Face à l’influence des géants de la bière sur les étudiants, renforcer la prévention

Durant la séance plénière du 25 janvier dernier, j’interrogeais la Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny, quant aux révélations de l’émission « #Investigation » qui soulevait les pratiques particulièrement agressives des géants de la bière envers les étudiants. En effet, l’émission mettait en évidence l’existence de subsides et autres récompenses et avantages offerts aux étudiants en fonction de leur consommation d’alcool. La Ministre indiquait alors qu’un message d’alerte avait été lancé, la Charte relative aux activités festives et folkloriques estudiantines revue et qu’une journée de sensibilisation à ce propos avait été organisée. Elle ajoutait par ailleurs qu’une stratégie interfédérale existe déjà, et qu’une concertation de tous les acteurs devrait prochainement aboutir.

Je souhaitais approfondir ce sujet. D’où ces nouvelles questions à la Ministre :

  • Madame la Ministre, confirmez-vous qu’il n’existe aucune pratique de récompenses des étudiants (en voyage, en rémunération ou tout autre avantage) liées à la consommation d’alcool des étudiants ? Selon le contrat qui unit AB InBev à l’ULB, le brasseur octroie des subsides culturels à l’université qui seraient en partie remboursés si une certaine quantité de bière écoulée n’est pas respectée. Quelles activités sont financées par ces subsides culturels ? Comment est justifié le lien entre le niveau de consommation d’alcool et le montant des subsides octroyés ? Quelles autres conditions encadrent l’octroi de ces subsides ? D’autres universités ou établissements sont-ils concernées ? Si oui, lesquels ? D’autres brasseries sont-elles concernées ? Si oui, lesquelles ? Entendez-vous mettre en œuvre des mesures afin de mettre fin à de tels contrats ? Des mesures encadrent-elles déjà de tels contrats ?
  • Le programme Jupiler Ambassador qui récompense les cercles étudiants selon leur consommation d’alcool avec des voyages et autres cadeaux est également dénoncé, malgré la volonté de discrétion du brasseur sur la question. Ces programmes sont-ils toujours en place ? Allez-vous exiger davantage de transparence dans les contrats entre les brasseurs et les cercles étudiants ?

Réponse de la Ministre :

“Monsieur le Député, l’incidence de l’abus d’alcool sur les jeunes est une problématique qui me préoccupe. Nous sommes bien conscients de l’impact potentiel des black-outs répétés sur des cerveaux en pleine maturation et qui doivent faire preuve de capacités de mémorisation particulières. C’est pourquoi nous avons revu à mon initiative la charte relative aux activités festives et folkloriques estudiantines. Nous avons également organisé une journée de sensibilisation réunissant tous les cercles étudiants et de nombreuses associations de jeunesse, y compris Responsible Young Drivers.

Je vous confirme qu’il existe des stratégies commerciales d’achats groupés impliquant des cercles étudiants et des grands distributeurs de bière. Ces stratégies commerciales existent également dans d’autres secteurs, comme le secteur sportif. De telles pratiques se généralisent dans notre société. La Fédération Wallonie-Bruxelles ne peut pas interdire des pratiques commerciales non contraires à la législation, mais cela ne signifie pas que nous ne devons rien faire. Il est évident que nous devons sensibiliser et informer les étudiants et travailler avec les associations de jeunesse et les cercles étudiants.

Comme je vous l’ai dit en séance plénière, une stratégie interfédérale de lutte contre l’usage abusif d’alcool existe. Elle est en négociation entre les différents niveaux de pouvoir. De nombreux acteurs sont actuellement consultés, parmi lesquels des brasseurs et alcooliers tels que AB InBev, mais aussi des acteurs du secteur associatif qui effectuent un travail de prévention auprès des jeunes. Je pense ici à Modus Vivendi, au groupe Jeunes, alcool & société ou encore à Prospective Jeunesse. Sept organisations économiques et quinze organisations de santé ont également répondu à la consultation, à la suite de laquelle nous pourrons amplifier le travail mené au sein des établissements d’enseignement supérieur en termes de prévention et de sensibilisation à l’usage nocif d’alcool.

L’abus d’alcool est un fait de société contre lequel nous devons lutter. Cette lutte passe par la sensibilisation des jeunes et le traitement du problème sous tous ses aspects.”

Il est clair qu’il n’y a pas de solution parfaite. Il ne faudrait pas faire croire que nous pouvons interdire l’alcool sur les campus. Cela n’aurait aucun sens et ce n’est évidemment pas notre objectif. L’alcool fait partie intégrante du folklore étudiant. Le défi que nous avons à relever réside davantage dans la prévention et la sensibilisation à certains abus.

Fondamentalement, nous devons aussi veiller à la manière dont les appels
d’offres sont rédigés, notamment par les universités, lorsqu’elles sont à la manœuvre. Il faut que les cahiers des charges protègent les étudiants et leur garantissent une liberté de choix. La rentabilité ne peut pas être le seul critère pris en considération. Les établissements ont une responsabilité dans ce domaine et je voulais insister sur ce point.