La réforme des rythmes académiques est un sujet me tient tout particulièrement à cœur. Et je me réjouis de voir que les choses avancent et qu’une forme de consensus semble progressivement se dégager parmi les acteurs : pas seulement sur la nécessité de faire évoluer le système actuel – quasiment unique au monde qui épuise tout le monde et constitue une machine à générer l’échec -, mais aussi sur les formes que pourrait prendre cette réforme.
Avec, semble-t-il, de véritables périodes de repos, avec aussi une révision de la façon d’évaluer les étudiants.
Je considère qu’il s’agit de la meilleure aide à la réussite possible, bien plus efficace que toutes les réformes du parcours de l’étudiant. Et tout ça sans débourser un seul euro.
Et ce n’est pas seulement positif pour les étudiants, c’est aussi positif pour l’ensemble de la communauté académique qui va pouvoir, elle aussi, s’organiser différemment et se consacrer à d’autres tâches importantes, en particulier à la recherche.
Je suis toutefois un peu inquiet quand j’entends l’un et l’autre au sein du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles parler de « se coller » au calendrier de l’enseignement obligatoire. Mais je pense néanmoins que la Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny, comprend l’importance capitale de l’opportunité qui se dessine : on doit prendre en compte le calendrier de l’obligatoire dans les réflexions, cela va sans dire, mais ceci ne doit pas être notre unique ligne directrice. La ligne directrice doit être la meilleure solution pour le supérieur, les étudiants et les travailleurs.
La rectrice de l’ULB le disait très bien : « la question nécessite un travail en profondeur et une concertation ». Et elle décline trois principes : 1) positionner les examens de la fin du premier quadrimestre à la veille des vacances d’hiver pour que les jeunes aient ensuite deux semaines de repos ; 2) la seconde session serait placée dans la foulée de la première, soit fin juin/début juillet pour organiser un vrai temps de repos durant l’été. Ce principe est essentiel à mes yeux : inspiré d’un modèle français, ce principe est cohérent pédagogiquement, un vrai gage de réussite. 3) Elle demandait enfin que soit accordée une certaine flexibilité aux établissements qui s’organiseraient, outre les grandes balises, en fonction de leurs spécificités, c’est là qu’interviendraient des évaluations intermédiaires par exemple.
La Ministre Glatigny annonçait en séance plénière une nouvelle réunion du groupe de travail pour le 23 septembre. D’où ces questions :
- Cette réunion a-t-elle permis d’aboutir à des propositions communes plus précises ? Quelles sont les nouvelles avancées ? Quels types de spécificités, comme l’évoque la rectrice de l’ULB, sont envisagées ? L’entrée en vigueur à la rentrée 2023 est-elle toujours envisagée ?
- Enfin, quelles sont concrètement les réflexions menées en matière d’évaluation au sein du GT ? L’idée est-elle de sortir de la logique de blocus et d’avancer vers une évaluation plus continue et formative ?
Réponse de la Ministre :
“Cette question a été largement abordée par d’autres Députés en commission le 26 septembre 2022. Vous trouverez ci-après la réponse que j’ai donnée à cette occasion :
Un groupe de travail a été constitué pour analyser les rythmes académiques. Il s’est réuni à de nombreuses reprises, à mon initiative, dès le début des discussions portant sur la réforme des rythmes scolaires dans l’enseignement obligatoire, et a encore tenu une réunion le 23 septembre pour poursuivre la réflexion. Ce groupe rassemble des représentants des universités, des hautes écoles, des écoles supérieures des arts (ESA), des organisations syndicales, des étudiants et des représentants des secteurs du sport et de la jeunesse. Pour ma part, la présence de ces deux derniers secteurs est très importante.
Les points de repère à respecter, selon moi, pour une évolution des rythmes académiques sont les suivants :
– la construction d’un modèle concerté qui fasse l’objet d’un consensus, y compris avec les opérateurs du monde du sport et de la jeunesse, tout en prenant en compte les besoins de tous les acteurs de l’enseignement supérieur ;
– l’amélioration de la qualité des apprentissages ;
– l’amélioration de l’articulation des temps d’apprentissage et d’évaluation, ainsi que de véritables périodes de repos, ce qui implique de mieux définir ces notions.
Dans un premier temps, le groupe de travail de l’ARES s’est accordé sur un certain nombre de principes parmi lesquels la qualité des apprentissages et le bien-être des étudiants et des membres du personnel au centre des préoccupations.
Concernant les évaluations, les principes retenus sont les suivants :
- revoir l’ampleur et l’équilibre des périodes d’évaluation par rapport aux périodes d’activités d’apprentissage ;
- ouvrir la réflexion de telle manière qu’elle permette le développement et la promotion d’une variété large de méthodes d’évaluation ;
- prendre en compte la particularité de la situation des étudiants en début de parcours académique.
Les principes retenus concernant, cette fois, les aspects purement organisationnels sont les suivants :
- faciliter l’organisation des concours, des épreuves d’admission et des jurys dans les ESA en début et en fin d’année académique ;
- structurer le calendrier avec un rythme commun dans l’enseignement supérieur pour permettre les codiplomations ;
- se détacher du calendrier de l’enseignement obligatoire, si cela est nécessaire, tout en veillant à garder suffisamment de périodes de congé en concordance avec celui-ci.
S’y ajoutent les balises légales suivantes :
- ne pas ajouter au décret du 7 novembre 2013 définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études (décret «Paysage») de nouvelles contraintes qui pourraient être bloquantes pour certains établissements et conserver donc des balises minimales ;
- assurer, dans le cadre de la réforme, une égalité de traitement pour le personnel des différentes catégories d’établissements d’enseignement supérieur; évaluer le principe de la répartition de l ’année en quadrimestres ;
- réfléchir à un découpage de l’année académique qui permette une certaine proximité entre la fin d’une activité d’apprentissage et son évaluation, tout en maintenant une cohérence avec les contraintes liées à la mobilité internationale ;
- améliorer le statut de certains membres du personnel, comme les enseignants temporaires, les enseignants conférenciers, etc.
Comme vous pouvez vous en douter, il s’agit là d’un point de départ pour des réflexions en pleine évolution. Les débats du groupe de travail sont loin d’être terminés, car il y a encore des éléments qui doivent être précisés et articulés avec pour objectif de construire un calendrier fluide et adapté aux besoins. Il faut aussi que cela se fasse dans le respect de tous et à l ’écoute des priorités objectives tant des différents secteurs, qu’il s’agisse du sport ou de la jeunesse, que des différents types d’enseignement.
Il semblerait qu’un consensus se dégage autour des éléments suivants:
- avancer la rentrée académique probablement à la fin août ;
- immuniser la période du congé d’hiver;
- ménager de réelles périodes de repos pour les étudiants et les enseignants ; maintenir le volume des apprentissages sans toucher ni à la qualité ni au volume de congés des enseignants ;
- Créer une réelle coupure en été entre deux années académiques.
Ce n’est pas encore l’heure des conclusions, car ces points devront de toute façon être validés par le Conseil d’Administration de l’ARES, puis faire l’objet de débats et de décisions au Gouvernement, puis au Parlement. Le groupe de travail est à l’ouvrage. Il faut le laisser poursuivre son travail en toute sérénité en particulier parce que beaucoup de questions restent encore à trancher.
Ajoutons encore que de nombreux débats ont eu lieu, lors de l’adoption du décret «Paysage», sur la notation des unités d’enseignement, car elle touche à l’un des fondements mêmes du métier d’enseignant, à savoir l’évaluation des compétences des étudiants dans le respect de la liberté académique des enseignants et la transcription du résultat de cette évaluation sous la forme d’une note de 0 à 20, en considérant le seuil de réussite fixé à 10 sur 20. Si l’évaluation des unités d’enseignement relève de la responsabilité et de l’autonomie des jurys, elle est néanmoins encadrée et restreinte par l’article 77 et les articles 137 à 141 du décret «Paysage».
En outre, les règles de transparence de l’évaluation ont été confortées par un arrêt du Conseil d’État du 3 novembre 2015 qui confirme qu’un jury a le droit de déterminer librement les conditions de validation d’une unité d’enseignement, pour peu que ces conditions et les modes d’évaluation de celle-ci soient clairement communiqués sur la fiche ECTS (European Credit Transfer System).
Enfin, la question du report de notes des activités d’apprentissage réussies, elle aussi, n’a pas manqué de susciter le débat qui a abouti à une modification du décret «Paysage» par le décret du 10 décembre 2015 relatif à l’évaluation des activités d’apprentissage qui vise à faire en sorte que même si les étudiants n’ont pas encore définitivement acquis les crédits d’une unité d’enseignement, ils ne doivent pas, en cours d’année académique, représenter les activités d’apprentissage réussies. De même, ce décret vise à ce que les jurys puissent dispenser les étudiants de devoir représenter les activités d’apprentissage réussies d’une année académique à l’autre.
Pour conclure, de manière générale, il n’appartient pas au législateur de s’immiscer dans la manière d’établir la note finale d’une unité d’enseignement ou d’insérer dans un décret des règles de docimologie coercitive applicables à tous. Cela aurait pour effet de diminuer très fortement la liberté académique des équipes pédagogiques et d’ôter au jury son pouvoir de décision (souverain). Les acteurs de l’enseignement supérieur se sont montrés très clairs à ce sujet. Pour ma part, plutôt que de réduire la liberté académique, il me semble plus opportun de garantir qu’elle ne soit pas remise en question.“