Ce week-end, je représentais la Présidente du Sénat pour accueillir à Burdinne Jack Rennert, enfant juif sauvé des nazis grâce à l’incroyable courage de deux Burdinnois, Juliette Putzeys et l’Abbé Jean Cottiaux.
A 85 ans, émigré aux USA, il est revenu avec les trois générations de sa désormais grande famille pour l’hommage rendu à ses sauveurs de l’époque, faits « Justes parmi les Nations ».
Un moment émouvant qui nous rappelle l’importance de ne jamais oublier la Shoah, à l’heure où les extrémismes sont banalisés et où certains tentent de faire croire que la peur et le rejet de l’autre sont la solution.
Merci à la commune de Burdinne et à l’ASBL L’Enfant Caché pour ce travail essentiel.
Le texte de mon intervention
Monsieur le Bourgmestre,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs les échevins et membres du conseil communal,
Mesdames et messieurs en vos titres et qualités,
Dear Mr Rennert,
I’m really pleased and honored to stand here today, to welcome you and your family in Burdinne. A place where two incredible people showed the greatest courage there is: risking their own lives to save the lives of others, yours and your familie’s.
C’est à la fois avec admiration et émotion que j’ai l’honneur de m’adresser à vous aujourd’hui, en ma qualité de sénateur et au nom de la présidente du Sénat, Stéphanie D’Hose, qui ne pouvait hélas être présente parmi nous aujourd’hui, et qui vous prie donc de l’excuser.
Je tenais à ouvrir cet hommage en citant les paroles d’une chanson que beaucoup d’entre vous connaissent certainement. Une chanson, « Né en 17 à Leidenstadt » qui dit notamment ceci :
« On ne saura jamais ce qu’on a vraiment dans nos ventres
Cachés derrière nos apparences
L’âme d’un brave ou de complice ou d’un bourreau ?
Ou le pire ou le plus beau ?
Serions-nous de ceux qui résistent ou bien les moutons d’un troupeau
S’il fallait plus que des mots ? »
Ces mots résonnent tout particulièrement aujourd’hui. Et si cela avait été nous ? Aurions-nous eu le courage de Juliette Putzeys et Jean Cottiaux, et des nombreux Burdinnois qui les ont protégés ?
Aujourd’hui, je suis particulièrement honoré de participer à cet hommage rendu à Juliette Putzeys et à l’abbé Jean Cottiaux, qui furent donc de ceux qui résistent, réalisant le plus beau, en allant bien au-delà des mots : en ayant le courage d’agir. En risquant leur vie pour sauver Wolfgang, Léo, leur mère, ainsi que Gita Seidler…
Et nul besoin de rappeler à quel point risquer sa vie n’était pas juste une expression en l’air dans une époque comme celle de la seconde guerre mondiale.
Pour chaque personne qui prenait le risque de se dresser contre l’occupant nazi, combien étaient torturées ? Combien étaient tuées ? Chaque acte de bravoure signait potentiellement l’arrêt de mort de celui ou celle qui en était l’auteur.
Mais ils l’ont fait, parce qu’ils savaient que c’était juste. Parce qu’ils savaient que les valeurs de solidarité, de tolérance, de justice et de liberté ne pouvaient être abandonnées face à la tyrannie et à l’obscurantisme.
Et en tant que député de l’arrondissement de Huy-Waremme, je suis réellement fier de pouvoir dire que la mobilisation a été particulièrement forte à l’époque dans notre région. Ici à Burdinne bien sûr. Mais tout autour, tant en Hesbaye que dans le Condroz.
En multipliant les actes de résistance, la population a mené la vie dure à l’occupant :
En cachant les cloches des églises pour éviter que les Allemands ne les fassent fondre pour en faire des armes, en cachant les aviateurs alliés dont les avions s’étaient écrasés dans les campagnes, en menant des actions militaires, en faisant évacuer les prisonnier du fort de Huy, en falsifiant les documents communaux, en brûlant les champs de colza utilisés comme matière première par les nazis, en harcelant les bourgmestres rexistes collaborateurs, et évidemment en cachant les juifs.
Pour un jeune élu comme moi, ces « Justes parmi les Nations » sont de vraies sources d’inspiration.
La mémoire de Juliette Putzeys et de l’abbé Cottiaux rappelle qu’il n’y a pas de fatalité. Que nous sommes capables de merveilles quand il s’agit, comme ici, de sauver la vie d’autrui… Ou quand des situations extrêmes appellent à la solidarité.
C’est le cas dans les grands moments de l’histoire, comme la seconde guerre mondiale, mais c’est aussi le cas à d’autres moments, plus proches de nous.
Nous l’avons vécu ces derniers mois, avec toutes ces personnes en première ligne depuis le début de la crise sanitaire. A ces infirmières, médecins, aides-soignants, ambulanciers, et à tous ces héros et héroïnes du quotidien qui, aux quatre coins du pays, se sont mobilisés pour sauver des vies, parfois en mettant la leur en danger.
Une entraide au carré qui s’est à nouveau manifestée lors des récentes et dramatiques inondations… et qui continue à se manifester à l’heure de la reconstruction, au-delà de toutes formes de divisions, qu’elles soient communautaires, culturelles, sociales, économiques…
Certes, ce n’est pas la guerre. Certes, cela n’a rien avoir ce qu’ont vécu les enfants juifs à l’époque, avec ce que vous avez vécu, cher Monsieur Rennert, ni avec le courage dont ont dû faire preuve Juliette Putzeys et l’abbé Jean Cottiaux.
Mais cela rejoint indéniablement le message que nous devons retirer de l’action de Juliette et Jean, à l’instar de l’ensemble des Justes parmi la Nation : par l’empathie, le courage, la solidarité, la bienveillance, nous pouvons sublimer l’union au détriment des divisions, dont se nourrissent les extrêmes et qui mènent aux pires atrocités humaines.
Plus que jamais nous devons garder à l’esprit « Plus jamais ça ! » et honorer la mémoire des Justes.
Et c’est un combat qui n’est jamais gagné. Lorsque l’on observe la montée des extrêmes, élection après élection, pas uniquement en France, mais en Belgique aussi. Lorsqu’au Sénat, le Vlaams Belang, 3è groupe de l’assemblée, se permet de balancer à l’un de mes collègues qu’il ferait mieux de rentrer dans son pays, lorsque l’abstentionnisme serait le premier parti représenté à la chambre si on lui attribuait des sièges, nous devons plus que jamais être vigilants … et résistants !
Notre responsabilité est immense pour lutter contre toutes les formes d’obscurantisme et d’extrémisme. C’est notre rôle, à nous hommes et femmes politiques. Mais c’est aussi le rôle de la société civile, de l’histoire, de l’éducation.
Pour montrer ce dont l’homme est capable de pire comme de meilleur.
C’est pourquoi je tiens vraiment à saluer l’initiative de l’ASBL « L’Enfant Caché » et de la commune de Burdinne ce matin et vous remercie encore pour votre accueil !
Et comme j’ai commencé par un extrait de « Né en 17 à Leidenstadt », je bouclerai également par le dernier ver de cette chanson, en formant le vœu que cette mobilisation de ce matin contribue à nous épargner à vous et moi, « pour si possible très longtemps, d’avoir à choisir un camp ! »
Merci pour votre attention.