Les signaux qui nous parviennent quant à l’état psychologique de nos étudiants sont de plus en plus inquiétants.
Isolement, sentiment d’enfermement, précarité, fracture numérique, difficultés pour travailler, se concentrer, pertes des stages et des apprentissages, fatigue numérique, disparition de la vie étudiante, perte de motivation, perte de sens, évaluations anxiogènes,…
Les témoignages d’étudiants confinés en difficulté se multiplient. Au bout de plusieurs mois de cours en visio-conférence, les étudiants sont fatigués et découragés, et ils sont perdus face à l’absence de perspectives.
Les professeurs sont chaque jour plus nombreux à alerter sur cette succession de problèmes qui isolent et précarisent leurs étudiants (cartes blanches dans la presse, et plusieurs pétitions pour rouvrir les auditoires circulent).
Contraints d’assurer leurs cours à distance, les enseignants se transforment souvent en confidents de jeunes fragilisés. Une situation difficile pour les profs aussi donc, car comment placer la limite entre ce qui fait partie de leur job d’enseignant et ce qui relève du travail d’un professionnel de la santé mentale ou de la médecine préventive ?
Les étudiants ont fait plus que des efforts, ils ont fait des sacrifices face à des choix sanitaires qui ne tenaient pas forcément compte de leur situation : la notion de bulle ne s’adapte en effet pas au mode de vie communautaire des étudiants, et tous n’ont pas l’opportunité de retourner au sein d’un noyau familial.
Les étudiants sont des adultes en construction, et leur solitude a un effet dramatique sur leur développement social. On leur demande d’assumer une responsabilité extrêmement forte face à la pandémie et nous ne soulignons pas assez que la majorité d’entre eux respectent les mesures, comprennent l’ampleur de la tâche, et veulent prêter main forte.
Les services d’accompagnement psychologique font, eux aussi, un travail admirable, mais ils sont noyés par les demandes de prise en charge en urgence. Il est de notre devoir d’entendre ce cri de détresse et d’offrir des perspectives aux jeunes, à court, moyen et long terme, comme le préconisent unanimement les experts.
Mais cela ne peut se faire n’importe comment. Car, dans le même temps, on sait à quel point la situation est fragile, à quel point l’ensemble de la société souffre et à quel point il faut maintenir l’épidémie sous contrôle jusqu’à la libération promise par la vaccination.
D’où ces questions adressées à la Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny :
- Quel est le « taux de décrochage » observé lors de cette session de janvier ? Disposez-vous de retours chiffrés et comparés aux années précédentes en termes de participation à ces évaluations ?
- Quelles mesures prenez-vous pour offrir des perspectives aux étudiants et garantir leur adhésion à ces mesures ? Un retour progressif au présentiel dans les établissements d’enseignement supérieur est-il envisageable tout en garantissant la sécurité sanitaire ? A quelle échéance ? Comment travailler au respect des mesures à la fois dans les auditoires mais aussi en dehors ?
- Plusieurs professeurs qui s’expriment dans la presse estiment notamment qu’il est possible de définir un protocole de reprise d’activités de manière sécurisée, en utilisant des tests rapides de qualité, les laboratoires universitaires, ainsi que les capacités d’étude et de suivi multidisciplinaires au sein des universités. Quel est votre positionnement sur ces tests rapides mis au point par plusieurs de nos universités ? Est-il possible de mettre ce protocole en place rapidement ?
- Quelles recommandations le groupe d’experts « Psychologie et Corona » énonce-t-il ? Qu’en est-il de l’idée des bulles alternatives pour remplacer les bulles familiales actuelles ? Est-ce possible à mettre en place, et rapidement, selon vous ?
- Et enfin, en cas de nouvelles mesures plus restrictives, comment la situation spécifique des jeunes sera-t-elle prise en compte ?
Je tiens à saluer les mesures importantes qui ont été prises ainsi que les montants élevés qui ont été débloqués pour venir en aide aux étudiants : 8 millions d’euros, dont 6 destinés à l’aide à la réussite pour les étudiants de première année de bachelier et 2,285 pour renforcer les subsides sociaux.
Au-delà de ces moyens, il me semble important de réfléchir à l’avenir et d’offrir des perspectives. L’idée d’une bulle “kot” est intéressante ; on pourrait élargir cette idée à une bulle “jeunes”. Du moins, il faudrait réfléchir à la question de cette façon-là, car beaucoup d’étudiants ne sont pas en kot.
C’est une mobilisation générale qu’on doit construire avec les jeunes. Je suis rassuré d’entendre qu’il seront intégrés à cette réflexion. J’invite l’ensemble de mes collègues à réfléchir collectivement à la création d’une forme de baromètre ou de scénario qui serait construit avec les jeunes et les étudiants selon l’évolution de la situation.
Je pense que c’est l’une des pistes que l’on doit creuser pour que tout le monde sache vers où on va en fonction de l’évolution épidémique. Cela permettrait aussi d’éviter de créer de faux espoir. Il y a un risque de perte d’adhésion si on ne s’inscrit pas dans ce type de dynamique. Il s’agit toujours d’ouvrir les vannes d’un côté tout en gardant l’attention sur la situation sanitaire. Il faut néanmoins donner une bouffée d’air à la jeunesse.
Il y aura encore des débats dans les prochains jours sur cette question, et nous ne manquerons pas d’y revenir.