suis bien consciente aussi que, dans les services où le personnel est déjà débordé par le manque d’effectif, les modalités d’encadrement ne sont pas à la hauteur de ce qui est demandé dans la convention-cadre. Pour augmenter le nombre d’inscrits dans cette filière, il sera impératif d’analyser tous les facteurs influençant les vocations et la volonté de rester dans le métier.”
La Ministre confirme la baisse continue du nombre d’inscrits. Le constat semble implacable. Elle a raison de rappeler les progrès accomplis. La convention-cadre visant à encadrer les stages est un pas important. Il faut toutefois s’assurer de sa mise en œuvre et évaluer le dispositif pour l’améliorer. J’attends avec impatience les conclusions du groupe d’expert de l’ARES. Je la remercie pour cette initiative extrêmement positive. J’espère aussi qu’un dialogue sera établi avec le gouvernement fédéral, car l’attractivité des études est liée à l’attractivité du métier.