Plus de 1000 acteurs de l’enseignement, dont plus de la moitié issus du monde de l’enseignement supérieur, ont signé la charte appelant à un enseignement à la hauteur de l’urgence écologique.
Cette charte comporte douze engagements concrets et précis. De nombreux engagements touchent directement aux apprentissages, car les signataires appellent à mieux enseigner les enjeux écologiques dans leur complexité et leur globalité ainsi qu’à changer de perspective sur la manière dont l’enseignement est dispensé, en abordant le sujet de manière transversale. Avec un objectif : mieux préparer la société et les adultes de demain à l’immense défi que représente le dérèglement climatique. D’autres engagements invitent à ancrer les thématiques environnementales dans la vie des établissements par le biais du développement d’éco-gestes ou des questions relatives à la mobilité et aux déchets.
On a déjà évoqué au sein de cette commission des chiffres interpellants : seuls 3% des cours traitent au moins pour partie des enjeux climatiques et/ou environnementaux. Il en découle naturellement qu’une grande majorité des jeunes, pourtant très inquiets pour le climat, considèrent pour la plupart qu’ils ne sont pas suffisamment informés sur ces questions. Or, il convient de préparer les jeunes et la société de demain aux chocs futurs. Aux chocs auxquels ils seront confrontés et auxquels ils devront répondre.
La Ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny, a précédemment évoqué les initiatives prises dans le cadre du Plan transversal de transition écologique de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la commission du développement durable de l’ARES. Elle a notamment indiqué que le nombre de formations traitant de ces enjeux était en augmentation. Si ces mesures sont toujours un pas dans la bonne direction que je salue, les propositions de la Charte sont, concernant l’enseignement supérieur, particulièrement ambitieuses et en phase avec les défis auxquels nous sommes confrontés.
D’où ces nouvelles questions :
- Madame la Ministre, avez-vous pris connaissance de cette charte ? Envisagez-vous d’en rencontrer les initiateurs ? Quelle est votre réaction par rapport à celle-ci ? Quelles initiatives prenez-vous pour mettre en place des mesures inspirées par les propositions de la charte ? Le nombre de formations sur les sujets climatiques et environnementaux continue-t-il à augmenter de manière continue ?
- L’établissement d’un plan de transition au sein de chaque établissement d’enseignement supérieur est-il à l’ordre du jour ?
Réponse de la Ministre :
“Pour l’essentiel, les 12 engagements proposés dans cette Charte s’inscrivent très légitimement dans les missions de l’enseignement supérieur.
Je n’ai évidemment pas à me prononcer sur les options pédagogiques particulières qui seraient impliquées par certaines des formulations de ces engagements. Mais je partage sans aucun doute la très haute exigence qui les porte : que nous travaillions, chacun et ensemble, pour un enseignement qui soit à la hauteur des nombreux défis que les générations suivantes auront à relever, y compris ceux que nous n’imaginons pas encore. C’est d’ailleurs cette exigence qui guide toute mon action pour l’excellence de notre enseignement supérieur : notre responsabilité est que leur formation, quelle qu’en soit la forme et quel qu’en soit le domaine, permette à ces jeunes de développer au mieux toutes ces capacités qui leur seront demandées, non seulement face aux urgences actuelles mais aussi à long terme, dans un monde dont nous ne savons pas ce qu’il sera.
J’ai déjà eu l’occasion d’insister ici sur la prudence élémentaire avec laquelle il faut prendre ce chiffre de 3% que vous invoquez encore. Malgré son utilité rhétorique, il n’est nullement représentatif de la réalité multiforme de l’engagement des enseignants et des établissements, attentifs à la fois à la transmission des savoirs, au développement des compétences et des enjeux du monde contemporain, dans toutes leurs dimensions et leur complexité. Et c’est très précisément ce genre de simplification qu’il faut éviter si nous voulons nous donner, et donner aux générations suivantes, les moyens de répondre à la complexité des enjeux.
Dans tous nos établissements d’enseignement supérieur, les questions du développement durable et de la transition ont été intégrées dans trois axes complémentaires.
Le premier axe concerne l’intégration de cette dimension durable dans l’ensemble des programmes d’enseignement.
La prise en compte des enjeux climatiques et environnementaux fait bien partie des critères prévus pour l’examen de toute nouvelle habilitation. Le moratoire actuel ne permettra pas pour le moment une augmentation des formations initiales dans ce domaine. Mais l’ARES a procédé récemment à un premier recensement, dont l’analyse n’a pas encore été faite mais qui permet de constater un développement continu et significatif des offres de formations continues et en particulier de certificats.
Dans leurs différents domaines d’enseignement, les équipes d’enseignants veillent de plus en plus à articuler les apprentissages, dans une perspective d’intégration multidisciplinaire, pour que les futurs professionnels soient en prise avec la complexité du réel dans lequel ils auront à s’engager. Toutes mes rencontres avec les équipes pédagogiques et de direction me montrent l’importance de cet engagement, que confirme d’ailleurs l’article auquel vous faisiez référence. Une telle intégration est à l’œuvre également dans chacune des Alliances européennes dans lesquelles nos établissements s’impliquent progressivement.
Un deuxième axe consiste à soutenir de manière prioritaire des programmes de recherche interdisciplinaire sur les enjeux de la transition. De plus en plus, les projets de recherche sont orientés vers l’élucidation de problèmes complexes, que ce soit dans le champ des énergies renouvelables, des nouveaux matériaux, de la mise en œuvre institutionnelle des dynamiques de transition, des impacts psychologiques ou sociaux des phénomènes de transition… ce ne sont là que quelques exemples. Je rappelle ici encore une fois la mise en place d’une plateforme de recherche interuniversitaire pour favoriser l’innovation verte et la formation de nos futurs diplômés aux nouvelles technologies dans ce domaine. Cette plateforme, dotée d’un budget de 26,4 millions d’euros dans le cadre du plan de relance européen, est également accessible aux hautes écoles. Plus globalement, partout où c’est pertinent, les appels à projets, comme les nouvelles formations, intègrent cette dimension durable dans les critères d’évaluation et de sélection.
Le troisième axe, complémentaire aux deux précédents, vise à la mise en place de campus durables. Il s’agit d’abord de rénover les bâtiments pour atteindre les objectifs de réduction des dépenses énergétiques et de la production de CO2 fixés par les instances européennes et belges. Je rappellerai à cet égard que dans le cadre du plan de relance européen, les universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles sont engagées dans un programme de rénovation d’infrastructure subsidié à hauteur de plus de 40 millions d’euros et que les autres types d’enseignement ne sont pas négligés puisqu’ils sont également éligibles au plan de relance européen via le mécanisme des bâtiments scolaires, géré par mon collègue le Ministre Frédéric Daerden.
La mise en place d’un plan de transition dans les différents établissements est par ailleurs soutenue notamment par l’expertise d’un prestataire extérieur qui a été recruté dans le cadre du budget consacré au développement durable par l’ARES, dans le volet A de son appel à projets 2023. Ce prestataire aidera encore en 2024 les établissements qui en ont fait la demande à mettre en place une démarche “Développement Durable” construite avec les différentes composantes de leur institution et de leur communauté. Dans le volet B de cet appel à projets, comme chaque année, la commission Développement Durable a apporté un soutien significatif à différents projets en vue de la durabilité des campus et à la mise en réseau de ces initiatives. Ces différentes actions sont détaillées sur le site de l’ARES.
Pour mettre en œuvre des plans ambitieux dans l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur, il y a lieu de combiner les moyens que peuvent offrir les différentes entités afin de soutenir les établissements d’enseignement supérieur dans de telles démarches. A cet égard, comme vous le savez sans doute, le Gouvernement wallon a prévu de soutenir, dans le cadre d’une action du plan de relance wallon, les établissements d’enseignement supérieur dans la mise en place de plans de transition. Je ne peux que saluer cette initiative qui permettra aux établissements d’enseignement supérieur implantés en Wallonie de bénéficier d’un soutien financier dans ce cadre et je ne peux qu’espérer que la Région bruxelloise en fera de même.
Enfin, c’est par le biais par exemple de la participation des différents acteurs de la formation aux instances décisionnelles, de la participation des chercheurs à des rencontres et des collaborations internationales, de la mise en œuvre de projets de recherche dans les domaines décisifs d’innovation, de la proposition de nouvelles formations qui répondent à des besoins réellement nouveaux et non à d’autres considérations, ou encore par le biais d’une dynamique d’évaluation permettant aux établissements de se situer par rapport à des standards européens de qualité, que la Fédération Wallonie-Bruxelles soutient nos établissements à évoluer en la matière.“