Lâchers de faisans et de canards d’élevage à Clavier : mettre fin à une pratique archaïque et calvaire quotidien

Je souhaitais revenir vers le Ministre responsable de la chasse, Willy Borsus, au sujet des lâchers de faisans et de canards d’élevage pratiqués dans le village de Saint-Fontaine, dans la commune de Clavier.

Des habitants témoignent de leur calvaire quotidien causé par ces pratiques de chasse d’un autre temps qui mettent en scène une poignée de privilégiés élevant des milliers de canards et de faisans à quelques dizaines de mètres des habitations voisines, avant de les relâcher dans le seul but de les tirer à vue.

Ces pratiques ont non seulement de multiples conséquences tragiques pour ces pauvres volatiles, mais aussi des nuisances particulièrement désagréables pour les riverains : des centaines de faisans dans les jardins, leurs cris, leurs déjections sur les terrasses et mobiliers d’extérieur, les chasses régulières (sans avertissement préalable pour les habitants), les allées et venues des quads et autres pick-ups pour les nourrissages, les cadavres de faisans dans les jardins…

À ces nuisances s’ajoute un risque sanitaire sérieux, dans le contexte de grippe aviaire généralisé que nous connaissons. En effet, en septembre 2022, la commune de Clavier fut l’épicentre d’un foyer de grippe aviaire. Or, la date d’ouverture de la chasse à tir du gibier d’eau est fixée au 15 août en vertu de l’arrêté du Gouvernement wallon du 29 mai 2020 fixant les dates de l’ouverture, de la clôture et de la suspension de la chasse, du 1er juillet 2020 au 30 juin 2025. La pratique des chasses à tir sur des canards et faisans élevés en captivité dans des conditions intensives puis relâchés dans la nature pose d’inévitables questions en lien avec l’origine de cette épidémie qui a touché les oiseaux sauvages de la région.

De son côté, la Région flamande a explicitement interdit ce type de pratique dangereuse pour la biodiversité et la santé visant à élever du petit gibier en vue de le relâcher pour le tirer. La législation flamande prévoit même la possibilité d’interdire toute chasse de petit gibier en cas d’infraction à ces dispositions.

D’où ces nouvelles questions au Ministre Borsus :

  • Est-il au courant de ces activités d’élevage et de chasse dans la commune de Clavier ? Quelles mesures prend-t-il ou compte-t-il prendre afin d’encadrer ce type de pratique pour atténuer sensiblement les nuisances pour les habitants ?
  • Suite à l’épidémie de grippe aviaire, lors des échanges avec mes collègues, le Ministre s’était engagé à exercer une surveillance accrue des activités de chasse dans cette zone. Qu’en est-il et quel le rapport de la situation ? Le Ministre affirmait ainsi début 2023 que sa priorité était « de poursuivre la réflexion concernant les lâchers de petits gibiers ». Près d’un an plus tard, où en est la réflexion à ce sujet ? Une interdiction de ces lâchers est-elle envisagée ?
  • Comment justifie-t-il le maintien de l’autorisation de ces lâchers de petits gibiers, au regard des enjeux de santé publique, de biodiversité et de nuisances pour les riverains, alors que non seulement la Flandre, mais également d’autres pays européens, les ont interdits ?

Réponse du Ministre :

“Monsieur le Député, certaines pratiques de lâchers de petits gibiers et de gibiers d’eau ont été mises en lumière la saison dernière, lors de la contamination de faisans par la grippe aviaire. Pour rappel, toute personne qui souhaite détenir des animaux, dont des oiseaux gibiers, ou un titulaire de droit de chasse qui souhaite élever des canards colverts ou des faisans communs, doit s’inscrire au préalable dans Sanitel, un système belge de gestion informatisée d’identification, d’enregistrement et de suivi des animaux d’élevage, auprès de l’AFSCA, via l’ARSIA en Wallonie, afin de recevoir un numéro de troupeau.

Le lien entre les lâchers de grandes quantités d’oiseaux gibiers et l’apparition de foyers de grippe aviaire n’a pas été établi. Néanmoins, il est vrai que toute concentration d’oiseaux est de nature à augmenter le risque de propagation rapide de la maladie au sein de l’avifaune sauvage et d’élevages présents dans la zone touchée, qui ont fait l’objet de restrictions de commercialisation et circulation pendant la période de contamination aviaire.

Notons également que les mentalités ont évolué au sein même des chasseurs et de la population et que ces pratiques excessives ne peuvent être acceptées et ne sont pas une généralité. Lors des contrôles, outre la vérification des permis et licences de chasse, les préposés forestiers contrôlent l’absence de cartouches de grenaille de plomb pour le tir des gibiers d’eau dans et à moins de 100 mètres des marais, lacs, étangs, réservoirs, fleuves, rivières, conformément aux nouvelles directives européennes.

En ce qui concerne la surveillance sanitaire, l’administration met actuellement en place des procédures de veille relatives aux différentes maladies qui touchent la faune sauvage, dont, en particulier, la grippe aviaire. Un réseau d’agents du Département de l’étude du milieu naturel et agricole et du Département de la nature et des forêts est particulièrement engagé dans cette surveillance depuis l’année dernière. Des informations relatives aux différentes maladies affectant la faune sauvage sont disponibles sur le portail Biodiversité.be à l’attention des citoyens. Toute découverte d’une mortalité anormale dans l’avifaune sauvage est rapidement examinée et l’administration envoie des échantillons vers le laboratoire national de référence Sciensano afin d’obtenir, le cas échéant, la détection précoce de tout nouveau foyer de grippe aviaire.

Fort heureusement, les oiseaux sauvages qui se sont révélés positifs au virus en 2022 ne semblent pas avoir entraîné de dispersion importante de la maladie autour du point de découverte de la ou des carcasses, ce qui n’empêche pas évidemment la vigilance de s’exercer. Les nuisances liées au bruit, à la présence de centaines d’oiseaux manifestement peu farouches subies par les riverains dans leur propriété, peuvent être considérées comme problématiques, mais, sans aucun doute, elles ne contribuent pas à créer un problème sanitaire, en tout cas dans l’observation qui a été établie.

Par ailleurs, elles peuvent aussi donner une image négative de la chasse en général. C’est la raison pour laquelle je souhaite que l’on puisse continuer à se pencher sur la problématique du petit gibier afin de réfléchir au devenir, au contexte de cette pratique. J’invite néanmoins, indépendamment de ces réflexions, les chasseurs et autres interlocuteurs concernés à agir dans un cadre qui soit raisonnable et modéré.

En ce qui concerne cette réflexion, je dois indique que nous nous sommes concentrés sur ce qui est repris dans la DPR, c’est-à-dire les mesures liées au nourrissage, aux surdensités de grand gibier, singulièrement les sangliers, l’adaptation des périodes de chasse. Puis nous entamerons une réflexion – qui va prendre un certain temps –, concernant le petit gibier.”

Je crois en effet que les mentalités ont évolué. Ce sont des pratiques qui datent d’une autre époque et je crois que l’on ne peut pas les laisser se poursuivre pour le plaisir de quelques-uns. Cela porte atteinte à ces pauvres bêtes non seulement, mais aussi aux riverains qui vivent un enfer et à la santé publique.

Je note les mesures qui sont prises à cet égard. C’est un point important que le Ministre souligne : même ceux qui défendent la chasse ne se reconnaissent pas dans ce type de pratique, et devraient donc s’opposer à ces pratiques de nourrissage et d’abattage, qui n’ont absolument rien à voir avec de la chasse et qui portent atteinte à l’image de tous les chasseurs. Je me réjouis donc que l’on continue de se pencher sur le dossier.

J’espère que l’on pourra aboutir, comme en Flandre, comme en France, à une interdiction de ce type de pratique qui n’est plus de notre époque.