La problématique des numéros INAMI est un sujet qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et qui revient chaque année à la une de l’actualité, avec des étudiants qui se retrouvent pris en otage par des considérations politiciennes et idéologiques.
Mais ce ne sont pas juste les étudiants qui sont pris en otage, c’est la santé de l’ensemble des Belges, en particulier des Bruxellois et des Wallons confrontés à une pénurie de médecins sans précédent et à une nouvelle vague de coronavirus. Et ce alors que le personnel médical fait déjà cruellement défaut.
Et malgré ce contexte, le Ministre fédéral de la Santé exige aujourd’hui que la FWB mette en place un concours limitant encore l’accès aux études de médecine. Afin, selon lui, de garantir la revalorisation du quota INAMI francophone de 505 à 550 en 2027 et sans autre contre-partie.
En décembre dernier, la Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny, indiquait à ma collègue n’avoir pas reçu de mandat du Gouvernement afin de négocier avec le Fédéral à ce sujet. La Ministre Glatigny précisait alors une série d’éléments qu’elle espérait obtenir, sans que de réelles garanties existent.
La question n’est pourtant pas de savoir si une négociation sera nécessaire, mais bien de savoir sur quelles bases cette négociation doit être menée.
Or, démarrer cette négociation en acceptant la mise en place d’un concours, sans la moindre garantie pour les étudiants, si ce n’est 50 numéros INAMI en 2027, serait dramatique à la fois pour nos étudiants et pour nos soins de santé.
C’est ce qu’ont dénoncé de nombreux acteurs ces dernières semaines (FEF, Syndicats, étudiants en médecine…). C’est également dans ce sens que s’est exprimée l’ARES qui, en décembre, s’est positionnée pour rejeter une sélection plus forte au niveau de l’examen d’entrée en médecine.
D’autres bases de discussion qu’un concours doivent être exigées.
Notamment la mise en œuvre de l’accord de Gouvernement fédéral, qui prévoit une évaluation des besoins objectifs en concertation avec les entités fédérées. Pour cela, l’organe interfédéral annoncé doit être mis sur pied rapidement, afin de formuler des avis à l’attention des ministres fédéraux et des entités fédérées compétents en fonction des besoins objectivés des territoires.
Sans cet organe, impossible de prendre sérieusement des décisions aux impacts immenses. Priver des générations de praticiens supplémentaires à l’avenir conduit à limiter l’accès aux soins et pourrait affaiblir cette première ligne si vitale.
Les Régions ont également un rôle majeur à jouer dans l’identification des pénuries et des besoins des populations en matière d’offre de soins, raison pour laquelle cet organe interfédéral est si fondamental. On notera d’ailleurs que la Ministre Wallonne de la Santé, Christie Morreale a indiqué que la mise en place d’un tel concours est le contraire de ce qu’il faudrait faire.
Par ailleurs, sans revenir sur les aspects juridiques problématiques du mécanisme pour l’instant envisagé par le Ministre de la Santé en termes de répartition de compétences, il est fondamental de mettre en avant les efforts de responsabilisation déjà fournis par la Fédération.
Via l’examen d’entrée bien entendu.
Mais également via le lissage négatif, via la mise en place de la commission de planification communautaire qui vient tout juste de s’installer et qui permettra d’affiner les besoins de notre territoire.
D’autres efforts sont certainement nécessaires, notamment dans l’orientation des étudiants pour favoriser les vocations dans les spécialités en pénurie, dont la médecine générale. Mais il faut permettre à ces outils de travailler.
Autre enjeu : celui du nombre d’étudiants non-résidents, limités à 30%. C’est un axe de travail, notamment pour déterminer plus finement le nombre de médecins qui, une fois diplômés, quittent le territoire belge (ou y arrivent pour pratiquer).
Une chose est sûre : dans le contexte de crise que nous vivons, assumer de nouvelles restrictions d’accès aux études apparaît indéfendable vis-à-vis de la population. Et mettre en place un concours aggravera la pénurie et enverra un signal délétère alors que le secteur des soins doit impérativement susciter des vocations.
D’où ces questions adressées à la Ministre Glatigny :
- Quel est désormais le message que vous adressez au Fédéral ? Avez-vous mené des concertations avec les autres entités fédérées concernées?
- Exigez-vous la mise en place rapide de l’organe interfédéral annoncé dans l’accord de gouvernement Fédéral ? Souscrivez-vous également à la nécessité qu’il remette ses analyses afin d’aboutir sur une décision fondée ?
- En pleine crise sanitaire, qu’en est-il de la possibilité de sortir la médecine générale et les spécialités en pénurie des quotas, comme l’autorité fédérale l’avait déjà fait en 2020 pour les spécialités en pénurie ?
- Que mettez-vous en place pour à la fois défendre nos étudiants, actuels et futurs, avec toutes les garanties nécessaires, mais aussi la santé publique en Fédération Wallonie-Bruxelles ?
Dans sa réponse, la Ministre indique notamment que “le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a décidé d’adresser un courrier au Ministre fédéral Vandenbroucke le 23 décembre dernier. Dans ce courrier, le gouvernement indique regretter que, complémentairement aux décisions fédérales du mois de juillet, les orientations prises par le gouvernement fédéral trouvent une nouvelle concrétisation dans un projet de loi portant diverses dispositions urgentes en matière de santé, voté par la commission de la Santé le 8 décembre dernier et débattu en ce moment à la Chambre des Représentants.
En vue d’assurer la concertation souhaitée, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles fait part de son souhait de discuter de ce dossier sur la base de plusieurs principes.
Premièrement, la population de notre Communauté doit disposer de praticiens de la santé en nombre suffisant pour répondre à ses be-soins. Ces besoins doivent être objectivés sur la base des analyses de la Commis-sion de planification de l’offre médicale interfédérale. Le contexte de crise sanitaire illustre davantage cette nécessité. À cet égard, je rappelle la mise sur pied, à mon initiative, de la Commission consultative de planification de l’offre médicale en Fédération Wallonie-Bruxelles.
Deuxièmement, les anciens étudiants et les étudiants actuels et futurs inscrits en médecine et en dentisterie dans les universités de la Fédération doivent avoir l’assurance qu’après des études réussies, ils auront accès à l’exercice de la pro-fession.
Troisièmement, les spécificités de la Fédération Wallonie-Bruxelles doivent être prises en considération, notamment le nombre d’étudiants non-résidents ac-cueillis par ses universités, ainsi que la situation des étudiants belges franco-phones qui se forment dans un autre État membre de l’Union européenne.”
Je salue la volonté du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles de discuter avec le gouvernement fédéral dans le cadre de ce dossier. Toutefois, ces discussions ne doivent pas être menées sous la menace. Or, la position du Ministre fédéral de la Santé est problématique. Nous subissons à la fois la plus grave pénurie de praticiens et la plus grave pandémie de l’histoire ; dans une telle situation, demander d’imposer une nouvelle limitation à l’accès aux études de médecine est un réel problème.
De nombreux acteurs l’ont rappelé. Ce scénario serait catastrophique pour les étudiants et pour la santé publique. Je félicite donc notre gouvernement de ne pas rentrer dans ce jeu de chantage, tout en acceptant de discuter sur d’autres bases.
C’est la bonne démarche à suivre, parce qu’il faut absolument garantir à tous les étudiants d’obtenir un numéro INAMI, et aussi parce qu’il ne faut pas aggraver la pénurie, ni maintenant ni plus tard. L’une des exigences essentielles pour ce faire est la création de cet organe interfédéral qui objectivera les besoins.
Ensuite, sur la base de ces besoins, nous pourrons prendre les mesures nécessaires. On ne peut pas agir dans l’ordre inverse. Il faudra également tenir compte des spécificités de la Fédération Wallonie-Bruxelles, notamment les non-résidents. J’encourage la Ministre à poursuivre dans cette direction.