Budget 2023 : la Ville de Huy sous oxygène artificiel mais en manque de souffle et de vision

Retrouvez mon intervention sur le budget 2023 de la Ville de Huy :

  • Un débat important

Ce débat budgétaire est important. Sans doute plus encore cette année que les autres. On sait que la Ville est confrontée à des défis énormes, comme pour toutes les communes, mais en devant en plus faire face au défi de la transition nucléaire. Et ça appelle à une prise de responsabilité de l’ensemble des forces vives qui se trouvent ici autour de la table et en dehors.

Comme chaque année, je voudrais, avant d’entrer dans le vif du sujet, remercier le service des finances et le directeur financier pour la réalisation de ce budget, dans un contexte plus incertain et difficile que jamais. On se rend donc bien compte de l’ampleur du travail que cela représente.

  • Un contexte plus difficile que jamais

La crise de l’énergie nous frappe de plein fouet, comme toutes les autres communes, avec une explosion des charges, pour 1,2 million, en particulier dans les écoles et les fabriques d’église – j’y reviendrai. La Ville doit aussi, très légitimement, assumer les multiples indexations générées par l’inflation. 

Les dotations à la zone de police et la zone de secours augmentent aussi fortement, tout comme le soutien nécessaire à toute une série d’organes qui dépendent de la Ville.

Et là, je vise en particulier le CPAS qui voit arriver de très nombreuses personnes en demande d’aide pour faire face à la crise. Et ça ne va malheureusement faire que s’aggraver l’an prochain. Le million d’euros de dotation supplémentaire est donc plus que bienvenu pour soutenir la population dans cette tempête et on tient vraiment à le saluer positivement.

  • L’équilibre atteint grâce au Plan Oxygène

Et dans ce contexte, je pense qu’on peut sincèrement se réjouir que le budget qui nous est présenté ce soir soit à l’équilibre, malgré les difficultés que je viens d’évoquer.

Mais ne soyons pas naïfs, si vous y parvenez, c’est grâce à une série de moyens extérieurs qui permettent de garder la tête hors de l’eau.

C’est d’abord le fonds des communes qui augmente de 500.000 €. Ce sont aussi les 1,75 millions d’euros supplémentaires que l’on va recevoir à l’IPP grâce au changement comptable du fédéral qui nous permet de toucher 14 mois au lieu de 12 en 2023. 

Mais ces 2 millions supplémentaires pour 2023, ils ne sont pas structurels. C’est un one-shot ! Ils ne seront plus là en 2024. Or, ici, je vous avoue que ça m’inquiète un peu qu’ils soient utilisés pour combler le déficit global de la Ville. Ca veut dire que sans eux l’an prochain, ça s’annonce extrêmement difficile.

Et puis surtout, il y a le Plan Oxygène. En 2023, on va aller emprunter 6,96 millions € pour alimenter nos dépenses courantes et le nouveau fonds Oxygène qui est créé. 

Disons-le dès lors clairement : ce plan Oxygène, c’est la seule chose qui permet à ce budget d’être en boni ! Sans lui, la Ville serait dans le rouge. 

Et malheureusement, ce sont des emprunts que l’on devra rembourser (même si 15% du capital et les intérêts sont pris en charge par la Région). Ca permet donc d’étaler les efforts dans le temps, mais on ne peut pas se reposer uniquement là-dessus. Parce qu’à l’heure actuelle, l’équilibre est artificiel ! Et il faut éviter les fanfaronnades et rester très prudents.

C’est un peu comme quelqu’un qui rentre chez lui en annonçant à son conjoint qu’il vient de perdre son travail mais que tout va bien car il vient de faire un énorme emprunt !

Car si on regarde le boni cumulé, c’est-à-dire la somme de tous les résultats annuels depuis que la commune existe, il s’effondre à zéro ! A part les provisions constituées ces dernières années dans le fonds nucléaire, ça veut dire qu’il ne reste en fait rien de toutes les années qui ont précédé dans l’histoire de la Ville. Rien des 50 ans de rentrées du nucléaire qui nous ont pourtant rapporté 15 millions d’euros chaque année en plus que toutes les autres communes. Vous avez tout simplement tout dépensé.

Et malheureusement, lorsqu’on regarde les projections au-delà de 2023, les dépenses seront vite plus importantes que les recettes, dès 2024, avec un écart qui s’agrandit très rapidement, sans que rien ne soit fait pour réellement anticiper ça. Ca reste inquiétant.

Mais heureusement donc, le plan Oxygène permet de présenter les choses de manière un peu enjolivée. 

  • De futures recettes incertaines et des taxes supplémentaires

Heureusement aussi, on peut enfin compter sur cette fameuse taxe sur le stockage des déchets radioactifs qu’on appelait de nos vœux depuis des années et qu’on a votée au dernier conseil. Vous estimez son rendement à 5,262 millions. Rappelons que c’est donc 1 million de plus que ce qui était prévu, grâce à la contribution de l’opposition (via le relèvement du taux et l’indexation). 

J’ai quand même une question par rapport à cette taxe : vu qu’elle sera d’application à partir du 1er janvier mais que l’entrepôt de stockage ne sera construit qu’au milieu de l’année, quelle est la part générée par les piscines ?

On sait surtout que la sécurité juridique de cette taxe n’est pas encore garantie et, plus fondamentalement, que la convention de sponsoring d’Engie, pour laquelle vous prévoyez une recette de 3,5 millions en 2023, prévoit de ne pas changer la fiscalité. Dès lors, est-ce que vous avez la confirmation d’Engie qu’ils vont maintenir cette convention ? Sinon, ça fait 3,5 millions au budget qui ne sont pas du tout garantis…

Toujours en parlant de taxes, j’avoue avoir été surpris de lire dans la presse que vous indiquiez qu’il n’y avait pas d’augmentation de taxes. Alors, c’est vrai à l’IPP et au précompte immobilier, et on ne peut que s’en réjouir. Mais on a bien vu, lors du plan de gestion et du conseil du mois d’octobre, que vous avez voté une litanie d’augmentations de taxes, parfois sans aucune réelle logique, comme sur les parcelles non-bâties, sur les inhumations ou sur l’absence d’emplacement de parcage…

Ca ne sert à rien d’être plus long là-dessus, mais je voulais quand même que la vérité soit complète.

  • Une série de mesures positives à saluer

En revanche, puisqu’on évoque le Plan de gestion, je me réjouis vraiment que vous soyez revenus sur votre volonté de supprimer les 3 jours de congé au personnel communal. C’était une mesure très violente ! Et je suis vraiment heureux que la mobilisation de l’opposition ait servi et que vous ayez finalement fait marche-arrière. Je tenais à saluer ce choix.

Tant qu’à parler des mesures positives, il y en a une série dans ce budget. C’est notamment le cas de l’augmentation des moyens d’actions contre la toxicomanie, du budget pour les chèques taxis (même si on plaide toujours pour un vrai taxi social), des efforts en frais de correspondance et de téléphone, et surtout du développement programmé d’une application Ville de Huy, comme on le propose depuis longtemps. C’est une excellente nouvelle !

  • Un manque de souffle et d’impulsion

A part ça, à l’ordinaire, il n’y a finalement, une nouvelle fois, pas de grande différence avec les autres années. C’est à nouveau globalement un copié-collé, qui tient certes compte du contexte, mais on a davantage l’impression d’une réaction aux évènements que d’une action pour changer la vie quotidienne des Hutois.

On ne voit toujours pas l’impulsion d’une politique nouvelle en matière sociale (alors que des gens dorment dehors par moins 5), de climat, de participation citoyenne. Alors que la plupart des communes s’y mettent, même les plus petites, on ne trouve toujours pas trace du moindre budget participatif… 

On ne trouve toujours pas non plus de voitures partagées, de plans de mobilités par quartier, de moyens pour la mise en œuvre du plan climat…

Il y a par contre une série d’abandons ou de réductions qu’on regrette. C’est le cas de la prime pour vélos électriques qui est supprimée purement et simplement (on parlait pourtant de 10.000€ seulement). La prime pour la rénovation des surfaces commerciales avait été doublée l’an dernier, elle est ramenée à la moitié, sans qu’on n’ait vu une vraie volonté d’améliorer le système pour le rendre plus attractif. La promotion économique est divisée par deux également… 

  • Les vieux projets mammouths qui font exploser la dette

Dans les investissements à l’extraordinaire, il n’y a pas non plus beaucoup de surprises. On trouve de nouveau beaucoup de reports, comme d’habitude.

Et ce sont principalement à nouveau les mêmes gros projets que ceux qu’on nous annonce depuis 5 ou 10 ans. A vous entendre, cette fois-ci, ce serait la bonne (comme l’an dernier d’ailleurs…). 

J’ai lu qu’on allait enfin terminer le téléphérique, la piscine, l’esplanade Batta. Je ne peux que l’espérer. Même si on devient un peu comme Saint-Thomas : on attendra de le voir pour le croire puisqu’on nous l’annonce depuis des années. On verra donc à l’autopsie. Car on a appris à se montrer prudents : les délais ont complètement explosé. Mais surtout les coûts ont eux aussi explosé. C’est en particulier le cas du téléphérique où on sera à 16 millions au lieu des 11 annoncés initialement.

Et ces projets mammouths engendrent évidemment une dette qui augmente considérablement, de plus de 25% en 2023, avec 1 million en plus à supporter en charge de dette pour cette année, et ça va continuer dans les prochaines années… C’est énorme, et c’est bien plus que d’autres communes voisines. 

On investit, on investit jusqu’au maximum, jusqu’à plus soif, dans un contexte extrêmement compliqué, et encore plus pour la Ville de Huy.

Tout ça, ce sont évidemment des choix. C’est le choix d’utiliser la balise d’emprunt jusqu’au maximum et d’investir à tout prix dans des gros projets, parfois mammouths, alors qu’il y a peut-être un juste milieu à trouver. Surtout vu le contexte.

Juste une comparaison : l’esplanade et le téléphérique, rien que cette année, c’est 6 fois plus d’investissements que dans les bâtiments scolaires ! 

  • Certains investissements positifs

Mais je veux quand même également souligner certains investissements très positifs qui servent directement les Hutois et qui créent, là, une réelle plus-value sociale, économique mais aussi en termes d’économies.

C’est le cas de la rénovation des gares de Statte et de Saint-Hilaire pour accueillir le Cwerneu, et de l’ancienne maison de quartier de Ben pour l’Académie des Beaux-Arts.

Ce sont aussi les investissements pour le vélo, grâce aux subsides du Ministre Henry. 

Ce sont encore les 100.000€ investis dans des panneaux photovoltaïques. 

  • Des alternatives possibles

A ce propos, c’est vraiment l’occasion de réfléchir à la mise en place de communautés d’énergies renouvelables. 2023 doit être l’année pour monter le projet, afin qu’il soit prêt en 2024. Je ne vois pas de budget pour ça. C’est dommage. Mais je veux vraiment rappeler qu’il y a là une opportunité énorme, tant pour réduire la facture de la Ville que celle des Hutois, et que la Ville a un rôle à jouer ! Donc j’espère que même en l’absence de ligne budgétaire spécifique, la Ville avancera dans cette direction, notamment grâce à ces nouveaux panneaux photovoltaïques.

Par contre, je vous avoue que je suis assez surpris de ne pas retrouver de réels investissements dans des travaux économiseurs d’énergie, en termes d’isolation. Il y a bien quelques toitures rénovées. C’est un premier pas, mais ça m’apparaît très faible par rapport à l’enjeu immense que représentent les coûts de l’énergie. 

On ne dispose d’ailleurs toujours pas de cadastre des travaux d’économie d’énergie à réaliser dans les bâtiments communaux. Est-ce qu’il est enfin prévu d’en réaliser un ?

Alors, vous allez encore nous dire : oui, mais vous critiquez et vous ne proposez pas de solutions. 

Je viens de parler des communautés d’énergie, établir un vrai cadastre des investissements économiseurs d’énergie et les prioriser avec un plan de rénovation… Voilà déjà des pistes d’actions complémentaires ou alternatives. On sait qu’il y a aussi l’enjeu des fabriques d’église. Monsieur Collignon a évoqué à la TV une réflexion sur l’usage des égalises et une éventuelle réorganisation. Où en est cette réflexion ?

Et puis il est aussi possible de mettre en œuvre des réformes structurelles complémentaires : réfléchir à l’efficacité de la monozone de police et de deux commissariats, taxer le démantèlement nucléaire et également le contenu des déchets, respecter les balises du CRAC en termes de fonctionnement et de personnel, réfléchir sérieusement à l’opportunité d’investir sur fonds propres jusqu’au maximum de la balise, de mettre des centaines de milliers d’euros dans des caméras qui ne servent pas…

Et on rappelle notre disponibilité pour réfléchir à tout cela avec vous.

Mais surtout, pour terminer, j’ai envie de rappeler une nouvelle fois qu’on n’est pas toujours obligés de dépenser des dizaines de millions d’euros pour changer concrètement la vie des Hutois. Il n’y a pas que le bling-bling qui compte. 

Il n’y a pas qu’un téléphérique à 16 millions qui fait venir les touristes. C’est aussi un marché des artisans dont on fait la publicité et où il ne leur pleut pas dessus. C’est aussi une ville où on se sent en sécurité, une ville propre, une ville où il fait bon vivre.

Quelques petites politiques du quotidien, qui ne coûtent pas très cher, peuvent réellement donner une impulsion et tout changer en termes d’attractivité et de bien-être des Hutois. Pour ça, il faut juste faire preuve d’un peu d’imagination, en faisant confiance au personnel, sans se contenter de gérer les acquis et de dépenser jusqu’à plus soif dans des projets pharaoniques qui font joli à la veille des élections.