Je tenais à revenir sur le dossier des marchés d’huissiers dans le cadre du recouvrement des taxes régionales, afin de faire toute la lumière nécessaire.
En effet, une certaine opacité semble régner sur ces marchés à plusieurs centaines de millions d’euros, pour lesquels, conformément à une pratique vieille de plusieurs années, il est procédé par conventions de collaboration.
Cela signifie que les procédures de marchés publics classiques ne sont pas appliquées et que l’administration pourrait, apparemment, décider d’attribuer plus ou moins de dossiers à certains huissiers plutôt qu’à d’autres.
En séance plénière, le Ministre du Budget, Adrien Dolimont, indiquait vouloir clarifier les critères qui ont été définis pour l’attribution de ces dossiers. Il a adressé une note verte à l’administration afin d’obtenir un détail des critères d’objectivité mis en place pour l’attribution et la répartition territoriale qui en découlent.
D’où ces questions :
- Quels sont les résultats de votre enquête ?
- Comment justifie-t-il l’absence de marchés publics dans l’attribution des marchés d’huissiers ? Comment éviter tout favoritisme vu l’absence de mise en concurrence ?
- Sur base de quels critères a été définie l’attribution des dossiers ? Quelle est la répartition territoriale qui en découle ?
- Surtout, quelles mesures correctrices prend-t-il à présent ? Comment assure-t-il toute la transparence dans ce dossier ?
Réponse du Ministre :
“Monsieur le Député, suite aux articles parus récemment dans la presse, mon administration a d’initiative souhaité démontrer le caractère diffamatoire des allégations qui y étaient portées et mettre en lumière l’organisation du recouvrement fiscal régional via les huissiers de justice. Pour bien comprendre la genèse du système utilisé actuellement, je vais tout d’abord vous rappeler le contexte historique. Jusqu’en 2014, l’ancienne DGO7 faisait appel aux services des huissiers de justice dans le cadre du recouvrement de ses créances fiscales via un système de protocole de collaboration signé avec sept huissiers centralisateurs et des huissiers de terrain. Certains huissiers avaient dénoncé ce système non égalitaire. Suite à cela, l’administration fiscale wallonne avait décidé de passer, fin 2014, un marché public pour distribuer ses dossiers à des huissiers adjudicataires sur 12 lots territoriaux et ainsi tenter de garantir une meilleure égalité entre les huissiers. À l’instar de ce qu’avait connu la Région flamande, ce marché public wallon s’est vu attaqué par les huissiers écartés lors de l’attribution de marché. Après deux tentatives d’attribution infructueuses et compte tenu de la reprise au 1er janvier 2014 de la taxe de circulation en provenance de l’administration fédérale, il était devenu urgent de dégager une solution durable. Ainsi, l’administration a décidé en concertation avec la Chambre nationale des huissiers de justice de mettre en place un système alternatif. Ce fut nécessaire afin, notamment, d’endiguer tout risque de prescription des créances fiscales transférées. En 2015, l’administration fiscale régionale est donc passée à un système de conventions de collaboration, limité dans le temps et ouvert à tous les huissiers désireux de travailler avec la Région wallonne. C’est bien ici que résidait et réside toujours la clé de la transparence du système. Il concerne bien TOUS les huissiers wallons qui souhaitent travailler avec la Région wallonne. Tout huissier volontaire est ici accepté sans aucune autre exigence que d’être apte à assumer un recouvrement de qualité, tant pour l’administration que pour les redevables poursuivis. Ce système de convention est toujours en vigueur actuellement, soit plus de huit ans après sa mise en route. Le principe est basé sur une répartition égalitaire des dossiers entre huissiers par lot territorial, à savoir les arrondissements judiciaires, et sur une évaluation annuelle du recouvrement effectué par les huissiers. Celle-ci tient compte aussi bien du taux et de la vitesse de recouvrement que des coûts à charge de la Région wallonne et des débiteurs. Ainsi, le taux de recouvrement à atteindre est différent selon le territoire couvert par les huissiers sur base de la réalité du tissu socioéconomique concerné. Imaginé en tant que solution temporaire à l’époque, le système des conventions a été jugé si intéressant tant par l’administration que par la grande majorité des huissiers wallons qu’il a été pérennisé et reconduit par cycles de deux ans, et ce depuis 2015. Actuellement, 97 % des huissiers wallons ont signé la convention, soit plus de 200 huissiers, ce qui démontre notamment la large adhésion aux principes. Afin de garantir la transparence du système, la répartition égalitaire des dossiers est contrôlée régulièrement par la cellule d’audit du SPW Finances et celle-ci est indépendante du département du recouvrement qui gère les relations directes avec les huissiers de justice. Par ailleurs, mon administration m’indique que dès cette année 2024, deux mesures vont être mises en œuvre qui lèveront tout potentiel doute sur l’équité du SPW Finances sur ce sujet, et ceci, je le précise, à sa demande. Tout d’abord, la répartition des dossiers ainsi que les évaluations des huissiers seront annuellement communiquées à mon cabinet. Ensuite, ces évaluations annuelles menées par l’administration seront ponctuellement réalisées en présence d’observateurs externes afin de garantir une objectivité maximale. Enfin, pour garantir une transparence totale et faire la démonstration de la probité de ces agents et des processus mis en œuvre par ceux-ci, le directeur général du SPW Finances a décidé de solliciter dès à présent une évaluation externe du processus de répartition des dossiers entre huissiers wallons pour assurer la maîtrise du processus et l’atteinte des objectifs d’impartialité qui ont été fixés. Celle-ci sera effectuée par le service commun d’audit de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie.”
On voit que ce n’était effectivement pas un long fleuve tranquille depuis le début des difficultés rencontrées pour tenter de mettre en place un marché public, jusqu’au dernier rebondissement. Je remercie le Ministre pour les éclairages liés aux mesures complémentaires qui sont annoncées. L’enjeu, c’est effectivement de pouvoir faire toute la transparence. J’entends ici les mesures prévues en termes de communication annuelle au cabinet d’observateurs externes pour objectiver au maximum, et d’évaluation externe avec le service commun d’audit. Il me semble que ce sont des mesures qui vont dans la bonne direction. Je fais évidemment confiance au Ministre pour suivre cela de près et on le fera également de notre côté. En tout cas, je pense qu’il faut prendre ce dossier au sérieux et on continuera à y rester attentif.